Notre dossier "L'alya d'aujourd'hui et ses nouveaux sionistes"a commencé en Israël où nous sommes allés à la rencontre des nouveaux immigrants afin de connaître leurs motivations, leur vie actuelle en Israël,
puis à la rencontre des responsables de l'intégration en Israël.
Nous voulions connaître également la position des acteurs principaux de la communauté juive en France. Sont-ils favorables à l'alya ?
N'y a-t-il pas un conflit d'intérêt entre l'alya et les institutions juives de France ?
Nous avons rencontré l'un des plus important représentant de la communauté juive de France, Monsieur Pierre Besnainou qui depuis 2006 est le Président du FSJU - Fond Social Juif Unifié- le poumon financier de la communauté qui collecte des fonds à travers l'Appel juif unifié de France, finance les oeuvres sociales, les écoles juives.
En 2004, Pierre Besnainou a été l'organisateur de l'opération "Sarcelles d'abord" qui visait à faire émigrer vers Israël une partie des juifs de France, avec l'appui logistique de l'Agence juive, l'organisme israélien chargé de favoriser l'alyah -
En 2005 il a créé sur ses propres fonds, l'aide au départ, l'AMI (Alyah meilleure intégration) dont les bureaux sont à Jérusalem.
Ainsi cet homme qui a lancé l'idée de la double nationalité pour les juifs de France, ce que Roger Cukierman - président du CRIF à l'époque -estimait contraire au patriotisme français, cet homme venu de Tunisie en 1972, qui a toujours eu foi dans un dialogue entre juifs et musulmans, cet homme qui revendique depuis toujours la double gratitude envers la France et Israël quelle est son regard à l'aube des événements qui secouent violemment les fondations même de la communauté juive de France ?
Sa position vis à vis de l’alya alors qu’il est aujourd’hui dans un engagement communautaire en France a-t-elle changée ?
Claudine Douillet -La situation économique et politique de la France, poussent de plus en plus de Juifs à quitter le pays pour faire leur alya. Comment analysez-vous la situation ?
Pierre Besnainou : S’il y a aujourd'hui une personne dont on ne peut mettre en doute son engagement vis à vis d'Israël et pour favoriser l'alya, c'est bien moi. Mon engagement pour l'alya, depuis plus de 10 ans, date de la création de l'AMI est toujours aussi fort. Je reste convaincu qu’il faut permettre aux Juifs de France qui le souhaitent de s'installer en Israël dans les meilleures conditions. Israël plus qu’un merveilleux pays, porte notre Histoire, nos engagements, beaucoup de nos rêves aussi. Encourager, soutenir celles et ceux et qui désirent y vivre est donc à mes yeux fondamental.
Claudine Douillet - Ne pensez-vous pas que le départ vers Israël de ces Juifs, pour la plupart aisés, risque de mettre en péril ceux qui ne le pourront pas pour des raisons essentiellement économiques, notamment par le manque de logements sociaux en Israël ?
Pierre Besnainou – Ceux qui partent aujourd’hui ne sont pas comme vous semblez le penser « pour la plupart aisés ». Lorsqu’on a de l’argent, excusez-moi d’être trivial, on peut vivre très bien, partout. Décider de partir vivre en Israël est un choix guidé par un idéal profond ; un choix à la fois éminemment réfléchi, car il n’est pas si simple, mais également « tripal ». Combien de jeunes que j’ai rencontré m’ont dit : « Je suis parti parce qu’il était évident que ma vie était écrite là-bas. » Le mot « évident » m’a toujours interpellé car c’est celui qui revient le plus dans les témoignages.
Claudine Douillet - Tous les Juifs de France n'ont pas les moyens d'acheter un appartement en Israël…
Pierre Besnainou - La volonté de s’installer en Israël pour y vivre, y travailler, y faire éventuellement son armée, y voir naitre ses enfants ne tient pas au seul fait de pouvoir ou non, acheter un appartement. Ce que je veux dire, c’est que le problème du logement, dont il ne faut en aucun cas déprécier l’importance, n’est ni un élément déclencheur, ni une raison suffisante pour faire renoncer un candidat à l’alya.
Je connais les chiffres de l'alya pour toutes les raisons que vous imaginez. Les plus nombreux à partir sont les jeunes, viennent ensuite les couples avec des enfants en bas-âge qui construisent leur vie et qu'ils préfèrent fonder en Israël, puis les retraités qui pour mille bonnes ou mauvaises raisons ne l’ont pas fait plus tôt. Une fois que la décision de partir est prise, le reste suit.
Claudine Douillet : Vous l’avez dit, le problème de logement reste crucial en Israël. Il n'existe pas en Israël, comme en France, des logements sociaux. Ainsi ceux qui veulent faire leur alya doivent pouvoir acheter sachant que les locations en Israël ne sont pas à durée illimitée.
Pierre Besnainou : Il existe en Israël : Hamidar et Hamigour qui sont deux sociétés pour logements sociaux. Vous savez, ce qui me frappe, c’est que nous sommes enfermés dans nos préoccupations quotidiennes. EVIDEMMENT qu’elles existent et EVIDEMMENT qu’elles sont déterminantes. Je ne suis pas en train de dire :« y’a qu’à, faut qu’on ».
Mais je voudrais aussi me situer sur un autre plan plus identitaire.
Faire son alya, je le répète, c’est vivre un idéal ; dire : « Voilà…je pose mes valises et cette fois pour de bon ». Alors oui, les difficultés seront nombreuses, d’ordre financier, administratif, professionnel, de logement, mais tout cela aura « un sens ». L’alya redonne du « sens ».
Claudine Douillet : Comment voyez-vous la situation des Juifs de France face à l'islamisation de la France ?
Pierre Besnainou : « L'islamisation de la France », vous y allez fort. La formulation me parait excessive, mais vous avez raison de sous entendre qu’aujourd’hui la grande question de la France est identitaire. Les Juifs de France sont confrontés très directement à cette question d’identité.
A cela s'ajoute l’antisémitisme d’individus issus pour la plupart de l’immigration maghrébine qui revendiquent un islam radical, agressif contre les Juifs de France. Oui, les Juifs de France se posent des questions légitimes sur leur avenir.
Il y a une réflexion intéressante que j’aimerais partager avec vous.
Est-ce le départ des Juifs d'un pays qui provoquent son déclin ?
Ou est-ce que les Juifs anticipent ce déclin, comme mues par un sixième sens, que leur histoire souvent tragique leur a transmis ?
Les Juifs de France qui ne voient pas leur avenir dans ce pays sont-ils les « sonnettes d’alarme » mettant en garde contre les conséquences liées aux des problèmes économiques, sociaux, politiques ; contre la montée d'un islamisme radical, agressif dans son expression, violent ses actes.Rappelons-nous des images de haine devant l'ambassade des Etats-Unis à Paris… Effrayant pour la démocratie et pour la République.
Claudine Douillet - Seriez-vous favorable à la création d'un événement afin de favoriser l'alyah des Juifs de France, par exemple la rencontre avec les coordinateurs qui aident à l'intégration en Israël avec les futurs candidats à l'alyah en France, également avec les nouveaux immigrants , ainsi qu’avocats, des experts pour l'achat ou la location en Israël ?
Pierre Besnainou : Il y a déjà le salon de l'alyah organisé chaque année par l'Agence Juive. Tout ce qui peut aider celles et ceux qui ont le souhait de faire leur alya me paraît indispensable, comme me parait indispensable de préparer avec soin ce départ vers une nouvelle vie. L’alya ce n’est pas une décision prise à la légère à la faveur de tel ou tel événement. Ce choix est intime, essentiel, à la fois douloureux et jubilatoire. Il vient de loin et ne s’exprime que lorsque le moment est venu. Je me souviens d’une jeune fille, installée depuis trois ans en Israël me confiant « C’est dur, mais je me sens tellement soulagée… ».
Partir vivre en Israël, ce n’est pas passer de bonnes vacances à la plage. Il faut être conscient des difficultés, de toutes les difficultés. Emigrer dans un pays est rude, même si nos racines françaises ne sont pas très profondes (80% de la communauté juive est arrivée en France dans les années 50/60) :
il faut parler la langue, connaitre les codes, s’adapter à la culture ambiante parfois plus éloignée qu’on croie... Quand j'ai créé AMI, le message transmis à Avi Zana, son directeur était clair : AMI doit réfléchir, construire, développer des projets d'aide à l'alya aux côtés de l'Agence Juive.
Claudine Douillet - Pensez-vous que l'Agence Juive puisse répondre de façon personnelle aux questions de tous les candidats à l'alya ?
Pierre Besnainou - Oui bien-sûr. C'est l'autorité qui a la compétence pour le faire. L'Agence Juive et AMI ont cette responsabilité de répondre à toutes les questions ; celle aussi d'aider les candidats à l’immigration avant leur départ de France et accueillir les nouveaux immigrants à leur arrivée en Israël.
Claudine Douillet : Y-a-t-il un projet de prévu avec le FSJU sur le thème de l'alya ?
Pierre Besnainou : Le rôle du FSJU est d’aider les Juifs de France à bien vivre en France. Notre champ d’action pour ce faire est très large. Il concerne aussi bien l’éducation, que la solidarité, la culture, la jeunesse, la sécurité…Notre priorité pour autant est claire : renforcer l'identité juive et cela ne peut se faire sans un engagement sioniste fort et un attachement solide à Israël.
Claudine Douillet : Comment vivez-vous cette forme de schizophrénie en aidant les Juifs de France à rester en France tout en maintenant l'envie à l'alya. C’est difficile non ?
Pierre Besnainou : Je me souviens de la réponse d'Ariel Sharon lorsque l'on est venu me proposer le poste de président du FSJU. Je lui ai dit que j'étais ennuyé, parce que le rôle du Fond Social Juif Unifié est de renforcer la diaspora, alors que moi je suis plus axé sur l'alya. Il a eu cette réponse incroyablement juste : « Ecoutez faites en sorte que les juifs de France restent juifs et alors Israël les attirera comme un aimant. Ce n’est que si les Juifs ne sont plus Juifs ils ne viendront pas en Israël. » Encore une fois, l'alya est un choix individuel mais pour donner à chacun la possibilité de le faire, il est important que chacun ait toutes les cartes en main. Nous finançons par exemple le voyage de 500 jeunes en Israël chaque année avec le programme Taglit. Ils sillonnent le pays pendant 15 jours, découvrent ou redécouvrent partie de leur identité. Nous soutenons aussi le programme du bac, Bleu Blanc qui offre à des jeunes juifs de France la possibilité de visiter les universités en Israël.
Claudine Douillet : Certes, mais c'est un sionisme vécu en France, un sionisme confortable en quelque sorte, pas sur le terrain, c'est un peu facile non ?
Pierre Besnainou : Oui effectivement mais il est fondamental que le pont entre Israël et les Juifs de France soit maintenu, et c'est dans cette perspective que nous favorisons ces échanges. Notre action a pour vocation de permettre aux Juifs français d’afficher sans complexe leur sionisme. Notre objectif au FSJU est finalement assez simple : permettre à chaque juif de vivre librement, comme il l’entend, son identité à tous les âges de sa vie. Il est également de faire en sortes qu’aucun d’entre nous ne soit abandonné, laissé sur le bord du chemin. Aider nos frères fait partie de ces valeurs qui sont les nôtres depuis la nuit des temps.
Claudine Douillet : Justement ne pensez-vous pas que c'est aujourd'hui le rôle d'Israël d'aider les Juifs de la diaspora ?
Pierre Besnainou : Vous le savez peut-être, j'ai été nommé, il y a 3 ans, par le Premier ministre d’Israël, Ehud Olmert, président d'une commission de réflexion sur les relations entre Israël et la diaspora. La conclusion de ce rapport, qui n’a pas été retenu par l’actuel gouvernement, a été que le fils doit à présent aider le père. En effet, Israël s'est construit à 98% avec l'aide de la diaspora. Il me semblait pertinent de proposer qu’aujourd'hui c'est au tour d'Israël d'aider la diaspora. Le sens de mon rapport était celui-là : Aidez-nous à ce que les Juifs restent juifs et les ponts avec Israël se feront naturellement. En un mot : Relier l'esprit à la lettre
Claudine Douillet : Que préconisez-vous afin de changer la donne ?
Pierre Besnainou : Continuez à militer, sans aucun doute
Claudine Douillet : Ne pensez-vous pas que nous allons lentement mais sûrement vers la disparition de la communauté juive de France ?
Pierre Besnainou : Je n’aime pas jouer les Cassandre. Il faut savoir, et c’est j’imagine le sens de votre question, qu’il y 60 à 70% de mariages mixtes en France et seulement 30% de Juifs vont visiter Israël. Ces chiffres parlent. Je voudrais néanmoins conclure sur une note positive qui tient à la nature même du peuple juif. Sa force est, me semble t-il, à la fois à sa capacité à maintenir les traditions ancestrales qui sont, qu’on le veuille ou non, son socle, sa charpente ; et sa formidable disposition à s’adapter, à créer, à inventer des modèles, à rebondir, à imaginer, à proposer, à oser.
C’est Françoise Giroud, qui a écrit « je peux ce que je veux ».
Cet adage me parait bien définir la force d’entreprise du peuple juif et donc son avenir, où qu’il soit.
Propos recueillis par Claudine Douillet
l’agence juive n’ai plus responsable de l’encourragement a l’aliya mais depuis peu la Istadroute avc bcp de budjet: 24h pr israel, oulpanim, prof israeliens ds les ecoles juives etc… Contacte a Paris Simh’a Felber qui est le responsable et qui a bcp de projets pr donner un nvlle elant a la Aliya de france. a+