
TAZRIA La circoncision
Avec la sidra Tazria se poursuit l'exposé des "lois de pureté", amorcé la semaine dernière dans la sidra Chemini. La Torah nous donne d'abord les indications relatives à la purification de la femme qui accouche, puis celles concernant les individus atteints de "lèpre". La question de la lèpre sera d'ailleurs largement reprise et complétée dans la paracha Metzora.
Quant à nous, notre attention a été tout entière mobilisée par la mention - dans le contexte du chapitre 12 du Lévitique, consacré au "rétablissement" social et religieux de la femme après la naissance de son enfant - du commandement de la circoncision, la Brit Milah. L'institution de la circoncision n'est pas nouvelle. Elle a été imposée à Abraham, et tout un long chapitre du livre de la Genèse (ch. 17) lui est consacré, qui en donne l'esprit et en précise les modalités.
C'est là qu'est consacré le pacte d'alliance entre D.ieu et Abraham : "Pour toi, sois fidèle à mon alliance, toi et ta postérité après toi dans tous les âges. Voici le pacte que vous observerez, qui est entre moi et vous jusqu'à ta dernière postérité: circoncire tout mâle d'entre vous. Vous retrancherez la chair de votre excroissance, et ce sera un symbole d'alliance entre moi et vous... A l'âge de huit jours, que tout mâle, dans vos générations, soit circoncis par vous... et mon alliance, à perpétuité, sera gravée dans votre chair" (Gen. 17, 10-14).
Mais notre propos n'est nullement de tenter ici une analyse globale de la question de la circoncision, ce "signe d'alliance gravé dans la chair" de tout homme d'Israël. Ce serait par trop complexe. Mais plutôt, d'essayer de comprendre le sens de cette loi pratiquée par la majeure partie du peuple juif.
En imprimant dans la chair de leur enfant une marque indélibile, les parents font également preuve d'une confiance qui n'est pas exempte de témérité. Ils considèrent que leur fils devenu grand, leur sera reconnaissant de l'avoir... condamner à porter, à jamais, la marque d'Abraham en dépit des dangers de l'antisémitisme qu'ils ont eux-mêmes connus. Mais l'antisémitisme continuerait-il, que le judaïsme n'en mériterait pas moins de se perpétuer par leur fils qui porte, précisément dans cette partie du corps qui permet la perpétuation, le "signe de l'alliance".
L'injonction de la "brit mila" a été faite à Abraham.Cependant dans notre lecture, la mitzva est répétée en un court verset(12,3).
En effet, les répétitions dans la Torah se sont jamais fortuites. Chaque fois qu'une loi est réitérée, c'est pour voir son sens régénéré, de par le contexte nouveau qui la porte. Ainsi en va-t-il par exemple de l'interdition de consommer ensemble lait et viande, qui est déduite du verset: "Tu ne feras pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère", repris par trois fois, dans trois contexte différents, qui projettent chacun un éclairage nouveau sur cette prescription. Et bien d'autres !
Les exégètes se sont interrogés sur les raisons de cet ajout. Le Talmud de Jérusalem (Kidouchin 1,7) veut déduire de notre verset que l'obligation de la circoncision incombe au père. Cette réflexion s'explique peut-être par le fait que le contexte de notre lecture concerne la mère de l'enfant. Insérant cette prescription dans le contexte des lois imposées à la femme après la naissance, la Torah veut sans doute nous faire sentir ce que doit représenter cette loi pour une jeune mère, pour des jeunes parents qui acceptent de soumettre leur tout nouveau-né à cette opération. En effet, ce n'est jamais sans un pincement au coeur, que tout Juif, aussi conscient de ses devoirs soit-il, aborde la circoncision de son bébé
Il y a quelque chose de difficile pour les parents dans cette exigence. Et plus encore pour la mère sans doute. C'est au père seul, du point de vue strictement légal, qu'incombe l'obligation de faire circoncire son fils et non à la mère. Sans doute, ne saurait-on raisonnablement exiger cela directement de la mère, pour qui la circoncision est souvent ressentie comme une douleur, une atteinte à son propre corps, sa propre chair, de par la proximité, l'intimité de la mère et du nouveau-né qu'elle portait hier encore en elle. L'acte de circoncision que va accomplir le père ou qu'il va demander à un autre de le faire à sa place, signifie que l'enfant va être séparé de la mère pour lui donner une existence propre, pour qu'il puisse pénétrer en toute autonomie dans le monde des hommes, qu'il puisse adhérer pleinement à l'alliance d'Abraham notre Père.
Claude Layani
Vos réactions