
KORA’H Un démagogue avant la lettre
Kora’h, Datan et Abiram dans notre sidra fomentent un soulèvement contre Moïse qu’ils accusent d’accaparer le pouvoir. Ils prétendent pouvoir assumer avec l’ensemble du peuple la responsabilité des destinées d’Israël.
Apparemment, le raisonnement de Kora’h et de ses acolytes se base sur des exigences assez normales. Rien n’est plus logique que de permettre au peuple de prendre part dans l’activité publique, et d’empêcher les chefs de devenir des tyrans, des dictateurs dont l’histoire ne connaît que trop les égarements du pouvoir et le joug qu’ils faisaient peser sur leur peuple.
Kora’h serait donc ainsi le véritable précurseur des aspirations démocratiques, qui ont été si souvent l’enjeu des luttes dans l’Histoire des nations.Kora’h en s’adressant à Moïse dit: « Pourquoi vous élevez-vous au-dessus du peuple, puisque tous sont saints ? ». C’est là une preuve éclatante de la mauvaise foi de ce révolutionnaire.
Car il est évident que le peuple était loin de former une nation sainte. Il s’agissait en l’occurrence de flatter les instincts primitifs de la masse et de cacher, sous des prétextes fallacieux, les véritables motifs de ce soulèvement: la jalousie et l’envie.
Mettre en doute l’origine divine de la mission de Moïse, c’est porter la main sur son caractère sacrée, c’est la seule raison pour laquelle D.ieu décide d’intervenir et de sévir d’une manière aussi radicale: « Kora’h, ses complices et tous ses biens sont engloutis vivants dans la terre qui s’ouvre sous leurs pieds.
La tragédie que nous rapporte l’Ecriture vient certes illustrer le thème de la révolte et de l’autorité.La révolte de Kora’h n’a pas le caractère d’une protestation tout à fait légitime devant le pouvoir en place.
Elle est au contraire une lutte contre l’élite dirigeante, librement choisie en fonction de ses compétences et des capacités des uns et des autres. Sans aucun égard pour la valeur de ces hommes, Kora’h veut les chasser par la force mu par un sentiment de jalousie.
Il est facile de prôner la lutte des classes et de pousser le peuple à tout détruire. Kora’h est le type même d’un démagogue dont le discours pernicieux est accueilli sans provoquer un scission du peuple. Pour éviter un bain de sang, Moïse a eu la sagesse de prendre à témoin D.ieu et le peuple et à temporiser pour éviter la catastrophe. Moïse a montré là ses qualités d’un grand dirigeant, d’un grand politique.
Nos Sages, qui veulent épuiser tous les enseignements possibles du texte , ont insinué dans une interprétation surprenante que la responsabilité de Moïse pouvait être engagée dans cet épisode. N’est-ce pas ainsi qu’il faut comprendre la comparaison basée sur l’identité de l’expression « rav la’hem bené lévi, ç’en est assez enfants de Lévi » Cette expression on la retrouve lorsque Moïse est condamné à ne pas entrer dans la terre promise. ç’en est assez, ne me parle plus de cette affaire : rav la’h, al tosséf dabér élay od badabar hazé » Par « rav » il a condamné, par « rav » il a été condamné.
Moïse n’a-t-il pas braqué les rebelles dans leur funeste résolution ; certes, le texte et les commentateurs traditionnels s’attachent à montrer sa patience, sa modestie, son désintéressement, « mais D.ieu pèse les actes de ses justes Avec un cheveu ».
C’est là une interprétation hardie de nos rabbins mais nous ne devons pas perdre de vue que la révolte de Kora’h est l’incident le plus pernicieux, le plus grave de l’histoire des Hébreux dans le désert.
Moïse qui habituellement intercède en faveur des révoltés auprès de D.ieu, est découragé et désemparé. Il ne s’agit plus du « Erév rav » de la populace, mais de la tribu de Lévi et de ses chefs. Il ne s’agit pas du « assafssouf », du ramassis anonyme monté d’Egypte, mais de l’élite intellectuelle, dirigeante, bien pensante, évoluée et titrée.
A ce niveau, la dialectique et les controverses de la révolte, c’est D.ieu qui les arbitre. Comme le souligne le premier verset de la Sidra: « Vayika’h kora’h, Kora’h s’est pris lui-même et s’est retranché de son peuple, de ses chefs et de son D.ieu. Ceux sont là les raisons majeures de sa condamnation et de sa mort brutale et celle de ses complices.
Claude Layani
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