
Cet important volume réunit une les carnets et les textes et entretiens de Monique Frydman. Elle a toujours « rationaliser par la parole » ce qui advient dans l'art.
Et le corpus illustre comment le langage picturale de la plasticienne n'a cessé d'évoluer afin de franchir divers obstacles d'un parcours qui passe d'abord par un abandon de la pratique plastique en 1967 après sa sortie des Beaux-Arts lorsqu'elle s'oriente vers l'activisme militant.
Elle revient à la peinture après cette période de diète créatrice mais dans laquelle elle trouve ses marques et son identité à travers le féminisme et l'exploration de ses origines juives et le traumatisme de la Shoah.
Appartenant à la génération postmoderniste de la déconstruction radicale du tableau, pratiquée par le groupe Supports/Surfaces, l'objet peinture, son cadre et support deviennent pour elle une exploration de l’épaisseur du plan et de sa valeur de re-présentation.
Certes - et en parallèle - le corps va demeurer présent. Mais son "jeu" et son rôle évoluent dans ses grandes peintures abstraites des années 1980. Puis elle entame alors des travaux à l’aide de ficelles trempées dans la couleur.
Disposées au verso de la toile puis déplacées elles créent des suspens de peinture, dessin, lignes, surfaces par séries de couleurs, crépusculaires ou solaires, dont elle expérimente la masse, la souplesse, la vibration.
Ce livre important précise le rôle déterminant de certains créateurs sur les avancées de la créatrice : de Cézanne à Rothko, Pollock, de Kooning, de Matisse, Bonnard, à Sassetta, Le Greco et les fresques pariétales de Lascaux.
La stratégie de l'oeuvre en devient plus nette et une clarté se distingue derrière les méandres de son parcours où la présence de l'abstraction n'est pas seulement métaphysique ou mystique mais une manière charnelle d'envisager la polyphonie des couleurs et des matières.
Jean-Paul Gavard-Perret
Monique Frydman, "Le Temps de peindre - Carnets d’atelier 1975-1990 ; Textes 1979-2000 ; Entretiens 1984-2014, L'Atelier Contemporain, Stasboirg, 532 p., 2020.
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