Serge Gainsbourg, vingt cinq ans après sa disparition, retour sur ses origines juives. L'homme à la tête de chou , de son vrai nom Lucien Ginzburg était le fils d’immigrants juifs Olia et Joseph, ayant fui la Russie en 1917 avant la révolution.
Une période assez méconnue de la vie de Gainsbourg. Dans les années 40, il a passé une partie de son enfance à Limoges, puis à Saint-Cyr, en Haute-Vienne, où sa famille s'était réfugiée pour fuir le nazisme.
Serge Gainsbourg n'aimait pas évoquer son enfance et l’époque de la Seconde guerre mondiale. De cette période il dira même : « J’ai grandi sous une bonne étoile jaune ».
En 1942, la famille quitte Paris pour échapper aux rafles des nazis.Ce sera grâce à l'aide de Pierre Guyotun violoniste et chef d'orchestre limougeaud que la famille a pu trouver refuge à Limoges .
Il leur trouve un hôtel meublé situé au 13, rue des Combes. Le Limousin est connu pour être une terre d'accueil où de nombreux enfants et familles juives se sont réfugiés.
Les Ginsburg changent leur nom pour celui de Guimbard. Seulement, le danger n'est jamais loin.
"Dans le deux-pièces sordide où nous vivions, ma mère avait dissimulé nos faux papiers sous la toile cirée de la table de cuisine. Un beau jour, perquisition, non pas des SS mais de la milice française, celle qui nous a fait le plus de mal. Ma mère s'assoit sur le coin de la table et dit aux mecs de fouiller à leur guise. Ils ont tout regardé mais ils ont oublié de demander à ma mère de se lever et ils n'ont rien trouvé, disait Serge Gainsbourg.
En 1944, les parents du jeune Lucien sont tout de même arrêtés et gardés en détention avant d'être relâchés, avec l'ordre de ne pas quitter Limoges.
Ils décident ,quelques jours plus tard de s'enfuir à la campagne, à Saint-Cyr, à une vingtaine de kilomètres d'Oradour-sur-Glane. Tout proche alors du massacre commis par les SS le 10 juin 1944 dans le village de Haute-Vienne.
Au lycée de Saint-Léonard-de-Noblat, les camarades de classes du futur chanteur-compositeur décrivent sa passion pour le dessin et des silhouettes de femmes qu'il esquissait sur un calepin. Mais aussi de son mépris pour ceux qu'ils considérait comme des "ploucs", lui, le petit parisien.
"C'était un élève très effacé et qui ne se plaisait pas dans le milieu dans lequel on était. Il était Parisien, nous, on était des paysans limousins. Pour lui, c'était ça." Guy Moreau, un ancien élève.
Pendant des décennies, Lucien, devenu Serge Gainsbourg , enfermera ces années douloureuses. et marquera à jamais la vie de l'artiste.
Ce ne sera qu'au début des années 80 qu'il acceptera d'en parler.
Un traumatisme qu'il évoquera dans sa chanson « The yellow star » qui figure sur l’album “Rock around the bunker” sorti en 1975 : « Et sur cette yellow star, inscrit sur un fond jaune vif, y’a un curieux hiéroglyphe (….) Difficile pour un Juif, la loi du struggle for life, quand il y a la yellow star, yellow star ».
De ses origines dont il était plus que fière ! il disait : « Comme Einstein, Chaplin, Jésus, je suis juif. Mais juif d’abord, russe ensuite ».
Serge Gainsbourg , le chanteur de Lemon Incest est décédé le 2 mars 1991 dans sa maison située au 5bis de la rue de Verneuil, dans le chic quartier de Saint-Germain-des-Près, à Paris.
Ce génie ,provocateur au charisme incontestable reste très présent dans l'esprit de tous.
Artiste de la culture française aux multiples facettes, tant pour ses goûts musicaux variés que pour sa passion pour la peinture, ce poète ne cesse de nous étonner, même après sa mort.
De nombreux hommages, versions et reprises de ses chansons cultes, permettent de le redécouvrir sous des angles différents et très actuels.
Il était important pour lui de crier haut et fort qu'il était juif et fier de l'être. Croyant ou pas, pratiquant ou pas, son judaïsme faisait parti de lui.
Au moment ou éclate la guerre des six jours, Serge Gainsbourg écrit pour Israël « Le sable et le soldat » connu aussi sous le titre « Le sabre et le sable ».
En affirmant ses opinions : "Oui, je défendrai le sable d’Israël, la Terre d’Israël, les enfants d’Israël. Quitte à mourir pour le sable d’Israël, la Terre d’Israël, les enfants d’Israël ".
5bis de la rue de Verneuil, dans le chic quartier de Saint-Germain-des-Près, à Paris.
Simple chanson ? non. Dans une interview donnée quelques années après , Serge Gainsbourg déclare qu’il avait « failli aller » en Israël au moment de cette guerre.
Le journaliste lui demande alors s'il se serait vraiment rendu sur place pour se battre . Il répondra : « Non, pas me battre, répond-il. Me faire tuer. D’instinct. De par mes racines, j’y serais allé ».
Nathalie ZADOK