(israelhayom)
Un an déjà. Un an, que tout un peuple venait pleurer Sean.
Voilà un an que ce jeune Américain juif, grand fan du Maccabi Haïfa, venait défendre son pays et son peuple.
Il a été tué dans les premiers jours de combat dans Gaza avec 16 autres soldats.
Ses obsèques avaient réuni 40 000 Israéliens, devenus une seule et même famille.
Un an plus tard, ses parents, Dalya et Alon ont décidé de faire leur Alyah.
Eux qui ne parlent jamais aux médias, ont accordé une interview au journal Israël Hayom :
« Je me souviens du calme qui régnait. Il y avait 40.000 Israéliens. Et un silence absolu. Aucun téléphone ne sonnait, c’était tout simplement incroyable. De nous jours quand vous allez voir un film avec une centaine de personnes, inévitablement il y en a un qui sonne. Ce jour-là, 40.000 personnes étaient présentes, peut-être plus et un silence absolu régnait dans l'air ».
C’est Alon Carmeli, le père de Sean Carmeli tué dans le quartier de SHURAYA à Gaza pendant l'Opération « Protection Edge » l'été dernier, qui se rappelle.
Environ un an après l'enterrement qui a réuni toute une nation, lui et son épouse Dalya ne se sont pas remis de cette tragédie.
Il leur aura fallu un an, pour réaliser que tout un pays s’est tenu à leur côté dans ce moment terrible et qu’Israël n'a pas encore relâchée son étreinte.
Sean Carmeli était un soldat venu seul, laissant sa famille derrière lui, pour servir dans l'armée israélienne.
« Nous avons atterri en Israël plusieurs heures avant les funérailles », raconte Alon. « On nous avait dit que les funérailles auraient lieu dans la nuit et que personne ne viendrait. C’est vrai qu’elles devaient avoir lieu à 23h30. Nous pensions que seuls quelques membres de la famille, des amis seraient présents. Nous n’avons rien compris à ce qui s’est passé autour de nous ».
«Je pensais qu'une erreur avait été commise», dit Dalya avec une grande douleur dans sa voix. Elle baisse ses yeux et raconte:
« J’étais sûre qu’en atterrissant en Israël, on me dirait qu’il y a avait eu une erreur, que mon fils n’était pas mort. Aux funérailles elles-mêmes, je ne reconnaissais personne, je ne voyais rien autour de moi ».
« Au cours de la Shiva de nombreuses personnes sont venues me dire ce qui s’était passé autour de nous. C’est plus tard en regardant la télévision que j’ai compris ».
« Je n’ai pas cru à la mort de Sean, jusqu'à ce que les soldats de sa compagnie viennent à la maison. Je pensais que j’allais me réveiller de ce cauchemar. J’étais persuadée que, comme des erreurs avaient déjà été commises par l’armée qui avait annoncée, par erreur, la mort de soldats vivants, cela allait aussi nous arriver avec Sean ».
Sean Carmeli laisse derrière lui ses parents et ses deux sœurs, Or et Gal.
C’est parce que ses parents ont émigré d'Israël 26 années plus tôt et vivent au Texas, que l'armée israélienne a classé Sean comme « hayal boded »soldat seul.
C’est comme cela que cette histoire unique, triste et si « Israélienne » a commencée.
Les routes dans la ville de Haïfa ont été fermées ce soir-là.
Les tunnels de Carmel ont été bloqués et la police a informé le public qu'il n'y avait pas des routes ouvertes menant au cimetière militaire de la ville.
« Ce n’est que très récemment que j’ai réalisé ce qui est arrivé » dit Alon, le père de Sean, à propos de la tournure des événements.
« Or Yifrach, le responsable du fan club du Maccabi Haifa, est le frère du vice-commandant de la compagnie de mon fils qui a combattu avec lui dans Shuhaya".
« Si je ne me trompe pas, c’est le vice-commandant de la compagnie qui a sorti Sean du champ de bataille après 12 heures passées sous le feu, sans pouvoir être évacué. C’est à ce moment-là qu’il a envoyé un texto à son frère, en lui disant que l'un des fans du Maccabi Haïfa avait été tué, et qu'il était un soldat vivant seul ».
"A partir de là, ce message a été largement diffusé par un homme merveilleux, Refael Kabesa, le propriétaire du site internet des fans du Maccabi et ce message a fait boule de neige.
Mais personne ne pouvait imaginer que ce message atteindrait presque chaque personne dans chaque maison ».
« Pendant les funérailles, nous étions en état de choc . Nous ne savions pas ce qui se passait autour de nous. Je me souviens que je ne pouvais même pas me tenir près du cercueil. Il y avait tant de gens qui essayaient de se frayer un chemin vers le cercueil. Je me souviens que, jusqu’à l’enterrement, le cercueil s’éloignait de moi de plus en plus. Il y avait tant de gens. C’était difficile de marcher ».
Alon et Dalya continuent leur interview en répondant à quelques questions :
Comment avez-vous gérer tout ce « bruit » autour de vous dans un moment si difficile?
Alon: «Quand nous sommes arrivés à l'aéroport, les médias nous attendaient là, mais je leur ai dit de nous laisser tranquilles, je leur ai dit que notre chagrin était un moment privé. C’est au moment de la Shiva que des milliers de personnes sont venues et que les médias nous ont dit : les gens sont avec vous, ils ne veulent pas que vous soyez seuls avec votre chagrin. C’est alors, que j’ai compris que je devais ouvrir la porte à tout le monde ».
Dalya: « Au début les gens me disaient: Sean était des nôtres et je me disais: Que voulez-vous dire, c’était mon fils ! Mais, très vite, je me suis rendu compte que Sean était devenu l'enfant de tout le monde. Je me suis dit : ok, il est devenu l'enfant de tout le monde, mais quand je rentre à la maison, il est seulement le mien ».
Auriez-vous pu croire que la passion de Sean pour le Football pouvait conduire à une solidarité ?
Alon: «Après sa mort, à chaque match du Maccabi Haifa, les fans venaient sur sa tombe avec des chemises et foulards. Certaines de ces chemises portaient le nom de Sean. Regardez ce que son amour pour l'équipe a fait... Il y a des fans qui ont acheté maillots de l'équipe de Maccabi Haifa avec le numéro 13, le chiffre du bataillon de Golani de mon fils et son nom au-dessus du numéro. Au cours de la Shiva, le propriétaire du Maccabi Haifa, Yaakov Shahar, est resté assis avec nous une heure et demie".
« Il est resté ici, assis avec nous. Il a pris le temps de rester avec nous, alors que c’est un homme très occupé.
Il a senti à quel point il était le bienvenu.
Il était très ému et il nous a dit que" il est dommage qu'il n'y ait pas plus de gens comme nous et je lui ai dit que: "la plupart des gens étaient comme nous ».
" Yaakov Shahar a été très ému de voir une photo de Sean petit aux cotés de Yossi Benayoun ».
« Nous avons gardé le contact depuis, il vient aux commémorations et nous avons créé un lien spécial. Aujourd’hui, nous avons des billets pour toute la saison et nous allons voir des matchs ».
Dalya: « c’est incroyable de voir des familles avec des enfants visiter la tombe de Sean et pas seulement les fans. Je suis très émue et aujourd'hui, je me rends compte de l’importance que revêtent les valeurs qui poussent les gens à visiter la tombe de quelqu'un que vous ne connaissez même pas.».
La semaine dernière, le Conseil de droits de l'homme des Nations Unies a publié un rapport accusant Israël, entre autres, de commettre des crimes de guerre.
Pour la famille Carmeli, c’est un autre point sensible. Dès que le sujet est abordé, Alon prend son téléphone et nous montre le groupe WhatsApp familiale, où est encore enregistrée sa dernière conversation avec Sean. «Nous allons entrer dans Gaza ». lui a écrit Sean.
Ce à quoi ils ont répondu qu'ils seraient plus heureux s’il restait hors de Gaza et que la Force aérienne bombardaient les cibles sans risquer la vie des soldats.
Les dernier mots de son fils ont été : « Entrer dans Gaza est le meilleur moyen de prévenir la mort de civils innocents», rendant son adieu à sa famille encore plus terrible.
Pour la première, le ton d’Alon est plus grave quand il reprend son témoignage :
« Il y a une chose qui m'a toujours dérangé. Lorsque je suis arrivé , j’ai découvert que lors de la première journée de combats dans Shuhaya, 16 combattants Golani ont été tués et que les combats ont continué pendant un mois après, sans qu’aucun autre n’ait été tué. Cela m'a fait réfléchir. J’ai demandé pourquoi, aux soldats qui étaient là. On m'a dit répondu qu’après tout ce qui était arrivé, il avait été décidé de bombarder massivement la région. Je me suis approché des officiers et j’ai demandé, pourquoi n’avez-vous pas bombardé à l'avance? Vous auriez évité la mort de 16 combattants».
« Les officier m’ont expliqué que, pendant la journée où mon fils est mort, ils avaient attendu des services de renseignements la confirmation qu'il n'y avait pas beaucoup de civils palestiniens dans la région, afin que des civils innocents ne soient pas blessés. Ce fut la raison pour laquelle le bombardement a été retardé. C’est seulement après qu'ils aient reçu la confirmation qu'il n'y avait pas de civils dans la région qui ont lancé le bombardement ».
« Pour nous, il est difficile d’accepter que Sean est mort, que nous avons payé le prix le plus élevé parce qu’Israël veut être respectueuse des civils. Finalement, non seulement les rapports de l'ONU accusent quand même Israël, mais en plus il y a aussi des citoyens israéliens qui mentent et salissent notre peuple et notre sang".
« Les choses écrites dans le rapport sont des mensonges, car nous avons mené notre propre enquête, y compris les conversations avec des officiers et des soldats de combat, et nous avons une image totalement différente que celle présentée dans le rapport. Nous avons l'armée la plus humanitaire du monde. Le retard dans le bombardement dont je parlais est un cas d'espèce ».
Quand vous parlez de citoyens israéliens qui mentent, voulez-vous dire les organisations de gauche?
Alon: « Sean a donné sa vie pour les défendre eux aussi ».
Dalya: « Le problème est que il y a des soldats Israéliens qui racontent des mauvaises choses. Il est très difficile d'entendre de pareils mensonges. Comment peut-on laisser ces gens mentir dans les médias et faire partie des forces de défense de l'Etat d'Israël ? ».
Etes-vous inquiet que les soldats tombés au combat l’année dernière puissent être morts en vain puisque qu’au u cours des dernières semaines, les tirs de roquettes ont repris dans le sud ?
Alon: « j’espère que non. Mais c’est un fait que, parfois au cimetière, quand nous voyons les places vacantes, nous ne pouvons-nous empêcher de penser avec une grande douleur, que ces trous sont réservés aux prochains combattants qui seront tués ».
Dalya: « Ceci est la réalité de l'Etat d'Israël. Ce n’est qu’une question de temps. Tout ce que nous pouvons c’est espérer qu'il passera beaucoup de temps avant que la prochaine guerre éclate. Je le dis avec une douleur atroce. Je ne pense pas qu'une solution pacifique soit possible ».
La solution à deux états n’est pas possible. Nous ne pouvons pas vivre ensemble - je voudrais que ce soit possible, je donnerais beaucoup pour être en mesure de vivre en paix, je soutiens le côté Palestinien et je ne suis pas du tout en colère contre eux. Ceux qui ont tué mon fils sont des terroristes et l’on doit s’occuper d’eux. Quand cela sera fait, alors tout sera beaucoup plus facile ".
Après la mort de Sean, ses parents ont décidé de revenir à Israël, pour se rapprocher de leurs filles qui ont déménagé il y a huit ans.
La famille Carmeli est aussi citoyenne Américaine et elle a reçu un chaleureux témoignage de solidarité des Américains quand Sean a été tué.
Un drapeau spécial a été levé en son honneur à l'extérieur du bâtiment du Sénat à Washington. Un geste similaire a été fait au Texas. Sénateurs et autres fonctionnaires leur ont rendu visite quand ils sont revenus brièvement en Amérique pour régler leurs affaires.
« Nous avons été surpris de ces témoignages car il n'a pas été tué dans l'armée américaine. Nous avons reçu des sénateurs, des membres du Congrès, le gouverneur du Texas venir à la maison. Des Israéliens qui ont visité les États-Unis nous ont dit que Sean a été mentionné dans tel ou tel monument, services et dans toutes sortes d'endroits aux Etats-Unis ».
Dalya: « Nos vies ont changé en un instant il est difficile de revenir en arrière et de continuer comme si rien ne s’était passé. Je ne vois pas l'intérêt d'aller travailler et de penser à mon avenir, comme je le faisais avant. Maintenant, je ne pense qu'à mes enfants, à être proche de Sean et de mes filles, d'être en Israël pour être à côté d'eux ".
Alon: « Il existe des drames qui changent votre vie. Nous sommes ici pour de bon maintenant ».
Maintenant que vous êtes ici, ne pensez-vous pas que cet élan envers votre famille finira par décliner ?
Dalya: « Bien sûr, il se dissipe lentement, il décline c’est évident. Mais je crois que Sean ne sera jamais oublié. Le Ministère de l'Éducation à éditer une directive afin que soit enseigné cet héritage et l’histoire de ces batailles dans les écoles. Maintenant Sean fait partie du programme scolaire ».
Les souvenirs de la famille Carmeli ne sont plus seulement émotionnelle - ils sont beaucoup plus que cela. Ils portent des colliers portant le symbole Golani avec les mots de protection gravés au bord.
Des colliers qui leur ont été donné par les amis de Sean après la guerre.
Ils portent des bracelets verts sur leurs poignets (car telle est la couleur du Maccabi Haifa, disent-ils) en l'honneur de leur fils.
Leur nouvelle maison est une sorte de mémorial. Il y a une bougie allumée à côté d'une photo de Sean. Des dessins de Sean quand il avait 6 ans vont être disposées autour de la maison.
« Nous voulons que notre maison soit un mémorial, mais nous ne voulons pas que notre maison soit pleine de photos qui peuvent faire penser que nous ne vivons que dans la peine et le deuil ».
« Cette interview est comme une commémoration. Il est important pour nous que l’on n’oublie pas Sean», explique Dalya.
Lorsque que l’on demande au couple comment il souhaite que l’on se rappelle leur fils, ils rappellent son enterrement :
« Sean était a été un catalyseur, il a réuni tout le monde - Orientaux et Ashkénazes, religieux et laïque, droite et gauche, tel est le message qui doit sortir de tout cela » dit Alon.
«Nous avons tous des amis dans tous ces différents groupes ».
« C’est vrai qu'il y a des désaccords, mais quand quelqu'un a besoin d'aide, tout le monde se rassemble… Les gens me disent toujours que Sean a remis les gens ensemble ».
« C’est LE message que je veux voir rester de tout cela ».
David BRISSET.
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