Comment fonctionne une économie avec l'aide de Dieu en Israël ?

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Comment fonctionne une économie avec l'aide de Dieu en Israël ?

Comment fonctionne réellement une économie guidée par la foi : une analyse captivante de l'économie ultra-orthodoxe

Une étude récente du Jerusalem Institute for Policy Studies plonge dans l'univers fascinant de l'économie ultra-orthodoxe. Elle explore comment ces familles, souvent nombreuses et à revenus modestes, parviennent à maintenir un équilibre économique dans un contexte aussi exigeant que celui d'Israël. Cette analyse dévoile une mécanique économique unique, mêlant foi, solidarité communautaire et débrouillardise, mais aussi des risques potentiels. Voici un décryptage de leurs pratiques et des défis auxquels elles font face.

Un paradoxe économique surprenant

70 % des ultra-orthodoxes sont propriétaires de leur appartement, contre seulement 63 % des juifs non orthodoxes. Ce chiffre surprenant intrigue, surtout quand on sait que ces familles comptent en moyenne six enfants et qu’une grande partie des pères se consacrent aux études religieuses, laissant souvent les mères comme seules sources de revenus.

Prenons un exemple concret : pour chaque enfant, un jeune couple ultra-orthodoxe peut avoir besoin de 500 000 à 200 000 shekels pour financer un appartement. Cela représente plus d’un million de shekels pour aider l’ensemble des enfants. Et pourtant, ces familles y parviennent, en grande partie grâce à ce qu'elles appellent : « la miséricorde du ciel ».

Mais peut-on vraiment attribuer ces réussites uniquement à un miracle divin ? Les chercheurs, Dr Eliezer Hayon et Ehud Prawer, ont entrepris de décortiquer ce phénomène dans leur étude intitulée « Le miracle dans l’économie ultra-orthodoxe ».

Un dialogue constant entre foi et réalité

L’étude révèle que pour beaucoup d’ultra-orthodoxes, l’économie familiale est profondément liée à leur spiritualité. Meir, père de neuf enfants, décrit son rapport avec Dieu comme un véritable partenariat : « J’ai un dialogue avec le Saint, béni soit-Il. Je lui dis : ‘J’ai donné naissance à des enfants, maintenant c’est à toi de prendre tes responsabilités.’ Je ne le fais pas de manière directe, car je respecte notre relation, mais Il m’aide. » Cette reliance spirituelle agit comme un moteur psychologique puissant, les poussant à continuer malgré les difficultés.

D’autres témoignages montrent comment les membres de la communauté mobilisent des ressources insoupçonnées. Shlomo, par exemple, parle avec pudeur de l’aide qu’il reçoit de sa belle-mère : « Ma femme sait lui parler. Elle revient parfois avec quelques milliers de shekels, et je n’ai aucune idée d’où cet argent provient. » Ces échanges familiaux, souvent non verbalisés, traduisent une forme de solidarité silencieuse mais omniprésente, où chaque geste d’aide est perçu comme une bénédiction.

La charge émotionnelle derrière chaque décision

Derrière les chiffres et les stratégies économiques se cache une réalité profondément humaine, marquée par des sacrifices personnels et des choix souvent déchirants.
Hanna, mère de huit enfants, raconte : « Il m’arrive de me réveiller la nuit en pensant à ce que je pourrais vendre ou négocier pour boucler les fins de mois. Je n’en parle pas à mes enfants, ils doivent se sentir en sécurité. Mais à l’intérieur, je me bats avec la peur. »

Les parents ultra-orthodoxes jonglent entre leur foi en Dieu et une pression constante pour assurer l’avenir de leurs enfants. David, père de six enfants, décrit ce dilemme : « Je sais que mon fils veut étudier dans une grande yeshiva, et c’est une fierté pour nous. Mais je me demande : devrais-je plutôt économiser pour l’aider à acheter un appartement plus tard ? Chaque décision est un choix entre le présent et l’avenir. »

Ces témoignages mettent en lumière une tension émotionnelle permanente : le désir de maintenir une vie digne et ancrée dans la foi, tout en portant la charge écrasante des responsabilités familiales et économiques.

Les rouages secrets d’une économie communautaire

Pour comprendre cet "ingrédient miracle", les chercheurs ont mené des entretiens approfondis avec 30 ultra-orthodoxes, de différentes tendances et tranches d'âge. Ces témoignages révèlent une solidarité communautaire exceptionnelle et des astuces économiques ingénieuses.

  • Shlomo, père de sept enfants, raconte : « Quand j’ai eu besoin de 100 000 shekels pour mon fils, un beau-parent m’a arrangé un prêt sans intérêt avec le directeur d’une banque de Bnei Brak. Je rembourse chaque mois. C’est une forme de miracle ! »
  • Shuki explique comment son frère, avec un salaire modeste de 2 100 shekels par mois, a obtenu l’aide d’un rabbin influent pour rassembler 400 000 shekels destinés à l’achat d’un appartement pour sa fille. « Le rabbin m’a dit : Dieu aide tout le monde, Il t’aidera aussi. »

Au-delà de ces récits, d'autres moyens viennent combler les manques : travail au noir, dons familiaux, et aides inattendues de proches. Shlomo ajoute : « Mon père m’offre parfois 3 000 dollars pour les fêtes. Ma belle-mère, quant à elle, trouve toujours un moyen de nous dépanner. »

Une frugalité bien orchestrée

Un autre secret de leur résilience économique réside dans leur mode de vie ascétique. Contrairement aux familles laïques, les ultra-orthodoxes consomment peu et utilisent des systèmes économiques alternatifs comme les groupements d’achat.

Un exemple notable est la chaîne Mashnat Yosef, qui permet d'acheter des produits à moindre coût. Selon l’étude, les dépenses alimentaires moyennes d’une famille ultra-orthodoxe s’élèvent à 2 470 NIS par mois, contre 2 667 NIS pour une famille laïque, malgré une taille de foyer presque doublée.

Pourtant, leurs dépenses globales restent considérables. Une famille moyenne dépense 14 000 NIS par mois, bien au-delà de leurs revenus souvent limités. Alors, comment parviennent-ils à combler ces écarts ?

Le rôle clé de la communauté et des aides étatiques

Le soutien communautaire

Les institutions caritatives jouent un rôle crucial, à commencer par le GAM central, un fonds collectif permettant d’accorder des prêts sans intérêts aux jeunes couples. Les familles contribuent toute leur vie à ces fonds pour ensuite en bénéficier lors du mariage de leurs enfants.

L’appui de l’État d'Israël

L’État israélien offre également des aides significatives, notamment des subventions hypothécaires et des logements à prix réduits, particulièrement adaptés aux familles nombreuses. Ces avantages, bien que parfois critiqués, restent une bouée de sauvetage pour ces ménages.

Une fracture sociale persistante : le regard des laïcs

Au-delà des défis économiques, les ultra-orthodoxes se retrouvent au cœur d’un débat national sur leur rôle dans la société. Pour de nombreux citoyens laïcs, un sentiment d’injustice prévaut : les laïcs, qui servent massivement dans l’armée, perçoivent les ultra-orthodoxes comme des "bénéficiaires" du système sans en porter le fardeau. Cette perception alimente des tensions, particulièrement dans un contexte où les prix de l’immobilier et la pression économique affectent toute la population.

Un réserviste interrogé lors d’une précédente étude exprime ce sentiment : « Nous nous battons pour défendre ce pays, tandis qu’eux bénéficient d’aides sans contribuer à l’effort militaire. C’est comme si nous étions sur deux planètes différentes. » Ces critiques reflètent un fossé culturel et idéologique qui dépasse la simple question économique, touchant à des notions profondes de devoir civique et de partage des responsabilités.

Les parents en première ligne

Les parents n’hésitent pas à contracter des prêts hypothécaires sur leurs propres biens immobiliers pour aider leurs enfants. Certains vont même jusqu’à vendre leur logement pour financer l'achat d’appartements pour leur progéniture.

Une dépendance risquée à un équilibre fragile

Toute cette organisation repose sur un équilibre délicat. En effet, de nombreuses familles jonglent avec des prêts multiples, souvent renouvelés en chaîne. Ces prêts proviennent en grande partie de communautés ultra-orthodoxes à l’étranger, où les salaires sont plus élevés. Cependant, l’absence de régulation sur ces fonds caritatifs constitue un risque pour leur stabilité financière.

Un modèle sous pression

Avec la hausse constante des prix de l’immobilier, les familles ultra-orthodoxes sont poussées à leurs limites. Toute réduction des aides ou toute augmentation des coûts pourrait provoquer un effondrement de ce système économique complexe. Leur éthique de paiement reste toutefois exemplaire : les familles ultra-orthodoxes font tout pour honorer leurs dettes, un comportement bien connu des banques, qui leur accordent des crédits avec une certaine confiance.

Une économie de foi et de pragmatisme

L'économie ultra-orthodoxe repose sur une combinaison unique de foi profonde, de solidarité communautaire et d'ingéniosité économique. Ce système, bien qu'admirable dans sa résilience, est aussi fragile. Toute réforme ou perturbation pourrait mettre à mal cet équilibre délicat.

L'histoire de l'économie ultra-orthodoxe est une leçon fascinante sur la puissance de la foi et de la solidarité, mais aussi un rappel des limites que ces mécanismes peuvent atteindre dans un monde en constante évolution.

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