"C'est vrai que c'est moi qui pars, mais je sens que c'est le pays qui m'a quitté"
Michal Mor-Melamed, une icône du fromage artisanal israélien, ferme son entreprise et quitte Israël.
Michal Mor-Melamed, une figure emblématique de l’artisanat fromager en Israël et propriétaire de la célèbre laiterie Shirat Roei, a surpris tout le monde en annonçant récemment la fermeture de son entreprise et son départ pour l’Autriche. Installée dans sa maison de la colonie de Lotem, elle avait pourtant envisagé d’y passer le reste de ses jours. Mais aujourd’hui, elle confie dans une interview bouleversante :
« Je pars parce qu'il y a des personnes enlevées , les otages,qui n'intéressent personne. Ce n'est plus mon pays. »
Un savoir-faire unique au cœur de la gastronomie israélienne
L’univers de la gastronomie israélienne de qualité repose sur bien plus que ses restaurants étoilés et bars à vin élégants. Ces lieux ne pourraient exister sans le travail acharné des producteurs locaux et des fermes artisanales.
Grâce à eux, vins, huiles d’olive, pains et fromages artisanaux trouvent leur place sur les tables les plus raffinées.
Ces dernières années, des produits prestigieux tels que le caviar de Nahal Dan, le wasabi et les truffes du plateau du Golan se sont également ajoutés à cette richesse culinaire.
Parmi ces trésors gastronomiques, le fromage occupe une place de choix. Si de nouvelles laiteries artisanales ont vu le jour récemment, comme la petite laiterie de Givat Haim ou la ferme David à Ahitov, la pérennité de certaines d’entre elles reste fragile.
Des fermetures malheureuses ont marqué l’histoire récente, notamment celle de la ferme de Meshi Seltzer, père des laiteries-boutiques, ou encore la laiterie du Mont Haruh, démantelée par l’Autorité foncière israélienne. La tendance s’est poursuivie avec le départ de la laiterie Francia au Portugal.
Une étoile s’éteint : la fermeture de Shirat Roei
La semaine dernière, la fermeture inattendue de la laiterie Shirat Roei, fondée par Michal Mor-Melamed, a ajouté une nouvelle ombre à ce tableau. Située à Lotem en Galilée, cette laiterie était devenue au fil de ses 17 années d’activité une référence incontournable en Israël. Ses fromages ont conquis les amateurs, décrochant même des distinctions internationales.
Le fromage emblématique Ein Harod, par exemple, a remporté une double médaille d’or au prestigieux Championnat du Monde des Fromages, l’une des nombreuses récompenses décrochées par Shirat Roei.
L’itinéraire singulier de Michal Mor-Melamed
Michal Mor-Melamed, aujourd’hui âgée de 63 ans, n’a pas toujours été productrice de fromage. Thérapeute en communication aguerrie, elle décide un jour de changer de vie après un voyage dans les Alpes suisses. Là-bas, elle découvre l’art des célèbres emmental et gruyère. Inspirée, elle commence à faire du bénévolat une journée par semaine dans des laiteries locales en Israël, puis en Suisse. Trois ans plus tard, elle ouvre sa propre laiterie, Chant des Bergers, à Kfar Kish.
Ce qui débute avec quelques fromages uniques se transforme rapidement en une gamme de près de 30 créations, chacune empreinte d’un savoir-faire exceptionnel. Parmi elles, le célèbre Ein Harod, un fromage de brebis dans le style Thom, ou encore Ein Mode, un pecorino de brebis qui décroche une médaille de bronze au Championnat du Monde des Fromages en Norvège en 2019.
Des chefs-d’œuvre fromagers qui marquent les esprits
Au fil des années, Michal a créé des fromages devenus des références. Parmi ses créations phares :
Emek Ma'ayan : un fromage au lait de chèvre, délicat et équilibré.
Masha : un fromage de chèvre à pâte mi-dure, particulièrement apprécié des amateurs.Une gamme inspirée par des traditions européennes, mais toujours ancrée dans le terroir israélien.
Un départ qui soulève des questions
La fermeture de Shirat Roei n’est pas qu’un simple événement économique ou gastronomique. Elle reflète un sentiment d’abandon exprimé par une femme qui a consacré sa vie à son art et à son pays. En décidant de quitter Israël, Michal Mor-Melamed tourne une page, mais laisse derrière elle une empreinte indélébile dans le paysage culinaire du pays.
« C’est vrai que c’est moi qui pars, mais je sens que c’est le pays qui m’a quitté. »
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