Pay-for-slay, le dormeur doit se réveiller Par Eden Levi Campana

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mahmoud abbas un terroriste en liberté

Par Eden Levi Campana

Pay-for-slay, le dormeur doit se réveiller

Depuis Ramallah, un parfum de scandale s’élève, imprégné de ces relents politiques que l’on croit familiers.
Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a brusquement écarté son ministre des Finances, soupçonné d’avoir autorisé des versements à des prisonniers palestiniens selon l’ancien système d’indemnisation, celui qui faisait dépendre le montant des aides de la durée des peines purgées.
Officiellement, cette pratique avait été abrogée par décret. Officieusement, les canaux financiers n’auraient jamais cessé de fonctionner. Ce limogeage, annoncé à la veille de la visite d’Abbas à Paris, précède sa rencontre avec Emmanuel Macron prévue  à l’Élysée.

C’est dans ce climat de dissimulation que Gideon Sa’ar, ministre israélien des Affaires étrangères, a pris la parole. Dans une déclaration relayée sur les réseaux, il a accusé l’Autorité palestinienne de vouloir « tromper le monde » en feignant la réforme, estimant que le simple renvoi d’un ministre ne saurait masquer la continuité d’un système enraciné. À ses yeux, l’affaire révèle moins un acte de gouvernance qu’un exercice de cosmétique diplomatique destiné à amadouer les chancelleries occidentales.

Dans les ruines du conflit, l’économie de la mort prospère. Le récent échange de prisonniers entre Gaza et Israël a révélé une vérité qu’aucun discours diplomatique ne peut dissimuler, la violence s’y monnaye. Parmi les deux cent cinquante détenus palestiniens condamnés à la perpétuité et récemment libérés, plus de cent soixante sont désormais considérés comme millionnaires. Non pas par le fruit d’une entreprise ou d’un héritage, mais grâce au mécanisme du « Pay-for-slay », qui récompense la durée de la peine comme d’autres paient la fidélité d’un salarié.

Pendant des décennies, l’Autorité palestinienne a versé, mois après mois, des allocations indexées sur la longueur de l’incarcération. Ainsi, Samir Abu Naameh, emprisonné trente-neuf ans pour deux attentats dont un bombardement de bus meurtrier, aurait accumulé près d’1,7 million.

Mahmoud Issa, condamné pour l’enlèvement et le meurtre d’un policier israélien en 1992, avoisinerait 1,5 million. Des chiffres d’une précision glacée, fruits d’un système où la durée du crime devient capital et où le sang, comptabilisé, se transforme en rente. Sous le masque administratif des « allocations sociales », c’est une comptabilité de la haine qui se poursuit, implacable et méthodique, substituant à la morale des peuples la logique cynique d’une économie du martyre.

Derrière l’apparence de rectitude administrative, c’est bien la logique du « Pay-for-slay » qui se prolonge, dissimulée sous le vernis des réformes. Le mécanisme survit à ses décrets d’abrogation, recyclé dans le langage des aides sociales et du soutien familial, perpétuant cette équation fatale où la mort devient rémunérable et la violence, budgétisée.
Et en effet, sous le vernis du changement se tapit la permanence du système, cette mécanique patinée par des décennies de duplicité, où la corruption et la violence s’enlacent dans une valse immuable.

Le ministre Omar Bitar n’était qu’un pion qu’on pousse hors du plateau pour sauver la partie.
Il aurait, dit-on, autorisé des versements à des prisonniers selon l’ancien dispositif, celui que les capitales occidentales, gênées, appellent encore « soutien aux familles », et que d’autres, moins hypocrites, nomment correctement.
La réforme proclamée n’aura donc été qu’un rideau de fumée. On a changé la caisse, non la main qui s’en empare. Les décrets se signent à Ramallah, les discours se prononcent à l’ONU, les larmes se versent devant les caméras, mais l’argent, lui, suit sa route souterraine, fidèle à la logique qu’il prétend abolir.

Sa’ar ne s’y trompe pas. Il sait que les mots sont des armes, et qu’en politique, les plus redoutables sont celles qui se parent de vertu. Dénoncer la « tromperie » palestinienne, c’est pointer la duplicité d’un pouvoir qui ne gouverne plus que par l’illusion de sa respectabilité. C’est rappeler qu’un État sans morale n’est qu’un mirage administratif. Dans cette région où les mirages sont une tradition millénaire, le ministre israélien s’érige en observateur obstiné du réel.

Pendant ce temps, sur la rive gauche de la Seine, un autre spectacle se joue. Emmanuel Macron accueille Mahmoud Abbas, de son nom de guerre Abou Mazen, avec les égards dus à un chef d’État que la France s’est soudain décidée à reconnaître. Le protocole se fait caresse, la diplomatie devient danse. Le président français, en funambule de la nuance, se penche vers l’ombre et croit y voir la paix. Tout y est, sauf la lucidité.

Il y a quelque chose d’amusant, presque pathétique, à observer cette chorégraphie du pouvoir. Tandis que Ramallah maquille ses subsides en aides sociales, Paris maquille sa politique en bienveillance.
L’un ment pour survivre, l’autre s’illusionne pour exister. Le premier envoie des signaux vers Washington, espérant le retour de l’aide américaine suspendue ; le second tend des mains vers un fantôme diplomatique, rêvant encore de jouer les médiateurs universels. Leurs gestes se répondent, leurs illusions s’accordent : chacun joue sa partition du jeu de dupe. En réalité cette partition n’est que sable et poudre de perlimpinpin.
Le Proche Orient est un monde de vitesse et de ralenties, un monde de réalisme et de ruse, un monde où le « Pay-for-slay » fait toujours des ravages. Le dormeur doit se réveiller.

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