Les Bnei Menashe une tribu perdue d'Israël

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Pierre Prakash, L'Express, 08/08/2005

Ils vivent dans les montagnes, au nord-est du pays, et sont convaincus de faire partie de la diaspora. A Jérusalem, certains sont prêts à le croire...

En ce vendredi soir, la famille Kholhring a invité quelques amis pour célébrer sabbat.
Autour de la table, éclairée par une paire de bougies, le petit groupe chante avec ferveur des extraits du Siddhur, le livre de prières juif.

Pantalon noir et chemise blanche, le maître de maison, Avior, coupe solennellement le pain, qu'il distribue en silence avec une pincée de sel et une rasade de jus de raisin. «Pas moyen d'avoir du vin», s'excuse-t-il, en référence à la prohibition imposée par les autorités locales.

Nous sommes en effet à des milliers de kilomètres d'Israël, au fin fond des zones tribales du nord-est de l'Inde. La famille Kholhring, d'ailleurs, n'est pas véritablement juive. Ils ne parlent pas hébreu, ont appris les rites dans des livres et le Siddhur qu'ils utilisent est une traduction phonétique.

«Je sais que je suis juif, clame pourtant Avior sous le drapeau israélien qui trône au-dessus du canapé. Mon corps est ici, mais mon esprit est en Israël. Un jour, je retournerai à la Terre promise.»

Les Mizos se réclament Juifs et vivent en Inde

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Quelque 6 000 Mizo - un peuple mongoloïde que l'on trouve dans les Etats indiens du Mizoram et du Manipur - pratiquent un judaïsme traditionnel

Dans cette région montagneuse frontalière de la Birmanie, quelque 6 000 Mizo - un peuple mongoloïde que l'on trouve dans les Etats indiens du Mizoram et du Manipur - pratiquent ainsi un judaïsme traditionnel.

Ce sont les Bnei Menashe, une communauté qui, depuis maintenant trente ans, se revendique comme l'une des dix «tribus perdues» d'Israël.

Selon l'Ancien Testament, ces tribus, chassées par l'invasion des Assyriens, en 721 avant Jésus-Christ, se seraient éparpillées sur la planète, attendant leur heure pour retourner en Terre promise.

Les Bnei Menashe seraient ainsi les «enfants de Manashe», fils de Joseph et petit-fils d'Abraham. Contraints à l'exode, leurs ancêtres auraient traversé les actuels Iran et Afghanistan, puis séjourné en Chine, avant de passer dans l'actuelle Birmanie pour finalement s'installer du côté indien de la frontière.

Une folle épopée de vingt-sept siècles, au cours de laquelle la tribu a toutefois oublié sa langue, son histoire et ses traditions. En cours de route, ils se sont aussi métissés. Ils parlent un dialecte tibéto-birman. Plus problématique encore: ils élèvent des cochons et les mangent...

«Notre présence ici est une erreur de l'Histoire, c'est notre mitsva, notre devoir que de retourner là-bas», martèle pourtant Nirit, 21 ans, arborant fièrement une étoile de David autour du cou dans la salle de classe du Hebrew Center, à Aijal, la capitale du Mizoram. Envoyés par Shavei Israel, une organisation qui recherche les fameuses tribus perdues, des rabbins s'y relaient pour enseigner l'hébreu et la Torah. «La vraie vie juive», résume le professeur du moment, Yehuda Gin, le premier rabbin issu de la communauté. «Il ont encore besoin d'apprendre, mais, dans l'âme, ces gens sont juifs», affirme cet homme qui vit depuis douze ans à Hébron.

«Dans l'âme, ces gens sont juifs»

Comme lui, quelque 800 Mizo ont déjà émigré, partis en touristes pour Israël avant de se convertir sur place afin d'obtenir la nationalité de l'Etat hébreu. Migration économique? «Il y a peut-être quelques imposteurs, comme partout, mais la grande majorité est sincère, conteste le porte-parole de la communauté, Liyon Fanai. Si nous voulons aller en Israël, ce n'est que pour pouvoir pratiquer pleinement notre religion, car ici les gens se moquent de nos kippas, nous devons préparer notre viande kasher nous-même, et on ne peut rien dire quand on nous demande de travailler le samedi.» «Ces gens ont largement prouvé leur identité juive et leur dévouement au judaïsme, ajoute Michael Freund, président de Shavei Israel. Ce sont nos frères et surs, c'est notre devoir moral, historique et religieux que de les ramener à la maison.»

En 2003, le ministère israélien de l'Intérieur a néanmoins interdit toute nouvelle immigration, en attendant de vérifier la filiation juive. L'histoire de la tribu retrouvée dans les jungles d'Asie est en effet loin de convaincre tout le monde. Surtout dans cette région à 90% chrétienne. Tandis que certains pasteurs évoquent «le travail de démons qui tentent d'égarer les esprits», d'autres réclament des preuves. Difficiles à trouver, puisqu'il n'existe aucune trace écrite de la mémoire mizo avant l'arrivée des missionnaires protestants, à la fin du XIXe siècle. «Et, depuis, le christianisme a tout effacé, explique Mme Zaithanchhungi, auteur de plusieurs livres sur le sujet. Mais ce que l'on sait des pratiques mizo préchrétiennes est étonnamment proche du judaïsme.» Les rites funéraires et sacrificiels, notamment, mais aussi les lois régissant le mariage ou le traitement des esclaves. Les Mizo avaient par ailleurs un culte monothéiste, croyaient au paradis et à l'enfer, se sont toujours abstenus de représenter leur Dieu et n'ont jamais été touchés par le bouddhisme bien qu'ils aient séjourné en Birmanie.

«Ce ne sont que des coïncidences, qu'on retrouverait entre n'importe quelles tribus si on les cherchait», rétorque le révérend Chuauthuama, du Collège théologique d'Aijal. Reste toutefois cette intriguante chanson traditionnelle faisant allusion à des ancêtres «traversant la mer Rouge», poursuivis par des chariots ennemis... Et l'évocation d'un livre sacré - qui, selon les versions, aurait été perdu ou confisqué par les Chinois - référence possible à la Torah, puisque la langue mizo ne s'écrivait pas jusqu'au siècle dernier. Sans compter bien sûr le nom même de Menashe, très proche de Matmase, un ancêtre que l'on appelait à l'aide, autrefois, dans les situations difficiles ou au cours des cérémonies religieuses. Puis, dans les années 1950, un villageois du nord du Mizoram, Chala, a eu un rêve dans lequel Dieu lui aurait promis de ramener les enfants de Matmase en Israël. Le mythe de la tribu perdue était né.

Citoyens israéliens

Ce n'est toutefois que dans les années 1970 que de plus en plus de Mizo se sont mis à pratiquer le judaïsme. «Ce n'était pas facile au début, nous avons dû faire traduire les livres pour apprendre les rites», se souvient le vieil Elizir Selah. Comme lui, beaucoup ne connaissaient pas l'histoire de la tribu perdue lorsqu'ils ont épousé leur nouvelle religion. Dans cette région où chacun connaît la Bible sur le bout des doigts, la plupart disent en effet avoir abandonné le christianisme en raison de ses «inconsistances». «L'Eglise ne suit pas ce que dit la Bible, accuse ainsi Abraham Fanai, propriétaire d'une petite échoppe de trottoir. Le Livre parle d'un seul Dieu, mais à la messe on nous parle de Trinité. Jésus célébrait sabbat, mais les chrétiens prient le dimanche.» Ultramajoritaire au Mizoram, l'Eglise presbytérienne estime d'ailleurs que les Bnei Menashe ne sont qu'une «secte parmi d'autres», en référence aux dizaines d'Eglises protestantes qui pullulent dans la région.

Fin mars, pourtant, l'incroyable nouvelle est arrivée de Jérusalem. Après avoir envoyé des «experts» l'an dernier, le grand rabbin Shlomo Amar, l'une des plus hautes autorités du judaïsme, a officiellement reconnu les Bnei Menashe comme des descendants d'Israël... «C'était le plus beau jour de ma vie», confie Elishevah, une fonctionnaire de 50 ans qui vient de faire refaire son passeport. Fruit d'un intense lobbying de Shavei Israel, cette décision devrait en effet permettre à la communauté d'effectuer l'aliya, la «montée vers Israël», accessible à tous les juifs reconnus comme tels qui, une fois arrivés, deviennent automatiquement citoyens israéliens.

Avant cela, le tribunal rabbinique devra toutefois venir sur place procéder aux conversions. «Je suis inquiet, l'examen sera difficile», grimace Pe'er Tlau, qui, ces temps-ci, passe son temps à étudier les textes religieux. Ses trois fils, eux, ont arrêté l'école pour se concentrer sur les cours du Hebrew Center. «Les deux aînés seront soldats, le petit dernier fera des études religieuses», a-t-il déjà prévu. Encore faut-il qu'ils puissent partir.  (...)  

http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/inde/dossier.asp?ida=434316

http://www.shavei.org/

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