Interview Galina Nabati,une femmeisraelienne

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Alliance interview cette semaine Galina Nabati, une femme israëlienne

en tête de liste pour les élections régionales.
par Yona Dureau

Alliance : Galina Nabati, pouvez-vous nous résumer ce qui vous a amenée à la politique ? G.N. : Je ne me suis pas lancée dans la politique pour la politique. Je me suis progressivement rapprochée d'un parti sur la base d'une idée qui me hantait. Je me bas contre l'image négative qu'ont les Israëliens des imigrants russes. Ce parti se présentait comme un parti soucieux des problèmes sociaux touchant actuellement Israël : Israël ba Alyah. Alliance : Le nom de ce parti repose sur un jeu de mots, n'est-ce pas ? G.N. : Israël monte, grandit, et la part d'Israël qui immigre. Pour ce parti, l'immigration russe permet une "montée" d'Israël, c'est-à-dire une amélioration de l'éducation et du niveau de culture générale de la poppulation, mais aussi tout simplement, une augmentation de la population qui permet à Israël un répit face au problème démographique du pays. Sans cette alyah, nous serions vite une minorité de juifs dans ce pays. Le deuxième sens, c'est en considérant l'importance de l'immigration dans la société israëlienne et le fait qu'aucun parti ne représentait les problèmes des olims, que le parti s'est fondé. Alliance : quelle est la différence entre cette alyah et les précédentes ? G.N. : c'est la première fois qu'une alyah aussi importante a lieu qui se présente simultanément comme une concurence professionelle pour les Israëliens. Musiciens, professeurs, médeçins... Alliance : que faites-vous de la France, des USA? G.N. : Je parle d'une alyah massive. L'alyah russe a amené 1 million d'immigrants présentant une culture de niveau en compétition avec les Israëliens. Cela nous permet de comprendre que les Israëliens, qui avaient l'habitude de voir des immigrants venir de pays plus défavorisés ou en nombre infime quand ils venaient de pays développés, n'ont pas bien accepté l'alyah russe. Ils ne concevaient l'alyah auparavant que comme une compétition au niveau de la deuxième génération, assimilée à la société israëlienne, acceptable.... Alliance : comment expliquez-vous les clichés courant sur les Russes en Israël? G.N. : comme dans les années 50, les Israëliens ont développé un certain nombre de clichés, stigmatisant les olims. C'était plus facile pour eux plutôt que d'accepter cette concurence et de se battre de façon loyale. J'étais professeur de musique avant l'alyah massive de Russie. Ma formation musicale est israëlienne, mais je suis d'origine russe. Une fois l'alyah arrivée, j'ai vu le nombre de mes élèves diminuer de façon subite et incompréhensible, jusqu'à ce que je réalise que j'avais hérité des mêmes stygmates à cause de mon origine russe...

Alliance : Les Israëliens ont donc suivi de vieilles habitudes...

G.N. : exactement. Cela évitait une remise en question. Dans les années 50 on disait que les Marocains réglaient tous les problèmes au couteau, les Iraniens étaient des avares, les Roumains des voleurs, les Yéménites et les Kurdes des imbéciles. On disait "Témani Hamor!" "Espèce d'âne de Yéménite!". Les Russes aujourd'hui, sont traités de prostituées et de mafiosi... Bien sûr, il y a eu des cas de prostitution et de mafia russe... Dans le cas de Lerner, on a eu un exemple frappant des mécanismes de refus de la société israëlienne.

Lerner voulait ouvrir une banque, et qui fut accusé d'appartenir à la maffia, le procès a conclu qu'il n'y aucune preuve de ce que les journeaux l'accusaient, d'appartenir à la maffia.

On l'a traîné dans la boue. On prétendait que les Russes voulaient ouvrir une banque et faire de la politique! Voilà le coeur du problème, les banques et la politique, c'était deux domaines réservés aux Israëliens, il était inconcevable que les immigrants russes se croient permis de faire de la politique et d'ouvrir des banques...

Alliance : le cas Lerner a produit une prise de conscience chez les immigrants russes...

G.N. : Une levée de boucliers sans précédents. Les olims russes ont appelé au scandale et traité ce procès de procès Dreyfus... Lerner avait changé son nom lors de son alyah en Israël en Tsvi Ben Ari. Personne de tous les journalistes n'a repris son nom hébraïque. Il était important pour les média de parler de "Grégory Lerner", pour le stygmatiser plus aisément par son origine...Lorsque Lerner commença à faire des affaires et chercha à soudoyer des politiciens pour obtenir l'autorisation d'ouvrir une banque, il n'était pas innocent. Je ne cherche pas à présent à le blanchir... Bien que des politiciens israëliens aient déclaré qu'il n'avait rien fait de plus que les autres banquiers... Mais ce que je reproche aux médias, et aux Israëliens, c'est d'avoir tenté de faire par l'intermédiaire du jugement de Lerner un jugement collectif de toute la communauté russe en Israël. Les médias israëliens insistent toujours sur l'origine des coupables de crimes divers uniquement dans le cas des Israëliens d'origine russe. Si un viol a eu lieu à Kyriat Arba, on lit alors "un habitant de Kyriat Arba a commis un viol". Si un immigrant russe commet le même crime, les journaux sauteront sur l'occasion pour citer son origine : "un immigrant russe a commis tel ou tel crime..."

Alliance : Tout cela vous a amené à réagir ?

G.N. : J'ai réagi et décidé de faire de la politique lorsque j'ai commencé à comprendre ces phénomènes. J'étais professeur de musique du ministère de l'éducation depuis douze ans. Une crise de voisinage m'amena à certains affrontements avec ma voisine, et celle-ci se permit de me traiter de "prostituée russe"... Les tabous les plus essentiels n'existaient plus... les médias ont réussi à inciter le public à la violence, à l'injure envers tous les russes... Punition collective... Alliance : Est-ce que le fait d'être une femme a représenté un obstacle pour votre travail politique, ou bien est-ce que au contraire l'image féminine permettait un message plus positif, mieux accepté par le public israëlien? G.N. : Sur 60 villes israëliennes, seules 4 femmes se présentent en tête de liste aux élections régionales. Cela vous donne un ordre de grandeur et de perception de la difficulté pour une femme pour faire de la politique en Israël. A Nes Ziona, dans la ville où je me présente, je suis la seule femme à me présenter en tête de liste, tout parti confondu. Depuis que je suis entrée dans le monde politique, j'ai compris que la politique est un monde d'affrontement permanent. Il se trouve toujours quelqu'un d'intéressé à vous marginaliser, à vous mettre sur la touche. les femmes n'ont pas l'habitude de jouer des coudes. Les femmes sont aussi plus sensibles, et souvent ne soutiennent pas la pression énorme qui joue dans le jeu politique. Tout cela je l'ai appris avec le temps, et beaucoup d'énergie. Alliance : Vous a-t-on parfois reproché d'être une femme? G.N. : ce n'est pas ce qui est le plus difficile. Bien sûr qu'on me l'a reprochée. Le plus difficile, c'est que la société, la culture, l'éducation enseignent que la femme doit prendre en charge et s'occuper de sa maison, de ses enfants, et si elle joue un rôle politique, c'est en temps que soutient pour son mari qui lui ferait de la politique. La plupart des activités politiques ont lieu l'après-midi, et en tant que femme qui s'occupe de politique, je me trouve toujours en conflit personnel avec ma conscience : dois-je aller à cette action politique ou dois-je m'occuper de mes enfants? Il est certain qu'un homme ne se pose pas de question. On ne lui a pas appris à douter du fait qu'il s'investit à l'extérieur. On lui a appris dès le départ tout ce qu'il fallait pour réussir. Moi la société m'a façonnée pour me convaincre du contraire... De plus une activité politique demande des investissements financiers, c'est un risque, et rien n'est jamais certain...Cela peut même m'amener des soucis supplémentaires, même si je réussis. Si je réussis et que je gagne ma vie en politique, mon nom sera assez connu pour causer évcentuellement des problèmes à mes enfants, ne fut-ce qu'au niveau local. La plupart des femmes qui se lancent en politique ont cinquante ans ou plus, et elles se permettent de faire de la politique car la carrière de leur mari est assurée, les enfants élevées, et la société ne pèse plus de son jugement négatif sur elles. En ce qui me concerne, mes enfants sont petits, et je ne connais pas d'autres femmes en politique dans la même situation. Même dans la famille le problème de mon engagement politique n'est pas évident. Mon mari et mes fils font partie de cette société et de sa mentalité, et tout passe sans cesse par des explications patientes, des discussions avec les enfants pour leur expliquer que c'est là une chance particulière et qui ne se renouvelera pas. j'ai lu récemment une enquête qui disait que derrière chaque homme qui réussissait se trouvait une femme qui le soutenait. Derrière chaque femme qui réussit, une famille détruite. Je n'ai pas envie d'être dans cette partie de la statistique. Il y a une image du directeur qui doit être fermé, dur, sûr de lui, empli d'autorité. J'essaye de donner une autre image, d'écouter, d'être ouverte, mais parfois je me demande si je peux changer des images mentales figées. Ne pas jouer de l'autoritarisme, c'est ne pas vouloir jouer à présenter une image masculine caricaturale, mais en même temps, c'est prendre un risque avec des associations culturelles mentales terriblement puissantes. Je pense qu'on peux être une femme, qu'on n'est pas obligé comme Limor Livnat, ministre de la communication l'a expliqué, de parler avec une voix plus grave en phrases brèves et sèches. Elle a écrit un article à ce sujet et même pris des cours de diction grave. Je ne veux pas renoncer à ma féminité, et je pense que cela ne veut pas dire que je ne suis pas capable de prendre des décisions et d'occuper une certaine fonction. Mais peut-être que j'en demande trop pour l'instant à ce pays. Alliance : Vous pensez que c'est un problème inscrit dans les structures du pays? G.N. : Bien sûr. Prenez par exemple le ministère de l'éducation. Plus de 90% des employés sont des femmes. Tous les directeurs sont des hommes. La femme reste l'employé modèle, l'éxécutif, on ne la conçoit pas à des postes décisionnaires... C'est comme ça dans tous les secteurs de la société. La femme a un rôle dans l'armée, c'est un signe d'égalité, dit-on, mais en réalité, la plupart du temps elle est secrétaire ou sert le café à ses supérieurs. Alliance : Galina nabati, nous vous souhaitons de réussir et nous vous remercions de votre aide.

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