Les Ombres d’Anouk Grinberg
Difficile pour une comédienne dont les apparitions sont fascinantes tant au cinéma qu’au théâtre de se faire reconnaître en tant qu’artiste plasticienne.
Ses dessins et leurs jeux de noir et blanc imposent pourtant une force crépusculaire rare. Ils révèlent par effet de pan ce qui habite la créatrice au plus profond de sa mémoire personnelle et collective. L’artiste s’y lance à corps perdu à la fois hors et dans les points obscurs qui contient l’essence de son être et de son histoire.
Des constellations terrestres et des nébuleuses fantomatiques s’élèvent dans le gris-blanc du support. Surgit la vertu d’un labyrinthe intérieur accessible soudain par les pores du papier qui boivent le noir pour le broyer. Dans chaque dessin les temps se rejoignent plus qu’ils se déboîtent. Le présent de l’artiste n’est pas coupé du passé et de sa glaciation. Le froid enserre, durcit, rétracte, contient des visages qui semblent ne pouvoir s’épancher sans geler. Il n’est pas jusqu’à leurs cris de se gercer sur des paysages reliques où les êtres cherchent leur source comme leur créatrice cherche désormais la réponse au sommet de l’amour et non au fond de la peur.
Ces déserts habillés de noir vont droit contre les certitudes éphémères. La mort rode dans l’œuvre, elle sort ses griffes comme elle balafra les pages de l’Histoire. Partout, partout sur le paysage comme sur le visage l’opacité règne devant un horizon solide. Le noir retient. Il suit son cours. Mais l’artiste dessine pour ne pas s’y abandonner. Et si le noir restera toujours l’inachevé en marche, la clarté pour autant s’impose que bien que mal.
Le dessin lutte contre la mort non au nom de l’amour. Anouk Grinberg y retrouve des schèmes élémentaires d'affects et d'absences. Si certains visages se diluent dans le noir il suffit d’un cercle blanc approximatif pour hurler la vigilance dans un cérémonial très particulier car instinctif. Il souligne en une forme de spontanéité viscérale mais imprégnée de maîtrise les gouffres sous la présence et rappelle bien des abîmes en lieu et place des féeries glacées.
Galerie Storme (Lille), Espace Commines (Paris)
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