Les défaillances du programme de recrutement des jeunes autistes menacent son existence

Enquête exclusive : dysfonctionnements dans les processus de sélection, affectations inappropriées, exclusions injustifiées et manque d’accompagnement professionnel. Suite aux modifications apportées par l’armée à son programme phare d’intégration des jeunes autistes, “Tétkadémou”, celui-ci est passé d’une réussite exemplaire à une série d’expériences douloureuses pour des jeunes pleins d’espoir et de motivation, confrontés à un traitement non professionnel et méprisant. Les témoignages de dizaines de parents de soldats et de candidats à l’enrôlement suscitent la crainte que l’armée cherche en réalité à mettre fin à ce programme. Tsahal : “Les allégations ne reflètent pas la réalité.”

Tsahal se targue souvent des succès du programme “Tétkadémou”, visant à intégrer les jeunes sur le spectre autistique dans l’armée en leur fournissant le soutien nécessaire.
Ces histoires sont fréquemment mises en avant dans les médias.

Cependant, une enquête approfondie menée suite à des dizaines de plaintes de parents inquiets révèle une réalité bien différente, marquée par des dysfonctionnements préoccupants, des exclusions injustifiées, des affectations inappropriées et un manque criant de professionnels qualifiés pour aider les autistes à s’intégrer dans l’armée.

Au lieu de soutien et d’inclusion, de nombreux participants au programme font face à d’énormes difficultés, à un traitement méprisant et à une profonde frustration.

soldats autistes dans Tsahal

Témoignages de parents

“La profonde déception de mon fils provient de l’écart immense entre les attentes suscitées par le programme et la réalité sur le terrain”, confie à

“Shavim” le père d’un jeune enrôlé dans le cadre du programme.

“On nous a dit dans ‘Tétkadémou’ qu’il avait de grandes capacités, qu’il pourrait obtenir des postes de qualité, et qu’il bénéficierait d’un accompagnement rapproché pour l’aider à faire face aux difficultés liées à son autisme.

En réalité, rien de tout cela ne s’est produit. On a l’impression que Tsahal ne sait pas quoi faire de ce programme, ce qui place ces jeunes dans une situation très difficile.”

Yaara (pseudonyme), mère d’Omer (pseudonyme), raconte que son fils, un adolescent sur le spectre diagnostiqué seulement à 17 ans et demi, avait entamé son processus de recrutement avant le diagnostic, dans un parcours “normal”.

Il a obtenu un score de 80 au test d’évaluation psychotechnique (Dapar) et a été convoqué pour des postes de commandement et des unités d’élite.
Cependant, après le diagnostic, tous les convocations ont été annulées. “Il a été convoqué aux services de renseignement et a même réussi, mais après que l’armée a appris son diagnostic, ils lui ont dit qu’il devait tout recommencer.”

Bien qu’Omer n’ait pas apprécié cette décision, surtout après avoir réussi tout le processus, il a décidé de ne pas abandonner.

“Il était très déçu, mais il a compris qu’il devait s’enrôler via le programme ‘Tétkadémou’ et il a accepté. Mais ce qui n’est pas clair, c’est comment se fait-il que lors du premier test, il a réussi, mais lors du second, il a échoué ? Au premier test, il a dit que c’était un peu difficile mais il a quand même réussi, au second, il a dit que c’était très facile, car il connaissait déjà tout le contenu du premier – et pourtant il a échoué.”

Selon la mère, en raison de son échec aux tests, Omer a été affecté à des postes qui ne correspondaient pas à ses compétences. “Il était choqué”, se souvient-elle avec tristesse. “Il m’a dit : ‘Maman, je ne comprends pas. Je suis exactement la même personne, j’ai juste changé de parcours. Comment se fait-il qu’après le diagnostic, ils m’affectent soudainement à des postes administratifs ?’”

Malgré la frustration, Omer a choisi de s’enrôler par un profond désir de porter l’uniforme et de servir comme tout le monde, et a été affecté à des tâches de maintenance – un poste qui, selon lui, ne lui permet pas vraiment de contribuer à l’État à la hauteur de ses capacités.
“Il est très frustré par cela, mais comme il voulait tellement être soldat, il a accepté à contrecœur. Nous avons envisagé l’option du volontariat, ce qui lui permettrait de faire d’autres choses en parallèle avec l’armée, mais il n’a pas la force de subir un autre processus long et épuisant dont l’issue est incertaine.”

Rapport de la commissaire aux plaintes des soldats : plus de recrues, plus de plaintes

Le programme “Tétkadémou”, lancé en 2021, visait à intégrer des candidats au service militaire diagnostiqués sur le spectre autistique et capables de fonctionner de manière autonome au sein de Tsahal.

L’objectif était d’affecter ces jeunes dans diverses unités de manière à mettre en valeur leurs compétences, optimisant ainsi leur intégration et profitant à l’armée.

Pour cela, le programme comprenait une équipe de professionnels qui menaient des processus de sélection adaptés à cette population spécifique et créaient un encadrement pour les soldats sur le spectre.

Plus de 800 jeunes ont déjà été recrutés par le programme, et les premières promotions ont été saluées comme un succès majeur. Cependant, c’est précisément à ce moment-là que l’armée, pour ses propres raisons, a commencé à apporter des modifications au projet. Depuis, la situation ne cesse de se détériorer.

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Dans un rapport publié au début du mois par la commissaire aux plaintes des soldats, la brigadière-générale (réserviste) Rachel Tabet-Wiesel, il est mentionné qu’en parallèle à une augmentation constante du nombre de recrues dans le programme, une hausse des plaintes a également été observée de la part de candidats au service militaire destinés à s’enrôler dans le cadre du programme, notamment concernant des processus de sélection inadaptés à cette population spéciale.

Déjà lors de l’intention initiale de l’armée d’apporter des modifications au programme, des parents de soldats enrôlés ou sur le point de l’être, en collaboration avec l’association ALUT (Association israélienne pour l’autisme), ont adressé une lettre au brigadier-général Amir Vodmani, l’un des responsables du projet, pour lui expliquer les dommages potentiels des changements tels que la réduction de l’encadrement professionnel, la modification des processus de sélection et à l’affectation de ces jeunes à des postes inadaptés.

Selon eux, ces changements pourraient entraîner une augmentation des échecs et des frustrations parmi les jeunes autistes, compromettant ainsi l’avenir du programme. Ils ont également exprimé la crainte que ces modifications ne reflètent une volonté de l’armée de mettre fin au programme.
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Réponse de Tsahal

En réponse à ces allégations, Tsahal a déclaré que “les affirmations ne reflètent pas la réalité” et que l’armée continue de s’engager en faveur de l’intégration des jeunes sur le spectre autistique. Cependant, les témoignages des parents et les observations du rapport de la commissaire aux plaintes des soldats suggèrent que des améliorations sont nécessaires pour assurer le succès continu du programme “Tétkadémou”.