A Paris, les juifs orthodoxes ont une place à part.
La petite Jérusalem à Paris a vu le jour il y a plus de vingt ans dans le quartier du 19e arrondissement , entre les stations Riquet et Laumière.
Un quartier où on peut y voir de nombreux commerces casher et où la communauté juive s'y sent bien. Passer rue de Thionville et l'on peut entendre des gens parler l'hébreu devant le centre d'étude religieuses. On continue rue Riquet avec une synagogue fondée par des Tunisiens de Djerba qui rassemble quelques fidèles.
Le confort pour les familles juives avec, rue Petit, l' épicentre de la communauté, le complexe scolaire Beth Haya Mouchka, qui accueille les tout-petits à la crèche et 2000 filles du primaire au lycée. L'établissement abrite aussi une synagogue, lieu de culte pour de nombreux loubavitch des environs.
En décembre dernier, une frange ultra-minoritaire mais radicale, des haredims, a suscité la polémique en Israël, cherchant principalement à imposer la ségrégation hommes-femmes dans les bus ou en s'en prenant à une fillette de huit ans habillée selon eux de façon "indécente".
L'actualité israélienne qui avait été commentée en France, permet aujourd'hui de s'interroger sur la place, dans la société française, de ces communautés dites "orthodoxes".
On compte quelques dizaines de milliers de personnes en France qui appartiendraient à cette tendance religieuse. Mais, le rabbin Moché Lewin, porte-parole du grand rabbin de France est méfiant en ce qui concerne cette qualification: "Tout dépend ce qu'on entend par ce terme, nuance-t-il. De nos jours, on voit quelqu'un porter une kippa et on dit c'est un orthodoxe".
Une communauté parmi les plus strictes de France. Les communautés Loubavitch et Agoudas Hakehilos en yiddish: "Union des communautés" sont considérées comme étant les plus "strictes" de France. Rituel et pratique très rigoureux, elles ne font pas partie du Consistoire.
Moché Lewin explique que "pour des raisons idéologiques certaines synagogues préfèrent ne pas être rattachées au Consistoire ". Le président de l'association Agoudas Hakehilos, Daniel Altmann, souligne ainsi que celle de la rue Pavée, dans le quartier parisien du Marais 4e, a toujours été indépendante afin de " se préserver de toute influence ".
Nous sommes dans un pays laïc, allergique au communautarisme où l'existence de ces sociétés pratiquantes étonne et conduit notamment à se poser une question "géographique" alors pourquoi les Juifs orthodoxes parisiens sont-ils ainsi regroupés dans certains "îlots" du XVIIème, du XIXème ou du XXème?
Selon le rabbin Lewin, la première raison est d'ordre pratique: "Les juifs religieux doivent se rendre à pied à la synagogue pendant le Shabbat et donc ils vont habiter autour des lieux de culte existants".
Mais aussi ,les écoles juives sont situées dans certains quartier parisiens, les familles pratiquantes s'en sont alors rapprochées.
On constate que depuis 2000, et la seconde Intifada, les cas d'agression d'enfants juifs ont augmenté et les inscriptions dans ces écoles aussi. Rivka, une commerçante Sépharade du 19e, commente: "les enfants avec les kippas se font souvent embêter".
Les juifs religieux ne gênent personne et pourtant les non juifs ne comprennent pas les orthodoxes. Il y a du racisme. Très à l'écoute ils aident aussi beaucoup . A la synagogue de la rue Petit, il y a des collectes pour les jeunes filles qui n'ont pas assez d'argent pour se marier. Ils vont aussi rendre visite aux malades à l'hôpital.
Il y a différents courants pour le mouvement orthodoxe juif. Né en Allemagne au XIXème,il repose sur une pratique religieuse fidèle aux textes bibliques et à la "Halakha", l'ensemble des lois qui règlent la vie juive au quotidien.
C'est alors que les Haredim les "Craignant-Dieu" en hébreu représentent une grande partie de ces orthodoxes.Souvent regroupés dans leurs quartiers, sous la direction de rabbins qui incarnent à leurs yeux le seul pouvoir légitime.
On y retrouve certains qui ont une pratique religieuse stricte mais acceptent cependant de plonger dans le monde moderne. En revanche, d'autres, comme ceux de la communauté Edah Haredit, rejettent cette modernité. Assez stricte, Ils ont leurs propres tribunaux rabbiniques et évitent la nourriture cacher des autres communautés.
Percevant le monde extérieur comme une perversion ,il refuse l'usage de la télévision. A Jérusalem, on les retrouve dans le quartier de Méa Sharim.
La frange la plus radicale, largement minoritaire, dénonce la mixité homme femme avec une virulence qui a fait scandale en décembre dernier. Les Hassidim de Loubavitch, autre branche du courant Haredim, obeissent eux aussi un mode de vie très strict mais ils ne s'opposent pas totalement à la modernité. Ils ne vivent pas reclus, et vont parfois au-devant des Juifs non pratiquants pour les rapprocher de leur religion.
Il y aurait 30 000 loubavitch en France, d'après Haim Nisembaum, à la fois porte-parole des loubavitch, rabbin de la synagogue de la rue Petit à Paris 19e et haut fonctionnaire. Une communauté dont l'image qu'en font les médias et le cinéma est à ses yeux "caricaturale". Il insiste " au-delà des apparences vestimentaires, les loubavitch ne sont ni "passéistes" ni "ultra-orthodoxes". Il estime même que dans le judaïsme, l'extrémisme reste "marginal" "car la religion juive n'est pas une religion conquérante".
Dans le Marais, au cœur de Paris,le plus vieux quartier juif de la capitale,une communauté Haredi y est fortement représentée -Agoudas Hakehilos, son président, Daniel Altmann, trader de profession, précise que sa communauté considère les règles du Talmud prioritaires.
Environ 25 000 personnes en France se revendiquent de ce mouvement. Cette institution comprend une autorité rabbinique, deux écoles, des centres d'études, un tribunal rabbinique, elle se charge de l'organisation et de la surveillance de l'alimentation cacher.
A l'instar de l'école de la rue Petit, l'école orthodoxe de la rue Pavée ,réservée aux garçons, est "hors contrat", elle a alors libre choix des programmes, du corps professoral, et de ses élèves. Il faut respecter certains principes pour pouvoir inscrire ses enfants dans cet établissement où l'enseignement religieux occupe toutes les matinées: faire le Shabbat, ne pas avoir de télévision chez soi... "Les petits voient des choses mauvaises à la TV, on est très prudent sur ce qu'on fait entrer à la maison", assure Daniel Altmann, avant d'ajouter, avec fierté : "notre label cacher est très difficile à obtenir, et plus exigeant que celui du Consistoire".
D'autres règles s'imposent à tous. Aux femmes, notamment: se couvrir la tête même hors de la synagogue, l'interdiction de porter des pantalons. D'après Daniel Altmann, elles peuvent travailler mais de préférence "dans des milieux où il n'y a pas trop de contact avec les hommes". Les filles se fiancent à 20 ans. Auparavant, il faut "éviter le contact entre les filles et les garçons". On réunis les couples grâce à des connaissances familiales et amicales... Et dans ce milieu, les mariages mixtes, avec une personne non-juive, "ça n'existe pas". Les conversions sont possibles mais jugées "difficiles".
Il y a eu des "distances" pour les Juifs orthodoxes de France face aux événements de décembre dernier en Israël. Ainsi, même s'il définit sa communauté comme "haredi" et invite chacun à "laisser tranquille les gens très religieux", Daniel Altmann assure se " désolidariser de ce qui s'est passé à Bet Shemesh".
Moché Lewin, le porte-parole du Grand rabbinat, dénonce ces actes commis par des "mouvements ultra minoritaires". A la suite de ces incidents, le Grand Rabbin, Gilles Bernheim a d'ailleurs engagé une discussion sur la dignité de la femme et sur son statut dans le judaïsme. M. Nisembaum, porte-parole de l'association loubavitch, critique lui aussi l'attitude d'une minorité: "C'est lamentable. Avant les juifs étaient coupés du monde par la force des choses, mis dans des ghettos, et maintenant ces groupuscules construisent eux-mêmes leurs murailles".
En France, même si ces communautés orthodoxes paraissent fermées et peu portées sur la modernité, elles sont attachées aux principes républicains de laïcité, et ne voient pas de raison de changer le modèle. Par ailleurs, Daniel Altmann juge " ridicule " la proposition d'Eva Joly d'instituer un jour férié pour Yom Kippour. "Moins la République s'occupe de nos affaires mieux c'est", estime-t-il. Pour Moché Lewin, "la laïcité est une chance pour le dialogue inter religieux. Mais il faut une laïcité intelligente, et non d'exclusion..."
Nathalie ZADOK
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