
Israël prêt à taxer les dons étrangers aux ONG : vers une crise diplomatique avec l’Europe
Une loi explosive est en débat à la Knesset : Israël pourrait bientôt imposer une taxe de 80 % sur les dons étrangers aux ONG locales. L’Europe menace de riposter. Derrière ce bras de fer diplomatique, c’est tout l’équilibre entre souveraineté nationale, société civile, et soutien juif international qui vacille. La diaspora française est en première ligne.
Une proposition de loi qui inquiète jusque dans les chancelleries
La proposition du député Ariel Kallner de taxer jusqu’à 80 % les financements étrangers versés aux ONG israéliennes fait trembler les fondations diplomatiques entre Israël et l’Europe.
Derrière cet affichage de souveraineté, c’est un affront direct aux bailleurs européens — notamment l’Allemagne et les Pays-Bas — qui soutiennent des organisations de la société civile jugées critiques envers la politique israélienne, en particulier en Judée-Samarie.
Pour Ariel Kallner, il s’agit de « protéger l’indépendance politique d’Israël face à une ingérence idéologique financée de l’étranger ». Mais à quel prix ?
Une attaque ciblée contre les ONG de gauche… mais pas seulement
Les structures visées sont principalement celles que la droite israélienne accuse de miner l’image de Tsahal et de défendre des récits palestiniens : B’Tselem, HaMoked, Yesh Din, ou encore Breaking the Silence.
Pourtant, ces ONG sont souvent les interlocutrices privilégiées de l’ONU ou de l’Union européenne sur les questions des droits humains.
En menaçant leur financement, c’est l’écosystème entier de la société civile israélienne qui se retrouve sous pression. Selon Haaretz, le texte prévoit que la taxe soit rétroactive, ce qui pourrait provoquer la faillite immédiate de certaines associations.
Une escalade dangereuse avec l’Europe
L’Union européenne, principal financeur de ces ONG, voit dans cette législation une déclaration de guerre symbolique.
Plusieurs pays envisagent une riposte, notamment l’instauration de taxes équivalentes sur les fonds israéliens en direction d’institutions juives européennes.
Une mesure qui, si elle se concrétise, toucherait de plein fouet les yeshivot, les centres communautaires, les écoles juives et les associations sionistes en Europe. À Berlin, une source diplomatique confie à Der Spiegel : « Si Israël taxe nos dons, nous taxerons les siens. »
Un risque pour les communautés juives de la diaspora
Au-delà de la confrontation politique, ce sont les communautés juives en Europe qui pourraient en faire les frais. De nombreuses institutions reçoivent régulièrement des dons de philanthropes israéliens ou de fonds publics via des programmes éducatifs. Une taxe de réciprocité, ou pire, un gel des flux, serait un coup porté à la vitalité juive hors d’Israël, et nuirait à l’image du pays auprès de sa propre diaspora.
Un effet boomerang aux conséquences imprévisibles
Ce projet, en apparence patriotique, pourrait se transformer en piège diplomatique. Israël, déjà isolé sur plusieurs fronts depuis le 7 octobre, ne peut se permettre une rupture avec ses partenaires européens. Même au sein du gouvernement, des voix modérées appellent à la prudence. Un haut responsable du Likoud, resté anonyme, confie : « Ce texte pourrait aggraver notre isolement international. Il faut mesurer le gain réel face aux pertes stratégiques. »
Et les dons des Juifs de France, seront-ils visés eux aussi ?
Derrière les grandes manœuvres diplomatiques, une inquiétude sourde grandit chez de nombreux Juifs de la diaspora, en particulier en France.
Nombreux sont ceux qui, chaque année, soutiennent Israël à travers des dons à des yeshivot, des centres éducatifs, des projets agricoles, ou encore des associations sociales.
Mais dans ce nouveau climat de défiance institutionnelle, une question se pose : qui décidera de la couleur politique d’un don ?
Comment l’État israélien distinguera-t-il un financement “de gauche” suspect d’un soutien “de droite” considéré comme loyal ?
Le risque est réel que des philanthropes sincèrement engagés soient happés malgré eux dans cette guerre idéologique.
Et si un organisme français subventionne une œuvre israélienne qui s’avère, un jour, critiquer une politique du gouvernement, devra-t-il s’acquitter de 80 % de taxe ?
Un flou juridique inquiétant plane déjà. Certains craignent que cette loi n’ouvre la porte à des abus, ou pire, à un tri politique sur la générosité juive mondiale. Ce serait là un tournant aussi douloureux qu’historique dans le lien entre Israël et sa diaspora.
Une souveraineté en tension : Israël face à ses choix
En toile de fond, c’est une tension de fond qui ressurgit : celle entre souveraineté nationale et diplomatie d’influence. En cherchant à contenir l’ingérence idéologique étrangère, Israël risque de saper ses propres leviers d’influence à l’international. À l’heure où chaque soutien compte, notamment face aux campagnes de délégitimation, cette loi pourrait s’avérer être un coup de poignard dans le dos des alliés historiques du pays.
« Ce qui est présenté comme une mesure de souveraineté pourrait se transformer en arme à double tranchant. » — Diplomate européen à Jérusalem
Les discussions à la Knesset se poursuivent. Mais le message envoyé est clair : Israël revendique sa liberté politique, quitte à froisser ceux qui ont contribué à bâtir ses ponts diplomatiques. Une ligne rouge est-elle sur le point d’être franchie ?
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