Marine Le Pen bientôt en Israël ? Par Norbert Cohen

C'était l'un des sujets de préoccupation majeurs des invités du banquet annuel du journal fascisant Rivarol, le 9 avril à Paris, en présence de Jean-Marie Le Pen et Robert Faurisson, principal « historien » négationniste français, plusieurs fois condamné pour incitation à la haine. Les « félonnes » Marine et Marion Maréchal-Le Pen, qui ont « trahi » leur père et grand-père, fondateur du FN, vont-elles se rendre prochainement en Israël ?

Pour les lecteurs de Rivarol, la question est cruciale, dans la mesure où un antisémitisme pétainiste et ordurier occupe l'essentiel des pages de ce « torchon », pour reprendre l'expression de Marine Le Pen elle-même.

La présidente du parti d'extrême droite pense que la fameuse dédiabolisation du mouvement passe avant tout par un rapprochement nécessaire avec la communauté juive et par un voyage en Israël qui scellerait symboliquement cette « réconciliation ».

Un projet pas vraiment électoraliste, puisque les Juifs ne représentent qu'à peine 1 % des votants. Et s'il est vrai que certains, notamment dans le Midi, sont tentés par le FN, il s'agit d'une petite minorité... dans la minorité. Qu'est-ce qui motive donc Marine Le Pen ?

Réponse : ses vieux réflexes hérités d'une éducation antisémite. Elle attribue aux Juifs de ce pays un pouvoir exorbitant et fantasmé qui ne correspond à aucune réalité.

Sa nièce, Marion, obéit à la même logique. Elle s'est servie récemment de l'avocat et député du Gard Gilbert Collard pour entrer en contact avec le Likoud, afin que le parti de Benjamin Netanyahou l'invite en Israël.

Il faut préciser que ce ténor du barreau est, lui, sincèrement philosémite. C'est une exception au FN. Il n'en est d'ailleurs pas membre, mais leader d'une organisation satellite plus modérée, le Rassemblement bleu Marine.

Collard habite avenue Niel, au coeur du 17ème arrondissement parisien, où les Juifs sont en nombre exponentiel. Il entretiendrait les meilleures relations du monde avec son voisin de l'étage du dessus, un vice-président du CRIF dont on taira le nom.

C'est pourtant le CRIF qui a empêché le séjour en Israël de Marion Maréchal-Le Pen que l'élu du Gard a tenté de préparer en janvier, puis en se rendant discrètement en Terre Sainte début avril.

Le Likoud était prêt à accueillir la plus jeune députée de l'Assemblée, mais le CRIF s'y est formellement opposé.

Cela prouve que l'institution reste lucide sur la vraie nature du Front, même si quelques-uns de ses membres éprouvent une indulgence certaine pour le parti d'extrême droite, « rempart » supposé contre l'islamisation de la société.

Or, Jérusalem a une politique constante : le pays n'accueille que les responsables politiques adoubés ou tolérés par les communautés juives locales.

Si l'une d'entre elles - en l'occurrence, la communauté juive de France, par la voix du CRIF - considère que Marion Maréchal-Le Pen défend des idées incompatibles avec les intérêts juifs, alors il n'est pas question qu'elle foule le sol israélien. La nièce du « menhir » est une catholique traditionaliste qui s'inscrit clairement dans le sillage de l'extrême droite maurrassienne, ennemie de toujours du judaïsme. Elle prétend être « le meilleur bouclier pour les personnes portant la kippa » contre les islamo-gauchistes, mais les observateurs avertis ne sont pas dupes.

Le cas de Louis Aliot, qui a un grand-père juif, est différent. Compagnon de Marine Le Pen, il est déjà allé en Israël, sans tapage. Ce dernier n'est pas député. L'impact médiatique de la visite n'est donc pas le même que s'il s'agissait de Marion Maréchal-Le Pen.

Toujours est-il que Marine Le Pen ne supporte pas l'idée que sa nièce et rivale potentielle Marion se rende en Israël avant elle. Quand elle a appris que Gilbert Collard avait tenté d'organiser ce voyage, elle a piqué une colère et demandé à l'avocat de repartir à l'assaut du Likoud et surtout du CRIF pour qu'elle puisse enfin être déclarée elle-même persona grata dans l'Etat juif.

Ses appuis officieux sont Gilles-William Goldnadel, avocat et militant sioniste très à droite, Eric Zemmour, polémiste juif radicalement « souverainiste », et certains responsables de la Ligue de défense juive (LDJ).

Gilles William Goldnadel, avocat à la cour de Paris

Goldnadel estime qu'empêcher le voyage en question « est une connerie » du CRIF. Il n'a jamais dit qu'il était favorable au Front (même s'il tutoie Marine Le Pen, selon un témoin crédible qui les a vus ensemble dans les studios d'une radio nationale), mais il est très proche de Paul-Marie Coûteaux, ex-frontiste et toujours royaliste attaché à la vieille Action française antisémite, dont il ne manque aucun dîner.

Goldnadel et Coûteaux ont table ouverte sur les ondes de la fréquence d'extrême droite Radio Courtoisie.

Quant à la Ligue de défense juive, qui a obtenu le soutien de Marine Le Pen (opposée publiquement à son interdiction), elle entretient quelques passerelles avec le Front. Lorsque le parti a changé d'avocat, en janvier 2015, il a recruté David Dassa, ancien militant du Betar (jeunes sionistes de droite) et ex-conseil de la LDJ.

Philippe Pétinque, intime de la présidente du FN, a noué de son côté des liens étroits avec Eliahou Nataf, pilier de la LDJ. Enfin, Michel Thooris, syndicaliste policier et sympathisant de la même LDJ, est souvent présenté comme « le Juif » du Front national.