Entretien avec Salomé Lelouch pour sa pièce le Mariage de Monsieur Weissman

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Entretien avec Salomé Lelouch pour Alliance par Laurent Bartoleschi

Le Mariage de Monsieur Weissman se joue actuellement au Théâtre de la Bruyère.
Librement adapté du roman Interdit de Karine Tuil, Salomé Lelouch met en scène cet homme sans cesse à la recherche de son identité, où il ne lui reste plus que son nom afin d'affirmer sa judéité aux regards d'autrui.

Toute sa famille ayant été déportée dans les camps, comment prouver à un grand Rabbin et à sa future femme que l'on est juif?

Le doute s'installe alors. Des interrogations interviennent: comment suis-je perçu? Qui suis-je? Quel sera mon destin? Aucun temps mort dans la pièce, Salomé Lelouch prouve qu'elle est un grand metteur en scène de théâtre.

Ce Mariage prend des allures d'une histoire juive, telle que Woody Allen ou Philip Roth auraient aimé raconter.
Aussi, y aurait-il un effet miroir entre Monsieur Weissman et Salomé?  Elle nous répond :
L.B: Dans votre pièce, au personnage principal, Monsieur Weissman donc, il ne lui reste plus que son nom comme trace de judéité; visiblement, être juif, ça à l'air d'être compliqué.

Salomé Lelouch: C'est surtout compliqué de ne pas savoir qui l'on est vraiment. Comme le répète régulièrement Karine Tuil, il y a ce fantasme chez les juifs de ne pas l'être, d'être différent, voire d'être assimilé.

Le sujet de la pièce revient, surtout, de voir comment les autres nous voient.
Et comment réagissons-nous face à ce regard.
Autour de ce thème, la judéité, il y a le moyen d'en parler avec beaucoup d'humour. Franchement je n'aurais pas aimé réaliser une pièce mettant en scène une religion dure.
La quête identitaire avec l'humour juif permet une plus haute légèreté. En tout cas, Je pourrais être l'inverse de Monsieur Weissman qui, lui, comme moi avons un nom à consonance juif, certes. Lui est juif, moi pas.

L.B: Alors, que représente à vos yeux le judaïsme?

Salomé Lelouch: Je me souviens de cette fois, à l'âge de six ans, où mon père - Claude Lelouch-m'offrit cette Étoile de David. Je m'étais sentie comme toute terrorisée, puisque pour moi – et de surcroît, dans ma petite tête d'enfant - être juif faisait référence aux films sur la déportation. Du coup, je la cachais, j'avais ce refus catégorique de devoir la porter, de peur de me faire arrêter par des nazis, ce qui était évidemment ridicule comme pensée!
Voilà ce que c'est que de vivre cinématographiquement (rires)!

L.B: Et aujourd'hui?

Salomé Lelouch: Ce que j'aime par-dessus tout dans le judaïsme, c'est que cette religion n'est pas prosélyte. Ça me plaît bien, ça me rassure.
Evidemment, je ne connaîtrai jamais ce que c'est que de naitre juive. La religion est rentrée tard dans ma vie, par une volonté où, j'ai cherché moi-même, où je me suis posé certaines questions liées à mes origines. Par conséquent la démarche est différente. Ayant ces racines, l'Histoire m'intéresse. Il ne faut pas se leurrer, je me sens plus israélite que suédoise. On tente avec cette pièce, de donner une signification à la question: c'est quoi qu'être juif?

L.B: Il y a au sein de la pièce plusieurs petites répliques qui titillent l'esprit – D'ieu n'est pas venu à Auschwitz, pourquoi viendrait il à mon mariage?, Alzheimer, la pire maladie pour un juif,… Comment réagit votre public?

Salomé Lelouch: Très bien; et je suis contente d'avoir réussie ce pari de l'humour. Maintenant, on m'a fait remarquer à juste titre, que durant la pièce, certaines personnes se sentent comme mal à l'aise suite à l'écoute de certaines phrases. Elles ne savent pas si elles doivent rire ou pas. De peur d'être catalogués d'antisémites, elles s'exclament par une petite toux. Je les trouve, un peu suspect (Rires).

L.B: Comment l'expliquez-vous?

Salomé Lelouch: Dans le contexte actuel, on ne peut pas se permettre de dire n'importe quoi. J'ai l'impression que tout commence avec la peur des mots. Et la peur de ne pas pouvoir dire n'importe quoi. Comme le souligne Karine Tuil dans son livre, j'aime l'idée d'un pays où l'on peut rire de tout, y compris de sa religion.

L.B: Toutes ces répliques sont issues du livre Interdit de Karine Tuil? En avez-vous rajouté?

Salomé Lelouch: Il y en a certaines qui ont été rajoutées, en effet. Tout comme des scènes. Notez que l'idée des personnages du Juif et du non Juif sont totalement personnelle. Par contre, je ne les ai pas mises dans l'ordre du roman. Ma pièce est toute un agencement de répliques et de scènes à ma sauce; même si tout ce que raconte Karine est magnifique!

L.B: Comment s'est passée cette rencontre?

Salomé Lelouch: Tout avait débuté par un coup de cœur évident du livre de Karine; c'était d'ailleurs son mari qui me l'avait offert. Dès la première lecture notamment la scène du rabbin, je trouvais cela complètement théâtrale.
Au fil de ma lecture je "voyais" tout: les personnages, les décors,… Bref, je voyais une pièce. C'est à ce moment que je décidai de contacter Karine, afin de lui soumettre mon souhait à adapter son roman. Elle m'a laissé libre cours à l'adaptation. Aussi, l'a t-elle validé rapidement.C'est tellement rare et je la remercie encore aujourd'hui.
Pour ne rien vous cacher lors de la première, le regard des professionnels m'importait peu, seul, le sien représentait le plus. Non seulement elle a aimé, mais aujourd'hui, elle soutient la pièce au maximum, notamment lors de ses interviews! Elle est déjà venue la voir cinq fois!

L.B: Le théâtre, le théâtre, vous en êtes aujourd'hui à votre dixième mise en scène, le cinéma ne vous tente pas?

Salomé Lelouch: J'ai arrêté d'être comédienne très jeune pour me consacrer au théâtre. La raison en est simple c'est que j'aime les mots et l'écriture. Personnellement je ne suis pas patiente du tout: monter une pièce peut prendre deux ans, alors qu'un film, quatre! Le tempo d'une réalisation au cinéma risque de me lasser du sujet. Et puis le théâtre, comme la littérature, demande plus d'imagination au spectateur, alors que dans un film, tout est imposé.

Laurent Bartoleschi

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