Louis Theroux et les Israéliens de Judée-Samarie : un documentaire entre tensions et vérités

Le 26 avril 2025, la BBC a diffusé The Settlers, un documentaire dirigé par le journaliste britannique Louis Theroux. Ce film d’une heure plonge au cœur de la vie d’Israéliens installés dans les territoires de Judée-Samarie, souvent appelés Cisjordanie, dans un contexte de fortes tensions. À travers une immersion sans fard, Theroux tente de comprendre les motivations de ces familles juives, soutenues par l’actuel gouvernement israélien, qui choisissent de vivre dans ces zones délaissées par la communauté internationale mais chargées d’histoire juive.

Une démarche identitaire et spirituelle

Louis Theroux déploie sa méthode bien connue : une attitude faussement neutre qui pousse ses interlocuteurs à se livrer en profondeur. Il donne ainsi la parole à des figures centrales de cette implantation israélienne, comme Daniella Weiss, militante historique, qui déclare avoir recruté près de 800 familles prêtes à s’installer dans la bande de Gaza si l’occasion leur était donnée.

Loin de l'image caricaturale souvent renvoyée par les médias, ces Israéliens s’engagent avec un idéal : être les pionniers d’une revivification juive dans des villes autrefois juives, aujourd’hui peuplées majoritairement par des Arabes. Ils y voient une mission sacrée, une continuité historique et une façon de renouer avec leur identité profonde.

Un film dans un contexte de guerre et d’incompréhension

Diffusé quelques mois après les massacres du 7 octobre 2023 perpétrés par le Hamas, le documentaire suscite l’intérêt par le choix de Theroux de traiter un sujet aussi inflammable dans un climat international hostile à la politique israélienne.
Le film montre comment certains de ces Israéliens vivent au quotidien sous la menace constante, dans des zones où les agressions sont fréquentes et les tensions électriques. Ils ne sont pas des provocateurs, mais des familles juives qui assument le risque de redonner une présence juive à des territoires où vécurent leurs ancêtres.

Entre polarisation et ouverture

Dans le film, Theroux suit également Ari Abramowitz, un Israélien américain, qui parle de sa foi, de sa mission et de l’avenir du peuple juif. Il donne également la parole à Issa Amro, activiste palestinien, permettant au spectateur de comprendre les deux visions opposées de la même terre. Toutefois, l’accent est mis sur la radicalisation des discours et la responsabilité croissante des pouvoirs publics dans cette escalade. Le documentaire reste honnête dans sa volonté d’observer sans trancher, même si le regard de Theroux est parfois teinté de scepticisme.

Témoignages israéliens : foi, histoire et sécurité

Daniella Weiss, figure emblématique du mouvement israélien en Judée-Samarie, exprime sa détermination : « Ce que j’ai en tête tout le temps, c’est comment amener plus de gens à s’installer sur cette terre. C’est un nouveau développement par les Juifs » .

Ari Abramowitz, un Israélien originaire du Texas, affirme : « Ce sont des Arabes, pas des Palestiniens… Et je me fiche que ces implantations soient légales selon la loi. Ici, en Judée, certaines choses transcendent les caprices de la législation [israélienne] » .

Malkiel Bar Hai, fondateur d’une implantation, déclare : « Le nom ancien de la Cisjordanie est ‘Judée’, ce qui signifie ‘appartient aux Juifs’… L’histoire dit que cela appartient à Israël » .

Voix palestiniennes : quotidien sous pression

Issa Amro, activiste palestinien, guide Theroux à travers Hébron, illustrant les restrictions imposées aux Palestiniens. Il résume la situation : « [Les Israéliens] ne nous considèrent pas comme des êtres humains égaux méritant les mêmes droits qu’eux, c’est aussi simple que cela » .

Lors de la récolte des olives, des Palestiniens sont empêchés par des soldats israéliens de cueillir des arbres qu’ils exploitent depuis des années, mettant en lumière les tensions quotidiennes et les défis auxquels ils sont confrontés .

Ces témoignages, bien que divergents, offrent un aperçu des motivations et des réalités vécues par les Israéliens et les Palestiniens en Judée-Samarie, soulignant la complexité du conflit et la nécessité d’une compréhension approfondie des perspectives de chacun.

Réactions israéliennes et juives : entre colère et reconnaissance

Dans la communauté israélienne, les réactions sont vives. Beaucoup estiment que le documentaire, tout en exposant certaines vérités, tombe dans le piège d’une mise en scène orientée. Des médias comme le Jewish Chronicle ont critiqué une représentation univoque des Israéliens de Judée-Samarie, sans assez contextualiser les raisons historiques, religieuses et de sécurité qui poussent ces familles à vivre dans ces zones.

Cependant, d’autres voix saluent le courage de Theroux d’avoir montré la parole juive dans sa diversité, de ne pas avoir coupé les témoignages, et d’avoir filmé la peur, la foi et l’espoir qui animent ces Israéliens. Dans un monde médiatique souvent biaisé, The Settlers offre un espace, certes imparfait, mais réel, pour entendre la voix de ceux qu’on appelle « extrémistes » sans jamais chercher à comprendre leur humanité.

En abordant le sujet complexe des implantations israéliennes, Louis Theroux réalise un documentaire à la fois sobre et puissant. Il donne à voir une réalité souvent occultée, celle d’Israéliens qui, au péril de leur vie, reconstruisent une présence juive dans des lieux bibliques et stratégiques. Un film qui ne laisse pas indifférent et qui ouvre une nécessaire réflexion sur le droit des Juifs à vivre sur leur terre ancestrale, même lorsqu’elle est contestée.

Qui est Louis Theroux ? Un regard britannique, pas toujours lucide

Louis Theroux, journaliste star de la BBC, est connu pour ses documentaires immersifs sur les marginaux et les controversés. Il n’est ni antisémite ni explicitement anti-israélien, mais son regard reste profondément occidental, sceptique face aux convictions religieuses ou nationales fortes. Déjà auteur en 2011 d’un documentaire sur les « ultra-sionistes », il est souvent accusé de choisir les Juifs les plus clivants pour nourrir le malaise du spectateur. Plus qu’un ennemi, Theroux est un miroir critique : parfois honnête, souvent biaisé, toujours extérieur.