Le “loup solitaire” méthodique, le Judaïsme et ce qu’il donne de plus pur à la nation : ses enfants gisants, aux côtés de l’élite de l’armée française.
C’est la consternation et l’effroi, ce matin, aux alentours de l’école juive d’Ozar Hatorah, en plein cœur du quartier Bonnefoy, à Toulouse : selon un modus operandi très similaire à d’autres crimes de sang-froid, un homme casqué et vêtu de noir, dans la tradition des escadrons de la mort, a pris pour cible un Rabbin père de famille, -ayant vécu en Israël jusqu’à l’an dernier- ses deux enfants de 6 et 3 ans, un autre enfant, qu’il est allé achever d’une balle dans la tête, après lui avoir tiré dans le dos et grièvement blessé un adolescent de 17 ans, devant l’enceinte même de cette école. Avec le calme caractéristique du tueur professionnel, il est descendu de son scooter et a poursuivi ses victimes de choix à l’intérieur même de l’établissement, tirant sur toute âme qui vive.
D’après les quelques éléments d’enquête mis à disposition de la presse, la probabilité est forte qu’il s’agisse bien du même homme, qui a sévi dans la région, à Montauban, cette fois, contre des parachutistes du 17è Régiment du Génie Parachutiste… A moins que l’assassin de Montauban n’ait déjà fait un émule ou dispose de complicités. C’est, en tout cas, le même type d’armes et de balles de 9 mm. et 11.43, caractéristiques du grand banditisme, qui ont été utilisés, dans le cas des 4 parachutistes, dont un à Toulouse, dimanche en huit, puis 3 à Montauban, devant un distributeur de billets, jeudi dernier, avant de faire 4 nouvelles victimes juives, dans la même Ville Rose. Des enfants témoins, sous le choc, évoquent, un scooter noir ou blanc, laissant place au doute. Une traque internet redouble celle entreprise sur le terrain, puisque, si c’est bien le même, il aurait pris contact avec l’une des victimes de Montauban, qui vendait sa moto Suzuki 650-Bandit. Une buraliste montalbanaise a aussi identifié un tatouage sur son visage, au moment où la visière de son casque était remontée.
Plusieurs hypothèses circulent, concernant les mobiles de ce (voire de ces) assassin(s). L’une de celles qui ne peut, en aucun cas, être écartée, à ce stade, est celle de l’extrémisme jihadiste : une partie des militaires de Montauban est stationnée en Afghanistan. Les secondes cibles de cet homme ont toutes les caractéristiques de l’attentat terroriste, en lien avec la situation au Moyen-Orient, en plus de son caractère explicitement antisémite et (ou parce qu’) infanticide.
Si le lien entre les trois affaires est établi, on voit mal, en effet, quel autre motif pourrait lier dans la tragédie : les hommes servant la France contre les Taliban et la communauté juive. La froideur de son comportement laisse envisager qu’il ne s’agit pas seulement d’actes « fanatiques » -au sens du passage à l’acte sous l’empire de la pulsion-, mais très largement prémédités et parfaitement maîtrisés, jusqu’à achever ses victimes, avant de s’exfiltrer de la (ou/et des) scènes de crime. Cette machine à tuer ne ressent ni empathie ni doute sur le but exterminateur de la mission qu’il s’est ou qu’on lui a assignée.
Le profil du « loup solitaire », s’il se donne des motifs idéologiques, croise celui du sociopathe qui se sent désigné par les pensées courantes et « normalisées » d’une société donnée : à savoir que certains de ses éléments ou strates sociales refusent d’intégrer et de partager les mêmes normes que le plus grand nombre. Ce qui, pour un esprit dérangé par tout ce qui ne s’identifie pas au modèle prescrit, a vocation de les désigner comme cibles à éliminer. Les troupes d’élite françaises sont envoyées combattre à l’étranger ; les petits enfants juifs peuvent constituer des « corps étrangers » dans la vision rudimentaire de l’ordre social de ce genre de malades de surinterprétation de la norme.
Malgré tous les éléments réunis, l’enquête reste floue. Et le « loup solitaire » semble poursuivre sa série de meurtres sans être réellement inquiété, à mesure que la notion de « sécurité du territoire » s’avère plus flottante.
Dans la montée crescendo des périls au plus odieux encore, contre des enfants intégrant leur école au petit matin, l’homme défie les services : il s’assure, d’abord, pouvoir exécuter des soldats d’élite en uniforme, avant de se retourner contre des cibles identifiables pour leur seule appartenance à la communauté juive. Les présumés protecteurs parmi les plus aguerris et les victimes les plus exposées : les enfants marqués du sceau de leur appartenance juive. S’il n’a pas encore suscité l’émulation, son mode de circulation et d’opération démontre à qui voudrait tester les failles d’un dispositif, qu’on peut mener en France - pourtant couverte par « Vigipirate » depuis les années 1996-2000- une série d’attentats ciblés, sans risque d’être interpelé, ni contrecarré dans ses projets, au cours des heures, jours, voire semaines à suivre.
Si on ne peut mettre en cause la détermination des autorités de parvenir rapidement au terme de ces meurtres en série, force est de constater à quel point la parole banalisée et les actes antisémites se fraient aisément un chemin, en France, à la suite du passage à tabac de deux jeunes de 16 ans d’une école Habad, Porte de Bagnolet. Telle devient la norme pour un pays livré à l’arbitraire des bandes issues des « territoires perdus », sinon interdits, de la République. Voilà à quoi peut facilement s’identifier, au choix, le terroriste ne laissant rien au hasard ou/et le psychopathe, ou plutôt les deux en un.
L’émotion et l’état d’urgence nationale sont à leur paroxysme, mais il aura fallu attendre cette triple tragédie pour que la relation s’établisse, entre la mise en danger et en joue du cœur de la nation, 4 de ses soldats, et le massacre d’un enseignant juif et de ses enfants, considérés comme des cibles toutes aussi redoutables. Il y aura, nécessairement, un sursaut. De plus, la campagne électorale bat son plein et ce sera à qui se rapproche plus près d’une communauté, faisant souvent l’objet de critique : pour ses liens viscéraux supposés à Israël ou ses coutumes, comme la casherout, considérée si « archaïque » par le Premier ministre.
On est, aussi, en droit de se demander pourquoi cet appel à la vigilance républicaine n’a pas eu lieu, il y a déjà six ans, lorsqu’Ilan Halimi z’l subissait, durant trois semaines, son calvaire et que la communauté se retrouvait, pour ainsi dire, seule à clamer son indignation dans les rues de Paris. Toutes les mesures de sécurité, les caméras de surveillance ne suffisent pas à dissuader les Barbares en gang ou en scooter, Jihadistes, psychopathes ou les deux à la fois, motivés par un discours légitimant le crime de haine à l’état pur.
La France est en guerre sur divers fronts, mais, jusqu’à ce jour et, une fois le « calme rétabli », l’opinion feindra de ne rien en savoir. La communauté juive, elle, le sait et le crie depuis les années 2000, sans être entendue, sauf lors de crimes aussi effroyables qu’implacables, qui ne traduisent que sa posture de première ligne ou de « canari dans la mine ». Est-ce que des avertissements aussi cinglants des effets terribles de la propagande serviront à mettre en garde les partisans et autres professionnels froids de la « critique » délégitimatrice des Juifs et d’Israël, dans ce pays et en Europe ? Comprendront-ils qu’à chaque fois qu’on mène campagne de boycott, désinvestissement et sanctions contre ce groupe spécifique, sur sa Terre ou ailleurs, c’est, en fait, l’Occident et de sa défense qu’on prend pour cœur de cible ? Tout permet d’en douter, à tel point cette guerre idéologique progresse à un train d’enfer, depuis les années 70, au sein des rédactions des journaux en vue, comme dans les rues, sous les pancartes du MRAP, où l’on peut, tout à son bon droit de l’homme et en toute impunité, hurler « mort aux Juifs ».
Ces enfants juifs, massacrés et achevés d’une balle dans la tête, comme il n’y a pas si longtemps, au bord des fosses communes d’Ukraine ou de Russie, sont, désormais, les gardiens de la conscience de la nation, au même titre que les parachutistes assassinés. Une idéologie mortifère en a fait sa cible privilégiée, jamais totalement exclusive. Il appartient à la communauté juive de France de se poser la question de la sécurité de ses enfants, où qu’ils se trouvent sur un sol qui brûle sous leurs petits pieds, comme pour éveiller une opinion publique généralement indolente. Les risques s’accroissent d’année en année et deviennent un peu plus froids, un peu plus précis envers la vie la plus précieuse : celle chargée de la transmettre en ce qu’elle a de plus pur : l’innocence face au mal absolu…
Ainsi débuta, dans l’effroi, la lecture de Vayikra, en cette année 5772, en la bonne ville de Toulouse…
Marc Brzustowski
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