
Gog et Magog : le scénario biblique qui semble coller à l’Histoire d’Israël
Gog et Magog est l’un des concepts les plus énigmatiques et redoutés de la tradition biblique juive.
On parle ici de la guerre eschatologique ultime, une confrontation titanesque entre Israël et une coalition des nations du monde, précédant la rédemption messianique.
Si le terme ressurgit aujourd’hui dans le débat israélien, c’est que les événements récents – la guerre du 7 octobre, la haine mondiale envers Israël, les résolutions de l’ONU, l’isolement diplomatique croissant – résonnent étrangement avec cette antique prophétie.
Qu’est-ce que Gog et Magog ?
Gog est le nom du chef, et Magog celui de sa nation ou de son territoire. C’est une figure apocalyptique qui apparaît notamment dans Ézéchiel 38–39, dans Zacharie 14, et de manière plus cryptique dans le Talmud et le Zohar.
Dans la Bible hébraïque, Gog est mentionné comme un chef d’armée venant de la région de “Magog”, qui selon Ézéchiel (38:2) se situe :
« au pays de Magog, prince de Rosh, de Méchek et de Toubal »
Ces noms ont été traditionnellement associés à des peuples scythes, caucasiens, voire eurasiens (actuelle Russie méridionale, Asie centrale, voire confins orientaux de l’Europe).
Et si Ézéchiel n’avait rien inventé, mais tout vu d’avance ?
Israël, minuscule État juif au cœur d’un Moyen-Orient déchaîné, encerclé, accusé, menacé d’effacement, continue pourtant de se dresser. Face à lui, un monde qui se coalise avec une célérité et une unanimité presque rituelles.
Et si ce que nous vivons n’était pas une crise parmi tant d’autres, mais l’accomplissement discret mais inexorable d’une vision vieille de deux mille six cents ans ?
Les chapitres 36 à 39 du prophète Ézéchiel, relus à la lumière de l’histoire moderne, de la Shoah au 7 octobre, prennent soudain des allures de miroir tendu à notre époque. Même les athées, en les lisant ligne à ligne, pourraient sentir un léger vertige.
Ézéchiel 38 : la cartographie d’un siège moderne
Ézéchiel, prophète de l’exil babylonien au VIe siècle avant notre ère, n’est pas un rêveur mystique, mais un visionnaire précis. Il décrit, bien avant tout retour d’exil, un futur improbable : celui d’un peuple juif revenu sur sa terre, reconstruit, serein, mais bientôt pris pour cible.
« Je monterai contre un pays de villages ouverts, contre ceux qui sont tranquilles et en sécurité… pour exercer le pillage, pour faire du butin. » (Ez 38:11–12)
Il s’agit d’Israël, revenu de l’exil, réinstallé dans ses terres, sans murailles ni forteresses, et pourtant entouré. Le décor n’a rien d’abstrait. Il ressemble aux lignes de front actuelles. À un État moderne, ouvert, démocratique, pris en étau entre les menaces armées du nord et du sud, l’hostilité idéologique à l’ouest, et les ambitions apocalyptiques à l’est.
Israël aujourd’hui : le texte devient géopolitique
Ce que décrit Ézéchiel n’est pas une invasion militaire brutale mais une convergence hostile, une coalition des nations justifiée non par la conquête, mais par le droit, la morale, la prétendue justice. Le monde, à partir de 2023, semble se réorganiser non autour de ses propres crises, mais autour d’un rejet commun d’Israël.
La Cour pénale internationale, dans un geste inédit, place sur un pied d’égalité les dirigeants d’une démocratie en guerre et les commanditaires d’un massacre.
Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, gangrené par les pires régimes, accumule plus de résolutions contre Israël que contre tous les tyrans de la planète réunis.
Des États européens reconnaissent la Palestine en pleine guerre, à l’instant même où les corps calcinés du 7 octobre crient encore justice.
La flottille Sumud, dernier avatar d’un théâtre militant, quitte les côtes tunisiennes sous couvert d’aide humanitaire, mais embarque avant tout du spectacle idéologique, du symbole médiatique et du ressentiment habillé d’humanisme. Elle vise moins à nourrir Gaza qu’à condamner Israël à la scène. Le théâtre est biblique. Mais inversé.
Au nord, le Hezbollah tire quotidiennement sur le territoire israélien. Au sud, les Houthis. À l’est, l’Iran. À l’ouest, l’Europe “fatiguée” se décharge moralement en promouvant la reconnaissance d’un État inexistant.
C’est une guerre par quadrants. Une guerre d’images, de symboles, de décisions de cour et de conférences d’ONG. Et Israël, seul, doit se justifier d’exister.
Ézéchiel, prophète du retour différé
Lorsque Ézéchiel prophétise, son peuple est exilé à Babylone. Il annonce, contre toute attente, un retour sur la terre d’Israël. Il parle de montagnes à nouveau cultivées, de villes repeuplées, de puits réouverts. Il va jusqu’à prédire une transformation intérieure du peuple, un renouveau spirituel :
« Je vous rassemblerai de toutes les nations, je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau. » (Ez 36:24–26)
Effectivement, les exilés reviennent à Jérusalem sous l’impulsion de Cyrus, et le Second Temple est reconstruit. Mais le souffle promis par le prophète semble retomber. Le retour de Babylone fut fragile, partiel, et bientôt soumis à l’oppression grecque, puis romaine.
Et cette fois, c’est Rome qui détruit Jérusalem. Le Temple est rasé. Le peuple juif, à nouveau, est dispersé.
On pourrait croire que la prophétie d’Ézéchiel s’est effondrée avec la ville sainte.
Mais au contraire : la deuxième destruction n’a pas annulé la prophétie — elle l’a reportée. Comme si elle n’avait pas encore trouvé son heure. Comme si elle exigeait un exil plus long, une dévastation plus radicale, une dispersion plus totale… pour que son accomplissement soit d’autant plus éclatant.
La prophétie suspendue : un code à retardement
C’est ce retard prophétique, cette surimpression historique, qui rend le texte encore plus troublant aujourd’hui. Car les versets d’Ézéchiel, relus depuis 1948, prennent un sens qu’aucun retour de Babylone n’a jamais incarné.
Le seul moment de l’histoire juive où cette vision trouve une correspondance presque littérale, c’est notre époque. Le vrai accomplissement d’Ézéchiel ne commence pas avec le retour de l’exil babylonien, mais avec le retour post-Shoah.
Ce peuple a été détruit deux fois, mais il est revenu une troisième fois. Et cette fois, c’est un retour définitif. Non pas symbolique, mais concret. Une langue ressuscitée. Une armée. Une souveraineté. Des frontières. Une capitale. Un sol. Une mémoire.
La vision des ossements desséchés dans le chapitre 37, longtemps incomprise, devient soudain une métaphore insoutenablement précise : des corps sans chair, des numéros sur la peau, des fantômes sortis des camps — et pourtant, une renaissance.
« Voici, je vais ouvrir vos tombeaux, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël. » (Ez 37:12)
Et après la résurrection… l’assaut
Mais Ézéchiel ne s’arrête pas là. À peine le peuple revenu sur sa terre, à peine les ossements relevés, surgit une autre vision, plus sombre, plus globale : Gog et Magog.
Le lien est clair, implacable : le retour du peuple juif sur sa terre précède la dernière grande crise de l’histoire. Le prophète décrit la renaissance nationale, puis l’encerclement. La reconstruction de Jérusalem, puis la tentative d’anéantissement. La vulnérabilité apparente d’Israël, puis son salut.
Le silence de Dieu : une absence ou un prélude ?
Ézéchiel annonce pourtant un retournement brutal. Gog, le chef des nations coalisées, ne triomphe pas. Dieu intervient Lui-même. Pas dans un geste mystique ou poétique, mais dans un dérèglement du monde, une panique géopolitique, une fragmentation soudaine de l’alliance. Les nations coalisées s’effondrent de l’intérieur.
« Je manifesterai ma grandeur et ma sainteté. Je me ferai connaître aux yeux de toutes les nations, et elles sauront que Je suis l’Éternel. » (Ez 38:23)
C’est une scène de chaos – pas de triomphe. Une scène de dévoilement – pas de miracle kitsch. Un monde qui se croyait souverain, juste, organisé, qui bascule dans une perte de contrôle.
Et Israël, survivant malgré lui.
La Shoah avait déjà préparé ce genre de renversement. Le 7 octobre aussi. Chaque drame contre le peuple juif semble accoucher d’un retournement imprévu, d’une renaissance. Le peuple qui devait disparaître redevient central.
Une guerre eschatologique sans drapeaux mais non sans victimes
Le Talmud, dans le traité Sanhédrin, évoque Gog et Magog comme un processus, un ensemble de crises interconnectées qui précèdent une forme de basculement historique.
Il n’y a pas de date, pas d’uniforme. Seulement une montée du chaos, une perte des repères moraux, une inversion des récits. Exactement ce que nous vivons.
Aujourd’hui, ce ne sont plus les épées qui s’entrechoquent, mais les hashtags. Ce ne sont plus les chars qui encerclent Jérusalem, mais les articles, les éditoriaux, les procès en génocide intentés à ceux qui survivront. Israël ne combat pas seulement à Gaza. Il combat dans les universités, dans les tribunaux internationaux, dans les réseaux sociaux, dans les rédactions occidentales. C’est une guerre d’effacement. Une guerre d’existentialité.
Une question qui défie la raison moderne
Comment un prophète de l’exil, sans cartes, sans satellites, sans information sur l’histoire à venir, a-t-il pu prévoir qu’un peuple mort ressusciterait, qu’il serait reconstruit sur sa terre, puis accusé, encerclé, diabolisé, avant d’être, une nouvelle fois, sauvé par un retournement imprévu ?
La coïncidence défie la statistique. Le texte, loin de la fable, prend des allures de code.
Et si Gog et Magog n’étaient pas une métaphore ?
Ce ne sont pas les croyants qui posent cette question aujourd’hui. Ce sont les analystes, les géopoliticiens, les juristes internationaux, incapables d’expliquer comment le seul État juif au monde est devenu la seule obsession mondiale. Le problème n’est pas religieux. Il est rationnel.
La Torah, relue sans préjugé, ressemble alors moins à une mythologie qu’à une carte à retardement, dont les éléments s’activent un à un.
La question que même les athées doivent affronter
Et si nous étions, sans le savoir, dans un chapitre d’Ézéchiel ? Et si Gog et Magog n’étaient pas une fable, mais une mise en garde, un cycle qui revient tant que le monde refuse une vérité fondamentale : Israël n’est pas un accident de l’histoire, mais le nœud de sa logique ?
Et si, cette fois, l’intervention divine ne devait pas venir d’en haut… mais émerger d’Israël lui-même, par sa résilience, sa vérité, sa mémoire et sa capacité à porter ce que le monde ne veut plus voir.
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