Lydie Levine

Comédienne jusqu’à la naissance de ses deux filles (14 et 28 mois), Lydie Levine écrit pour les mensuels ISRAËL MAGAZINE (Lydie Turkfeld) et EVE : elle y anime les rubriques Littérature et Cinéma, y réalise des interviews de personnalités du monde politique / artistique / scientifique et des articles sur les créateurs d’entreprise, les associations, l’univers de l’enfance et celui des « aînés ».


Détaillée :

Comédienne jusqu’à la naissance de ses deux filles (14 et 28 mois), Lydie Levine a joué au théâtre (Le Malade Imaginaire ; Le Médecin malgré lui ; des comédies contemporaines et de nombreux spectacles Jeune Public), pour le cinéma/la télévision (L’Orpheline avec en plus un bras en moins ; Brigade Spéciale ; sketchs pour Groland) et a enregistré de nombreuses « voix » (pub, doublage, contes audio pour enfants).
Elle écrit maintenant pour Alliance, Israêl Magazine et EVE, y animant les rubriques Littérature et Cinéma, y réalisant des interviews de personnalités du monde politique / artistique / scientifique et des articles sur les créateurs d’entreprise, les associations, l’univers de l’enfance et celui des « aînés ».

Les articles de Lydie Levine

Interview exclusive : Gilbert Montagné, le talent au service du cœur. de Lydie Levine pour Alliance

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            Interview exclusive : Gilbert Montagné, le talent au service du cœur.

A quelques jours de son concert exceptionnel à Tel Aviv*, ALLIANCE a pu s’entretenir avec l’interprète - auteur et/ou compositeur, de The Fool, On va s’aimer… notamment : artiste généreux et homme engagé, Gilbert Montagné est avant tout un être authentique qui célèbre la vie avec ardeur, en dépit des difficultés et des épreuves…

A l’image du peuple juif, auquel il est inconditionnellement attaché.

Alliance - Revenons tout d’abord sur les circonstances de votre naissance : dès le départ, votre existence a pris un caractère exceptionnel…

Gilbert Montagné : Ah ça c’est certain ! Je suis un bébé prématuré de 950 grammes, né à 5 mois et demi… Je suis venu au monde dans le petit appartement qu’occupaient mes parents, rue des Pyrénées dans le 20ème arrondissement de Paris ; par chance un médecin, vivant aussi dans l’immeuble, m’a prodigué les premiers soins. Persuadé que j’allais « m’éteindre comme une petite chandelle », il a néanmoins appelé une ambulance : le véhicule a mis 45 minutes pour arriver et, à l’hôpital de secteur, on ne pouvait me prendre en charge. On m’a donc transféré au centre de soins des prématurés de Port-Royal, où je suis resté trois mois et demi en couveuse. Malheureusement, l’air saturé en oxygène, a brûlé mes nerfs optiques…

Plus le temps passe, plus j’ai l’impression d’avoir choisi de « rester », à cette période ; je ne l’ai pas regretté une seule seconde !  

Alliance :La manière dont votre maman, Jeanne Kalfon, a traversé la guerre, est également singulière… 

Gilbert Montagné : Maman est venue d’Algérie en 1925. Pendant la guerre, lorsque la situation s’est aggravée, mon père – non-Juif originaire de l’Allier-, a dissuadé son épouse d’aller chercher l’étoile et de se faire recenser : il lui a alors avoué qu’il avait été marié à une autre femme, dont il n’avait toujours pas divorcé. Comme il avait conservé leur livret de mariage, ma mère s’est présentée à la mairie en prétendant avoir perdu sa carte d’identité, et a demandé qu’on lui en établisse une nouvelle, au nom de la première épouse de son mari…

Alliance -  Vous évoquez les destins croisés de Jeanne Kalfon –votre maman- et de Jeanne Pobel –la première femme de votre père-, dans le récit J’ai toujours su que c’était toi [Calmann-Lévy ; 2011]…

Gilbert Montagné - La suite de l’histoire est presque aussi incroyable ! Dans les années 2000, alors que je n’avais jamais recherché cette femme –persuadé qu’elle aurait pris contact avec moi si elle avait été encore en vie-, des amis m’ont suggéré de tenter de la retrouver. Incrédule, j’ai fait une première tentative ; à la seconde, une dame de 90 ans a éclaté en sanglots au téléphone en me disant : « Quand je te voyais à la télévision, j’étais sûre que c’était toi et qu’un jour, tu m’appellerais »… 

J’ai voulu écrire ce livre car les choses les plus improbables, dans le bien, peuvent aussi arriver : il faut croire au bonheur.

Alliance - Venons-en à la chanson. Après avoir enregistré un premier 45 tours –à l’âge de 16 ans-, vous avez fait un long séjour aux Etats-Unis : le rythme et la couleur de vos chansons, y sont-ils liés ?

Gilbert Montagné - J’avais toujours été très attiré par cette musique américaine qu’on avait tant de difficultés à entendre, en France… J’achetais des imports**, j’écoutais les radios anglaises (qu’on captait très mal) : quand je suis allé aux Etats-Unis, j’ai eu le sentiment que mon rêve devenait réalité…

Alliance  - Quelles rencontres artistiques marquantes, avez-vous faites ?

Gilbert Montagné - Pour moi, en France, il y a eu Johnny Halliday ; et Ray Charles bien sûr. Il m’a ouvert les portes du possible… Ray Charles a été la deuxième personne, non-voyante -après Louis Braille, l’inventeur de notre belle écriture-, à être respectée dans le monde entier. On a eu un contact très chaleureux, très proche…

J’ai aussi rencontré Stevie Wonder !

Alliance -  Vous qui faites partie des artistes dont on peut immédiatement fredonner plusieurs titres, comment définissez-vous une « bonne chanson » ?

Gilbert Montagné - Pour moi, une « bonne chanson » est quelque chose que l’on a écrit avec son cœur et dont le révélateur –comme pour une photo-, est le public. Entendre quelqu’un, dans la rue, siffler une mélodie que l’on a composée, c’est tout simplement merveilleux… Je ne me suis jamais lassé de cette expérience.

Alliance - Comment expliquez-vous l’immense affection que le public vous témoigne ?

Gilbert Montagné : Déjà, j’en remercie le Ciel chaque jour. J’essaie de ne rien faire de superficiel… Et puis, j’aime aller vers les gens, c’est ma façon de communiquer : depuis tout petit, je sais que, si je ne vais pas vers les autres, eux ne viendront pas vers moi…

Alliance - Dans le processus de création, croyez-vous que l’artiste intervienne « seul » ou bien qu’il y ait « quelque chose » d’inexplicable ?

Gilbert Montagné : Je crois que composer, c’est recevoir un toc toc toc sur la porte de son esprit, qui est envoyé du Ciel ou… je ne sais pas…

On doit s’inspirer de tout, du bruit d’une portière de voiture qui claque –avec la note précise correspondante-, d’un grincement ; mon premier hit, The Fool, venait d’un chant d’oiseau…

Alliance - Quelles sont les chansons dont vous êtes le plus fier ?

Gilbert Montagné - Ce ne sont pas forcément les plus grands succès. J’aime particulièrement Vivre en couleurs: elle n’a pas été « numéro 1 » mais, lorsque les gens la chantent avec moi en concert, ça me bouleverse...

Alliance - Vous vous êtes adapté à l’évolution de l’industrie musicale et proposez vos albums  en téléchargement payant. Croyez-vous qu’à terme, les artistes puissent continuer à vivre de leur musique ?

Gilbert Montagné - Il est vrai qu’il faut savoir muter, ça va très vite… Je pense que tout ce que l’on a connu jusqu’à présent, deviendra différent : la télévision « passive » par exemple, appartient déjà presque au passé. Pour la musique c’est pareil : on ne veut plus attendre pour acheter une chanson, on veut l’avoir tout de suite. Je suis aussi comme ça ! Mais le téléchargement illégal s’apparente au vol : ce n’est pas parce que, dans la vie, on a la possibilité de mal se conduire, qu’il faut le faire.

Alliance - Dirigeons-nous vers Israël. Le 14 août prochain, vous serez en concert à Tel Aviv : ce sera la deuxième fois que vous vous y produirez…

Gilbert Montagné - Exactement et ce qui est incroyable, c’est que, la première fois, c’était pendant la seconde guerre du Liban, en 2006. Quand je suis arrivé, le conflit venait de s’achever ; je suis certain qu’il en sera de même cette fois***.

J’ai hâte de retrouver le public israélien, à qui j’ai envie de dire : « Venez fêter avec moi le renouveau et une paix, plus durable ».

Alliance - Que représente Israël, pour vous ?

Gilbert Montagné - L’affirmation, concrète, de l’appartenance à l’une de mes deux racines. Maman m’a offert la judéité en cadeau ; mais elle avait subi le traumatisme de la guerre. Les nazis et la France collaboratrice avaient fait naître une chape de plomb, psychologique : on ne parlait pas, c’était difficile à dévoiler…

C’est aussi ce qui me plaît en Israël, on sait « où l’on est ». 

Alliance - Qu'admirez-vous particulièrement chez les Israéliens ?

Gilbert Montagné - Cette puissance du vouloir et leur croyance en la force de l'être humain…

Alliance - Evoquons les événements récents. L'opération "Bordure protectrice", a été très critiquée par les medias occidentaux. Croyez-vous que son déclenchement, ait néanmoins constitué l'unique option envisageable ?

Gilbert Montagné - Vu ce qui c'était passé précédemment -je veux dire le nombre de roquettes envoyées sur Israël depuis des semaines-, il est évident qu'il fallait intervenir.

Alliance - Vous parliez de « paix durable » : selon vous, comment pourra-t-elle, enfin, s'établir dans cette région ? 

Gilbert Montagné - Il faut tout simplement que les deux parties du conflit, comprennent que la seule issue victorieuse est la paix « réelle » pour les peuples.

Alliance - Revenons à la France. Comment avez-vous perçu les actes et manifestations antisémites de ces dernières semaines ?

Gilbert Montagné -Ce qui s’est passé, est très grave. Sans aucune paranoïa, il faut toutefois savoir interpréter les signes. Cela n’a rien à voir mais, pendant la dernière guerre, s’il y a eu autant de morts c’est parce que les gens n’ont pas voulu voir les signes… L’Histoire ne se répète jamais à l’identique mais certaines choses peuvent revenir : la plus extrême vigilance est requise, avec la force intérieure de savoir qui nous sommes.

Alliance  -Avez-vous déjà envisagé de faire votre alya ?

Gilbert Montagné -Cette question fait partie de l'intime, cela m'appartient uniquement…

Alliance - Quelques mots sur votre engagement, indéfectible, en faveur d’une meilleure insertion des personnes handicapées - et notamment des non-voyants -, dans la société.  Quelles grandes avancées peut-on saluer et que faudrait-il améliorer, le plus rapidement possible ?

Gilbert Montagné - Il y a eu une réelle –et vaste- prise de conscience mais l’accessibilité doit encore être développée : dès que l’on a « fait quelque chose » pour rendre un endroit accessible aux personnes en fauteuil, on croit que tous les problèmes sont réglés ! Mais les non-voyants ont besoin d’identification sonore pour savoir où ils sont, les feux de signalisation sonores doivent être généralisés… Concrètement, la vocalisation des DAB –à laquelle j’ai beaucoup œuvré-, constitue un véritable progrès : il y en a maintenant des milliers en France. L’audio-description des programmes télévisés –que l’on espère pouvoir amener dans les cinémas-, représente aussi une étape importante. 

Alliance - Vous avez prolongé cet engagement en vous impliquant politiquement (soutien à Nicolas Sarkozy en 2007 ; deux missions sur l’intégration des personnes non-voyantes, confiées par Xavier Bertrand ; candidature aux élections régionales de 2010, dans l’Allier) : souhaitez-vous continuer à vous investir de façon directe ?

Gilbert Montagné - Je n’ai pas de plan de carrière dans ce domaine. Je fais les choses au feeling, à l’instinct : l’avenir nous le dira.

Alliance - Avant de conclure, pouvez-vous nous dévoiler quelques-uns de vos projets artistiques ?

Gilbert Montagné - J’achève la préparation d’un nouvel album, qui devrait sortir début 2015. Et il est probable que je collabore avec un ou deux artistes israéliens : j’aime beaucoup Moshé Peretz… et Idan Raichel, que j’ai eu le plaisir de rencontrer à plusieurs reprises…

Alliance - Dernière question, en mode selfie 😉 Quelle question Gilbert Montagné a-t-il envie de poser à… Gilbert Montagné ?

Gilbert Montagné - Est-ce que tu crois au pouvoir de chaque individu d’apporter du bien dans ce monde ?

Gilbert Montagné - Absolument car nous sommes tous différents et importants. Nous ne sommes pas spectateurs, nous sommes totalement acteurs : il faut impérativement croire en notre propre force et la mettre au service du bien.

D’une conversation avec Gilbert Montagné, on sort « différent » : l’homme –tout comme l’artiste, sur scène-, fait davantage que de transmettre son amour de la vie et son incroyable énergie ; il les partage pleinement. Son don –dans tous les sens du terme-, est absolu. Comme sa passion de l’être humain.  A Tel Aviv le 14 août prochain, le public assistera à un véritable feu d’artifices musical, dont l’intensité dissipera enfin le fracas des événements récents…

Emotion et vibrations, garanties 😉 Sans oublier la JOIE !!!

 

Lydie Levine pour Alliance      

 

 

 

* Gilbert Montagné, en concert le 14 août à 20h : Heichal Hatarbut Mann Auditorium - Tel Aviv. Renseignements/réservations : www.israstage.com. Il : 03 602 36 19. Fr : 01 83 64 75 20.

** Imports : disques étrangers qu’on ne trouvait que chez certains disquaires spécialisés. 

*** Entretien réalisé avant le retrait des forces terrestres de Tsahal, de la bande de Gaza.