Article d'Elsa Vigoureux paru dans le Nouvel Observateur
Tout début janvier 2006, Youssouf Fofana a envoyé Alexandra S. chez Jimmy Douieb, à Antony. Où ce dernier vit alors avec son père dans une belle maison, avec un studio d'enregistrement. Alexandra S. sonne chez eux, Jimmy n'est pas là. Fofana lui dit d'y retourner, avec cette fois pour mission d'entraîner le père, Mickaël D. Elle le harcèle au téléphone. Elle invente qu'elle veut devenir chanteuse, qu'elle a besoin de le voir, lui parler. Mickaël D. finit par accepter. Alexandra S. lui donne rendez-vous le 6 janvier 2006 à la gare de RER d'Arcueil-Cachan. Ils s'en vont boire un coup dans Paris, à Saint-Germain des Prés. Elle lui demande de la raccompagner, insiste. Il cède, la suit jusque dans un hall d'immeuble, où des ombres fondent sur lui. On le frappe, on l'insulte, on le menotte. Pas loin de là, au même moment, une camionnette brûle. C'est exprès, pour faire diversion, pour occuper la police.
Ce mercredi matin, les enquêteurs sont venus exposer le détail de leur enquête de téléphonie. Sur laquelle ils se fondent pour affirmer que les accusés étaient sur les lieux de l'agression de Mickaël D. Certains téléphones étaient effectivement éteints, ce que les enquêteurs présentent comme des signes que les accusés tenaient à ne pas être repérés. Mais d'autres portables étaient seulement inactifs. Des éléments un peu techniques, voire compliqués, mais d'importance. Car rien n'indiquerait avec certitude que c'est pour ne pas être repérés que les accusés étaient injoignables. Et la preuve absolue de leur présence sur place n'est donc toujours pas établie.
L'après-midi, Mickaël D. est venu à la barre témoigner de cette tentative d'enlèvement, son agression. Il a dit à peu près les mêmes choses que celles confiées au journal Le Parisien, la veille. Sauf qu'il y évoquait un fusil, et qu'à l'audience, il a concédé que c'était une erreur, il n'y avait pas de fusil. Détail. Et puis Mickaël D. s'est tourné vers le box des accusés, il les a tous regardés. il était plein de ressentiment. Il a dit que c'était « le procès des lâches », de ceux qui savaient mais qui n'ont rien dit, alors qu'Ilan mourait lentement. « A les écouter aujourd'hui, ce sont tous des anges », a-t-il ajouté.
Plus tard dans la soirée, l'avocat général Philippe Bilger a demandé à un policier si les interpellations s'étaient bien passées dans l'affaire Mickaël D. Et si les violences policières sont de coutume dans ce genre de situation. Parce que, la veille, certains avocats avaient évoqué des coups portés aux accusés lors de leur garde à vue. L'avocat de Francis N'G., maître Pierre Degoul, a demandé à ce que les photos des gardés à vue soient montrées aux jurés. La présidente, qui voulait remettre ça à plus tard, a accepté, convenant qu'il serait déplacé d'aborder la question des violences subies par les accusés au même moment que celles de l'enlèvement et la séquestration d'Ilan Halimi.
Quant à Youssouf Fofana, il n'a rien dit ce mercredi. Il s'est contenté de faire comme d'habitude, lire par-dessus les épaules des avocats installés légèrement en-dessous de lui. Le soir, il a rejoint sa cellule, l'isolement, le même depuis trois ans. La cour fait le pont, pas d'audience avant lundi. Youssouf Fofana a quatre jours devant lui, il va regarder la télé, se renseigner sur ce qu'on dit de lui. Il parait qu'il aimerait bien savoir si on parle de lui dans les médias arabes.
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