LES JUIFS DANS L'YONNE par Frédric Viey
Géographie des Communautés Juives de l'Yonne
1°) Axe Nord/Sud
2°) Axe Nord/Est
Les taxes imposées aux Juifs de France du Nord.
Des Censives
Des Tailles et des rouelles
Quelques dates Des Prêts
Disputation du Talmud
Des foires en Champagne
Des Juifs en Champagne
Parmi les grands maîtres champenois au XIIè, XIIIè et XIVè siècle, outre Rachi
Les Tossafot et la vigne.
Les Takkanot
Des Communautés et des Hommes
Sens
Un Hérem Communautaire
Les Tossafistes à Sens
Des actes financiers à Sens
Des Convertis
Les Cahorsins
Villeneuve (le-Roi)-sur-Yonne
Joigny
Des Juifs en Bourgogne
Auxerre
En 1182, 1196 et 1197 des chartes montrent des Juifs établis aux environs de Tonnerre.
Après la Révolution.
Les Javal à Vauluisant
Quelques noms
Le Département de l'Yonne a été constitué après la Révolution française, il réunit certaines villes de Champagne et de Bourgogne.
L'histoire des Communautés Juives dans ces deux provinces trouve aujourd'hui sa place dans celle de l'Yonne.
Dans l'Europe chrétienne trois phénomènes fondamentaux fixèrent la société au Moyen Age: la féodalité, l'émergence de la monarchie et les croisades.
Le domaine royal ne s'étendait que sur l'Ile-de-France, l'Orléanais et quelques seigneuries du Nord alors que par exemple le grand fief du Comte de Blois comprenait le Comté de Troyes, c'est-à-dire la Champagne avec plus de deux mille vassaux directs; un véritable état féodal.
Il en fut de même en Bourgogne.
C'est dans ces états féodaux que le Judaïsme médiéval champenois et bourguignon atteignit sa maturité au XI et XIIème siècle.
Géographie des Communautés Juives de l'Yonne Champagne/Bourgogne Au Moyen-Age les Communautés Juives s'étaient implantées dans les grandes villes situées au bord des fleuves.
C'est aux intersections des grands itinéraires, à proximité des appontements, qu'apparaîtront les groupes juifs les plus importants.
En France du Nord, la Communauté juive la plus réputée à cette époque, outre celle de Paris, était celle de Troyes où Rachi, savant de grand renom, fonda une Yéchiva; une école Talmudique.
Pour atteindre Troyes à partir de Paris il y avait deux axes tant routier que fluvial:
1°) Axe Nord/Sud: Paris, Corbeil, Melun, Montereau, Sens, Villeneuve-sur-Yonne, Joigny, Briennon, Saint-Florentin, Ervy, Chaource et Troyes.
De Troyes, les Juifs pouvaient se rendre en Alsace, en Franche-Comté et en Savoie.
- De Corbeil le voyageur pouvait rejoindre les Communautés Juives d'Etampes et d'Orléans et se rendre ensuite dans tout l'Orléanais, la Touraine, l'Anjou ou remonter sur la Bretagne.
- De Sens, les marchands pouvaient prendre la route de Troyes en passant par Villeneuve-l'Archevêque, Bray-sur-Seine, Aix-sur-Othon, Nogent-sur-Seine, etc...
Les voies navigables amenaient jusqu'à Bar-sur-Aube, à Ramrupt, à Dampierre, à L'huître jusqu'à Troyes...
- De Sens, il est possible de se rendre à Courtenay, à Ferrières-en-Gâtinais ou à Montargis.
- De Joigny, ils pouvaient se rendre à Auxerre, à Chablis, à Vermenton, à Vézelay, à Avallon et de là prendre la route du Morvan et de l'Auvergne par Clamecy et Nevers.
2°) Axe Nord/Est: Paris, Meaux, Château-Thierry, Epernay, Reims.
Des routes à partir de Meaux menaient à Coulommiers, Provins,
Les structures des Communautés Juives dans la France Médiévale.
Les Communautés Juives en France et plus particulièrement en Bourgogne et en Champagne au Moyen Age étaient situées dans des villes longeant un cours d'eau.
Le quartier juif étaient le plus souvent intra-muros dans la ville basse et se groupait autour de :
- la synagogue
- l'école
- le bain rituel
- le four pour la cuisson des pains azymes
- la boucherie (abattage rituel = Kasher)
- la vigne
- le Cimetière (qui se trouvait à l'intérieur ou à l'extérieur de la ville).
- le Hekdech. (l'hospice)
Le Hekdech.
L'hospice qui servait d'hôtel pour les hôtes de passage et d'hôpital en cas de nécessité s'appelait en hébreu: Hekdech.
Cet hospice médiéval servait aux malades incurables et aux voyageurs étrangers, aux pèlerins en étape et en escale.
Il est difficile de préciser proportionnellement et historiquement ce qui, dans son étymologie de "sacré" (hekdech: consécration) l'assimilait aux oeuvres ou aux destinations sacro-saintes, inviolables et intangibles, comme ce qui appartient exclusivement à Dieu.
Il est certain que cette institution des oeuvres, des fonds et des immeubles consacrés a existé chez les Juifs depuis la plus haute antiquité.
la Bible ne raconte-elle pas que le roi Uziya, malade de la lèpre, s'isola dans un "noscocomium".
Quelques léproseries et maladreries entouraient les Communautés Juives de l'Yonne.
Une Communauté juive est composée d'au moins dix hommes et adolescents âgés de plus de treize ans.
C'est-à-dire un groupe de dix hommes majeurs pouvant se réunir pour lire la Thora (Loi).
Dans certaines Communautés, il a été d'usage d'agréger au miniyan un enfant mineur qui tenait dans ses mains un Pentateuque, l'ensemble formant une entité majeure.
A la tête de la Communauté se tenaient les "Parnassim", "syndics" ou autrement appelés les "Shiva Tové-Ha'ir", ''les Sept Bons de la Ville''.
Les Parnassim administraient les affaires communes et pouvaient se constituer en tribunal.
Les règles de la Communauté (Takkanot) étaient édictées selon les décisions des grands sages d'Israël.
Les administrateurs de la Communauté fondaient leur autorité sur cinq principes:
1) Le Herem Bet Din (Excommunication par Justice); qui permettait de juger les membre et le cas échéant de les frapper d'excommunication,
2) le Herem ha Iqul; qui contraignait le dépositaire à restituer un bien confié;
3) le Hezkat Ha Yischouv (accord de la Communauté); droit de résider dans l'agglomération donné par la Communauté des Juifs déjà installée sur place,
4) le Herem ha Yischouv (Excommunication de la Communauté); excommunication contre toute personne qui désirerait s'établir sans autorisation de la Communauté,
5) la possibilité d'interrompre la prière publique pour accélérer le cours de la Justice communautaire.
Les taxes imposées aux Juifs de France du Nord.
Dans la dernières moitié du XIVème siècle les registres du trésor font ressortir la perception d'une partie de l'impôt des Juifs.
Ils sont appelés "Introïtus sive exemptorum Judeorum", il semble que ces registres permettaient d'enregistrer les juifs ayant acquitté péage et partant exempts car les sommes ne dépassaient pas vingt francs.
Différents documents font état des débiteurs des Juifs, qu'ils soient de famille royale, de nobles, de soldats ou de simples bourgeois.
En matière de créance, Roger Kohn propose pour un certain nombre de cas, la solution suivante: "Trois bourgeois, deux de Paris et l'autre d'Auxerre cotoyent des marchands italien - il n'est pas sûr qu'ils soient des débiteurs, ils pourraient être des créanciers rivaux intéressés au même débiteur - et de gens de métiers: un boucher, un aumussier....."
A la fin du XIVème siècle, les noms des collecteurs des Juifs pour le Trésor Royal étaient: Vivant de Montréal de 1383 à 1387, Léonnet de Seneu de 1385 à 1388, Moreau du Port, Léonnet de Baynes Isaac Cristofle et de 1389 à 1394.
Benion de Salins a rempli seul cette fonction.
Benion de Salins a longtemps habité Montereau avant de partir résider à Paris, fin mars 1395 il versera encore trente deux livres parisis au Trésor.
Emile Lévy fait état de la présence de plusieurs juifs dans l Yonne notamment à St- Florentin, arrondissement d Auxerre; à St-George-sur-Yonne, canton d Auxerre; à Avallon, à Cens (Sens)et à Nuilley (Neuilly).
Les Juifs, admis à résider dans le Comté de Bar, devaient payer annuellement la censive, le droit de résidence dans cette Province.
Une étude sur la "Contribution à l histoire des Juifs en France sous Philippe-le-Bel" évoque la répartition des juifs à l époque de ce roi de France.
Ce travail est basé sur quatre sujets:
1.Les localités du domaine royal ou rattachées à l administration royale.
2.Certaines localités groupant des Communautés Juives; un rôle d imposition en témoigne, d'autres ne comptent que quelques individus parfois un seul
3.Lorsque la localité est donnée comme lieu d origine d un juif, est il légitime de la faire figurer sur la liste? Elle peut fort bien, suite à une expulsion locale ou d un départ volontaire, ne plus comprendre de juifs.
4.Une localité apparaissant une fois dans les comptes royaux peut ne plus apparaître après une autre liste.
Dès 1285, Philippe-le-Bel réclama des Juifs de Champagne comme don de joyeux
avènement: 25.000 livres.
1288 une nouvelle taille leur fut imposée.
1291: nouvelle taille
1293: la taille
1296: la taille
1298: elle est augmentée d'une subvention du quatorzième
1299, 1300 et 1301 elle fut encore perçue.
Dans les registres royaux, en ce qui concerne l Yonne, on trouve en 1298 et 1299, les localités suivantes:
Avallon: 1 juif (origine)
Sens: 1 juif
Un sergent du Châtelet, Robert Hobe, qui, en 1298, était fermier des rouelles des Juifs de Champagne, remplissait les mêmes fonctions que Daniel le Breton mais seulement pour les juifs de Champagne.
Les notaires et tabellions du Royaume furent obligés de dresser les actes des Juifs lorsqu'ils en étaient requis.
Toutes les fois que les Israélites jugèrent nécessaire de lever des fonds sur leur communauté, ils purent nommer un ou deux commissaires dans chaque ville pour imposer les tailles et en percevoir le montant.
Ceux qui refusaient de payer devaient être contraint par la justice.
Les Rois de France furent de plus en plus avides et établirent sur les Juifs de véritables contributions.
Il en coûta vingt cinq mille livres aux Juifs de Champagne pour satisfaire en 1284 Philippe-le-Bel quand il prit possession du Comté de Champagne et par la suite Philippe-le-Long exigea cent mille livres des Juifs de ses domaines sous un prétexte semblable en taxant également les Juifs de Paris et de Navarre.
Dans les Revenus tirés des Juifs dans le domaine royal, L. Lazard reprend l ordonnance de 1288 où il est fait état que dans chaque bailliage on trouvait un ou des juifs qui versaient entre les mains des fonctionnaires royaux le produit des tailles de la baille.
Pour la Champagne, Joucet de Pontoise (comptes 1299-1300 n°8 et 102) et Vivant de Troyes (compte 1298-99 n° 1 et 9) furent les percepteurs juifs devant les officiers royaux.
En 1364, Manassé de Vesoul fut nommé commissaire des Juifs pour le Nord de la France.
Le sceau de la prévôté de la Ville d'Auxerre est appendu à un acte passé le 28 octobre 1376.
Le tabellion enregistrait alors la reconnaissance de dette de Jehan de Marcenac, un juif converti, et de sa femme Delinette, qui fut autorisée à signer l'acte "de l'auctorité, gré et volonté et consentement dudit Jehan, son mary".
Ce couple reconnaissait ensemble et pour chacun pour soi devoir quatre cents "florins francs et d'or et de bons pois de coing du roi" de monnaie présente, c'est à savoir francs d'or pour vint sols tournois.
Les créanciers étaient deux Juifs, Salomon de Vesoul et Abraham du Pont.
Les débiteurs s'engageaient sur leurs corps et sur leurs biens à défaut de payement; ils engageaient leurs héritiers, promettaient de ne pas faire opposition à un porteur de lettres obligatoires ou à un procureur des Juifs, de ne pas invoquer des excemptions soit d'église, soit de droit civil, telles celle en faveur des femmes.
Cet acte est authentifié devant le tabellion-juré par le garde du sceau de la prévôté d'Auxerre.
(AN. JJ 112.134r-135r n° 245).
Le premier des grands débats sur le Talmud, qui vont égrener les siècles, eut lieu en 1240.
Nicolas Donin, un juif converti de La Rochelle qui avait fait l'objet d'un "Herem" (excommunication majeure), se rendit auprès du Pape Grégoire IX et lui décrivit les "horreurs" que contenait la littérature rabbinique.
Le Pape envoya aux Evêques et aux Souverains de l'Occident une lettre dans laquelle il demandait de saisir tous les livres Juifs.
Le Pape découvrait que les juifs ne se contentaient pas de la Bible mais disposaient également d'un corpus de textes religieux tendant à expliquer l'Ecriture Sainte.
Ce n'est qu'en France où la demande de Grégoire IX fut satisfaite.
Le Samedi 3 mars 1240, les livres des Juifs furent confisqués et les autorités organisèrent une disputation solennelle qui n'était en fait que le procès du Talmud.
Le 25 Juin 1240 se tint à Paris un colloque sur les écrits talmudiques au Palais du Roi, sous la Présidence de Blanche de Castille.
L'accusation était soutenue par Nicolas Donin, les Juges étaient:
Gauthier de Cornut, Archevêque de Sens
Guillaume, Evêque de Paris
Geoffroy de Belleville, chapelain du Roi
Odo de Châteauroux, chancelier de l'Université et également Evêque de Senlis.
Et les défenseurs
Judah ben David de Melun (Chef de l'Ecole Rabbinique de Melun et Maître de Meïr de Rothenburg)
Samuel ben Salomon de Château-Thierry, connu également sous le nom de Sir Morel.
Moïse de Coucy, né à Coucy prés de Soissons,
Yéhiel de Paris, Chef de l'Ecole Académique Talmudique de Paris.
Yéhiel de Paris a laissé un compte-rendu de cette disputation sous le titre de "Vikuakh" et précisait: "Que nous reprochez vous donc pour nous avoir convoqués ici et pour combattre notre Loi et nous dresser contre nos âmes? C'est à cause de ce malandrin qui a attiré sur nous des malheurs - mais c'est en vain qu'il s'est torturé l'esprit, car nous mourrons pour elle (la Torah): celui qui y touche, touche à la prunelle de nos yeux.....
Voici que nos corps sont entre vos mains, mais non point nos âmes et vous pourrez éliminer la Torah que dans votre royaume".
Le Talmud fut finalement condamné à être brûlé.
En 1242, Louis IX ordonna un autodafé et vingt quatre charretées de manuscrits hébraïques furent livrées aux flammes en Place de Grève à Paris.
Sous l'impulsion de ses comtes, la Champagne a connu un essor économique remarquable; elles attiraient marchands et changeurs.
En effet les foires de Champagne et de Brie ont joué un rôle considérable dans le développement du commerce de la France et de l'Etranger.
Elles étaient au nombre de six; qui, du commencement de l'année jusqu'à la fin, et se tenaient chacune pendant six semaines environ à Lagny-sur-Marne, à Bar-sur-Aube, à Provins et à Troyes.
Les foires de la Saint-Jean à Provins et celles de la Saint-Rémy étaient les plus réputées.
Ces foires furent une source d'abondance et de prospérité pour les champenois.
Ces foires avaient une administration particulière: Garde des foires, Baillis, Notaires, Prévôts, Sergents, Chancelier (garde du sceau des foires) et les engagements pris aux foires faisaient loi.
Ces grands marchés occupaient à Troyes le quartier Saint-Jean-au-Marché, qui au début n'était pas bâti.
Les changeurs installés dans des logettes avec table, tapis, balances, étaient des Lombards, des Cahorsins et des Juifs.
Le négoce se faisait sur toutes sortes de marchandises qui provenaient de la Champagne elle-même, des provinces françaises et de l'étranger.
Dans la région champenoise régnait une activité remarquable, les centres industriels étaient nombreux et chacun avait sa fabrication particulière: draps de Provins, de Troyes, de Lagny, de Reims ou de Châlons, futaines de Bar-sur-Aube, gris d'Arcis ou serge et étamine de Reims.
Cette effervescence en Champagne attira relativement très tôt de nombreuses Communautés Juives.
Au XIIIème siècle, les Juifs vivaient partout dans cette province et particulièrement à Troyes, Reims, Sens, Provins, Bray-sur-Seine, Châlons-sur-Marne, Epernay et Château-Thierry.
Les Grands Centres d'Etudes Juives de Champagne furent: Troyes, Dampierre, Ramrupt, Sens etc...
Dès 279, il y aurait eu une colonie importante de Juifs à Vitry-en-Perthois.
L'auteur des "Fragments sur Vitry" prétend qu'ils établirent dans cette région avant l'établissement du christianisme.
Vitry aurait renfermé deux temples; l'un païen et une synagogue.
D'autres historiens signalent la présence de Juifs dans les Gaules vers 136 de l'ère chrétienne.
Au Xè siècle on trouve des juifs dans tous les comptoirs, dans toutes les grandes foires, exploitant le domaine commercial et déployant une grande activité industrielle.
La Champagne a donné un grand nombre de savants juifs dont la plupart ont participé à certains synodes ou conciles qui permirent le remaniements des "Anciennes règles pour l'Etudes de la Torah" compilées dans le Talmud.
Les Tossafistes (Auteurs d'addition) ajoutèrent de nouveaux commentaires ou réserves à l'exégèse de Rachi sur le Talmud de Babylone.
Parmi les grands maîtres champenois au XIIè, XIIIè et XIVè siècle, outre Rachi, il faut compter:
- Joseph Ben Samuel dit Tobelem.
Autorité rabbinique majeur de France et poète.
- Jacob Ben Samson, (début du XIIème siècle). Disciple de Rachi.
- Rachbam: Samuel ben Meir dit (1080-1171). Exégète de la Bible et du Talmud et Tosafiste.
Petit-fils de Rachi, ses commentaires jouissent toujours d'une grande
réputation, en particulier celui sur le Traité "Bava Batra" du Talmud Babli.
- Rabbénou Tam. Rabbi Yaacov ben Meïr, surnommé Tam (le Parfait). Né vers 1100
et décédé en 1171, ce Tosafiste français fut l'un des plus importants de son temps.
Petit-fils de Rachi, on lui doit la matière principale des Tossafot du Talmud de
Babylone, ainsi qu'une somme le "Responsa", réunies dans le Sefer Hayachar (le
livre du Juste).
- Abraham le Prosélyte (XII siècle). Originaire de Hongrie. Converti au Judaïsme, il
fut un disciple de Rabbénou Tam.
- Békhor Schor ou Joseph Ben Isaac. Exégète du Talmud, poète et tossafiste, il vécut
dans le Nord de la France notamment à Orléans et fut un disciple de RabbénouTam.
- Elhanan ben Isaac de Dampierre (décédé en 1184). Tosafiste français, il subit le
martyr dans des circonstances mal connues.
- Isaac Ben Samuel de Dampierre dit Ri (décédé en 1185). Tosafiste, neveu et
disciple de Rabbénou Tam. Il fut l'un des grandes figures en Halakha du Judaïsme
du Nord de la France et de l'Allemagne. Il enseigna dans l'école talmudique de
cette ville.
- Isaac Ben Abraham de Dampierre, dit le Jeune. Fils de Ri, il dirigea l'école locale
jusqu'au début du XIIIème siècle. Il entretint une correspondance avec Meir Ben
Todros Abulafia de Toléde et son enterrement fut décrit par Rabbi Perez de Corbeil.
- Jacob ben Ascher (environ 1270-1340). Autorité décisionnaire, fils et disciple de R.
Acher ben Yéhiel. Il est l'auteur de "Arba Tourim" (les quatre colonnes).
- Moïse Ben Jacob de Coucy (XIIIème siècle). Tosafiste et prédicateur, il ramena, par
milliers, les Juifs d'Espagne au repentir et prit part à la disputation de Paris sur le
Talmud contre Nicolas Donin, en 1240. Son oeuvre maîtresse est le Sefer Mitsvot
- Gadol (SEMAG). Ce livre codifie la loi orale en s'appuyant sur le Michné Torah de
Maïmonide
- Yéhiel Ben Joseph de Paris (décédé en 1265): Talmudiste et tossafiste français, il fut l'un des
principaux protagonistes de la Disputation de Paris en 1240.
Il s'exila à Saint-Jean-d'Acre où il fonda une école talmudique.
- Estori Ha Parhi, écrivit dans son "Livre du bouton et de la fleur" (Sefer Kaftor wa-Ferah):
Je rappelerais aussi la date de la ruine du petit temple,
la ruine des collège et synagogue de France et de la marche provençal survenue en mon temps".
Estori (Isaac Ben Moïse) Ha-Parhi ou Farhi, né en 1280 dans le Midi et mort vers 1355, voyagea
en Palestine. Elève de Jacob ben Makhir Ibn Tibbon, il fut géographe et médecin.
Parmi les écoles rabbiniques de Champagne, Rabbi Gershom cite celles de Provins, Sens, Bray-sur-Seine, Bar-sur-Aube, Joigny, Mussy-sur-Seine qui ne sont pourtant pas attestées comme telles avec certitude mais des rabbins de renom furent originaires de ces localités. Rabbin Gershom dénombre soixante douze savant et rabbins champenois. D'après une notice d'origine française, vers 1150: "Les savants de Troyes, d'Auxerre, de Reims, de Paris et de ses environs, de Lyon, etc., et les grands de Lotharingie" sont sur la même ligne. En effet, la Champagne va être le centre nerveux du développement des sciences rabbiniques. La pratique du Judaïsme sera le principal caractère enseigné dans les principales écoles rabbiniques (tossafistes) de la Champagne entre le Xè et la fin du XIVè siècle. A la mort de Rachi (le 20 Tamouz 4865, juin-juillet 1105), de nombreux centres d'enseignement supérieur s'étaient formés à Ramrupt, à L'huître, à Sens, à Melun, à Meaux, etc... Rachi maria ses trois filles à trois savants réputés, ses petits enfants furent: Rabbi Samuel ben Meïr (Raschbam), R. Isaac ben Meïr et R. Jacob ben Meïr, plus connu sous le nom de Rabbénou Tam (Notre Maître l intègre). Meschulam ben Nathan, né à Narbonne en 1120, s'établit à Melun et entretint une correspondance avec Jacob ben Meïr Tam avec qui il était en conflit; son petit fils sera Nathan ben Joseph l'Official de Sens. Les célèbres savants de l'époque des tossaphistes furent: Isaac ben Joseph de Corbeil, mort en 1280, gendre de Yéhiel de Paris; il fut l'élève de Samuel d'Evreux et maître de Perez ben Elia de Corbeil, Joseph ben Isaac Bekhor Shor d'Orléans; qui vécut dans le nord de la France au XIIème siècle; Yéhiel de Paris également appelé Sire Vives; né à Meaux, mort vers 1260, il vécut à Paris puis émigra en Palestine. Il fut l'élève de Juda ben Isaac (Sire Léon de Paris) et dirigea la Haute Ecole Talmudique de Paris puis de Saint Jean d'Acre. Il défendit le Talmud lors de la disputation de 1240 face à Nicolas Donin; Jacob de Paris; seconde moitié du XIIIème siècle, Elève à Paris de Yéhiel qui l'envoya vers 1258 en Palestine recueillir des fonds pour son école; etc.... Parmi les contemporains des petits fils de Rachi, M.A. Gerson dans son livre: "Les Juifs en Champagne" a recensé tous les rabbins et les savants originaires de la Champagne, pour l'Yonne, il fit ressortir:
· R. Simson, à Sens, élève de Rabbénou Tam. · R. Siméon ben Nathaniel à Sens, élève de
Rabbénou Tam · R. Isaac ben Salomon, de Sens · R. Yom-Tov à Joigny ·
·R. Isaac ben Yom-Tov, de Joigny· R. Simson ben Yom-Tov, de Joigny· R. Joseph ben Yom-Tov, de JoignyRabbi Isaac Ben Ochaya,
petit fils du célèbre R. Menahem de Joigny vivait à Troyes au temps de Rabbénou Tam.
Au déclin des Académies de Troyes et de Ramrupt, les Tossafistes s'efforcèrent de continuer à Dampierre les traditions de l'école de Rachi.
Rabbi Isaac ben Samuel l'Ancien plus communément connu sous le nom de Ri, petit fils de Rachi, se plaça à la tête de cette nouvelle académie talmudique. Parmi ses disciples, on distingue: R. Juda, de Paris; R. Baruch b. Isaac, de Worms; R. Yéhuda b. Samuel "le Pieux", (ha khassid); R. Simson, de Sens, et son frère R. Isaac ben Abraham connu sous le nom d'Isaac le Jeune (ha Bakhoukh). A la mort de R. Isaac ben Samuel, R. Isaac ben Abraham (Riba) fut reconnu chef de l'Académie de Dampierre. R. Isaac ben Abraham a composé des tossafot sur divers traités du Talmud et mourut à Dampierre en 1210. Son frère, le célèbre rabbin Simson, de Sens; son neveu, R. Jacob b. Meir de Provins, et son ami R. Tobia, de Vienne, en Dauphiné, assistèrent à son enterrement.
Jusqu'au XIè siècle les juifs ne se spécialisent pas dans telle ou telle activité professionnelle. Ils sont actifs dans l'agriculture et dans l'artisanat. L'historien Gilbert Dahan dans son article "Rachi, un juif de France" fait état de plusieurs ''Techouvot'' (ordonnances ou consultations) sur le Vin et précise non seulement que Rachi avait possédé des vignes mais que "Durant tout le Moyen Age, en effet on connaît des vignerons juifs: les règles de surveillance du vin "kacher" imposaient cela, ou, du moins les choses devaient elle facilités dans ces conditions". En Champagne comme en Bourgogne, nous connaissons un nombre important de vignerons juifs notamment une femme viticultrice à Troyes; une certaine Léa qui semble être une parente de Rachi. B. Blumenkranz a écrit un article très détaillé sur les Cultivateurs et vignerons juifs en Bourgogne du IX au XIè siècle. A partir du XIIème siècle, les juifs vont être attirés par les fonctions commerciales et le commerce de l'argent, participant ainsi à leur mesure à la mutation de l'économie occidentale qui s'accomplira à partir du XIIè siècle. Les différents conciles catholiques vont cantonner petit à petit les juifs dans le domaine de l'argent puisque la prohibition de l'usure était faite aux chrétiens. Pourtant l'économie féodale nécessitait une intense circulation des espèces, impliquant des opérations de crédits.
Au cours des différents synodes, les savants juifs vont édicter des règles de conduite autour de la vie Juive. Le non respect de ses règles entraînera différentes sanctions dont les plus graves seront le Herem Beith Din (Excommunication du Tribunal) et le Herem Ha Yischouv (l'Excommunication de la Communauté). Parmi ses sentences, on trouve les takkanot (Ordonnances) suivantes: Ordonnance protégeant les locataires juifs, ordonnance contre l'insulte aux convertis repentants, ordonnance protégeant les lettres privées, ordonnances sur les lois du mariages, ordonnance contre la polygamie, compilation sur le divorce, ordonnances civiles de Rabbi Gershom etc...
Ce qui est aujourd'hui le département de l'Yonne a tenu une position très importante dans l'histoire de la France tant au niveau de la fixation de la Royauté que par sa position forte pour l'Eglise. Hugues Capet entama progressivement la conquête et l'agrandissement du Royaume franc. Les différentes alliances ou traités des Rois, soit avec les Comtes de Champagne et les Ducs de Bourgogne, vont permettre au monarque de réunir sous son autorité un territoire de plus en plus vaste. Dans l'Yonne, les Juifs furent sous l'autorité de la Champagne, de la Bourgogne et du Roi. La Communauté Juive la plus importante de cette région étudiée fut celle de Sens.
Agedincum Senonensium ou "Civitas Senonum" ou simplement Senones en Latin. En vieux français Sanz, Sans ou Sens. Chef-lieu d'arrondissement du département de l'Yonne. La ville fut la métropole de Senones et longtemps Paris ne fut qu'un évêché dépendant de Sens. De là sa richesse en monuments: sa cathédrale, le Palais de l'Officialité, l'Archevéché, l'Eglise Saint-Savinien, l'église Saint-Maurice, l'église Saint-Jean et l'église Saint-Pierre-le-Rond. Sens, capitale des Senones, fut d'abord concentrée dans ce qui est devenu le faubourg d'Yonne. Elle fut sous les romains la capitale de la IVème Lyonnaise qui forma la province ecclésiastique de Sens. Sens se réclame d'origine apostolique avec Saint-Savinien; Saint-Loup en fut évêque au début du VIIème siècle. La ville fut soumise à des Comtes héréditaires depuis Charles le Chauve et le Comté fut réuni à la couronne en 1055. Sens obtint en 1146 une charte communale. L'existence d'une communauté juive à Sens est attestée dès le VIème siècle; puisqu'à cette époque, comme cela ressort des arrêtés des Conciles hostiles aux Juifs et des tentatives de conversion imposées par les rois mérovingiens, des Juifs se trouvaient en très grand nombre, non seulement dans les villes du Midi mais aussi dans celle du nord de la Gaule. Un document daté du IXè siècle atteste d'un séjour de Juifs à Sens. Selon la Chronique d'Odoran, Anségise, archevêque de Sens, primat de l'Eglise de toute la Gaule, expulsa les Juifs de cette ville: "Ansegisus, postquam primatum totius Galiae obtinuit, et superna moderatione secundus Papa appellari meruit, Judaeos certa de causa et moniales ab urbe Senonica expulit, et ne ulterius in ea habitaculum manendi haberent, sub anathematis jugulo interdixit." Est-ce à cause de l'invasion normande de 876 que les Juifs furent expulsés de Sens? Toujours est-il que l'archevêque portait alors le titre de Vicomte de Sens et exerçait le pouvoir souverain sur la ville. En 1012, Renaut, Comte de Sens, converti au Judaïsme, ordonna à tous les siens de l'appeler "Roi des Juifs". D'après D'Arbois de Jubainville dans son "Histoire des Comtes de Champagne", en 1015 Rainard ou Renaut II, Comte de Sens, aimait les juifs et leurs coutumes au point qu'on l'avait surnommé le Roi des Juifs. Gérard Nahon dans son article sur les "Communautés Juives de la Champagne Médiévale" précise: "Il semble que les Juifs de Champagne aient bénéficié d'un traitement de faveur, particulièrement à Sens où le Comte Renaud II aimait tant les pratiques juives qu'il se faisait saluer du titre de "Roi des Juifs". Faut-il penser que Renaut judaïsait, ou simplement qu'il protégeait ses Juifs contre les effets de la persécution royale durant l'année cruciale 1010. Mal lui en prit, car le 22 avril 1015, une expédition royale ruina de fond en comble sa cité". En 1146, le roi Louis VII autorisa officiellement les Juifs à résider à Sens. La Communauté s'était groupée autour des rues de la Grande et de la Petite Juiverie et le chroniqueurs local assure que cette petite communauté avait reçu l'autorisation de bâtir une synagogue et d'avoir un cimetière. A la Noël 1180, Philippe-Auguste passa à Sens et fit d'énergiques reproches à l'archevêque Guy de Noyers qui avait exigé l'exécution des mesures du Concile de Latran notamment celle concernant la défense d'avoir des domestiques chrétiens. A l'âge mûr, Philippe-Auguste changea ses dispositions à l'égard des Juifs. Le chroniqueur local accuse l'Evêque de Sens d'être le responsable du massacre de Bray-sur-Seine en 1190. En 1198, celui-ci permit pourtant à tous les exilés de revenir dans ses terres. Il passa une convention avec Thibaut, comte de Champagne, et la renouvela en 1201 à Sens avec sa veuve Blanche: ils s'engageaient mutuellement à ne pas retenir les juifs qui n'étaient pas de leur domaine. Thibaut mettait souvent ses Juifs à contribution. Philippe-Auguste accorda cependant quelques faveurs aux Juifs et s'attira les foudres du Pape Innocent III. Les Juifs firent bâtir une nouvelle synagogue en 1208. Les autorités avaient laissé les Juifs construire auprès d'une église une synagogue plus élevée que cette église. Ceux-ci chantaient également à haute voix, de manière à troubler les services divins. Le jour de Pâques, ils se promenait dans les rues contre l'ancienne coutume qui les confinait pour cette fête dans leur maison. Les maisons des juifs restaient ouvertes jusqu'au milieu de la nuit. Innocent III chargea l'archevêque de Sens d'excommunier les chrétiens qui servaient chez les Juifs. En 1201, les Religieux de St-Rémi de Sens, qui devaient 140 livres de Provins à Manassé Lenoir et Vaalin, Juifs de la Comtesse Blanche de Champagne, engagèrent leurs immeubles pour assurer à Blanche 150 livres de revenu annuel jusqu'au paiement intégral de leur dette. Louis IX promulgua des lois sévères contre les Juifs. Les Juifs de Sens trouvèrent un protecteur dans la personne de l'archevêque Gauthier de Cornut, Galterus III (1221-41). L'Archevêque Gauthier de Cornut avait adopté une attitude favorable envers les Juifs de sa cité, aussi bien dans les affaires locales que sur le plan général et cela jusqu'à la disputation de 1240. Il confirma un contrat conclu entre les Juifs et le Cloître de Saint-Véran en Juillet 1241. C'est avec lui que Nathan l'Official disserta librement sur des questions religieuses. Gauthier de Cornut en fit son bailli. Après l'expulsion de 1306, il n'y eut plus d'autre communauté Juive à Sens durant tout le Moyen-Age.
· Le Quartier Juif:
La Communauté se groupait autour des rues de la Juiverie. Sous Philippe-Auguste (vers 1200), une ruelle s appelait "Judearia".
· La Synagogue:
"l'Ecole des Juifs" ou "la Synagogue" était située dans la rue de l'Epée, une autre aurait été située dans la "Rue de la Synagogue. "C'était une maison de pierre qui estoit lambrissée par haut, et encore de présent est appelée l'escole aux Juifs". Il y avait une tour dans la rue de la Grande Juiverie, une tour qui aurait servi de synagogue aux Juifs. Cette tour fut détruite et brûlée en 1202. D'après des érudits du XVIIIème siècle La "Tour de la Synagogue" était décorée de belles peintures qui représentaient les cérémonies judaïques. La tour de la Synagogue s'écroula de vétusté vers 1735. Innocent III voulait toujours faire sentir aux juifs le joug de la servitude, c'est pour cette raison qu'il adressa une lettre à l'Archevêque de Sens en ces termes : "ne cervicem perpetuae servitutis jugo submissam praesimant erigere contra reverentiam fidéi christianae".
· Les Cimetières:
Différents historiens situent deux cimetières juifs à Sens, l'un dans le faubourg Saint-Pregts, entre la principale rue et le quartier de Tau. Il fut vendu par le bailli de Sens, pour le roi Philippe IV en 1309. L'autre était situait rue de la Parcheminerie, autrefois rue Sainte-Marie, rue Notre-Dame, rue de la Pelletiière et quelquefois rue des Célestins. L'Ordre des Célestins fut fondé à Sens en 1336; le terrain où était leur basse-cour avait servi anciennement de cimetière aux Juifs. Dans le Cartulaire de l'Yonne, (anno 1212), il a été consigné: "Don fait par Mathilde, comtesse de Nevers, aux écoles d'Auxerre, de la place du cimetière des Juifs, près de la maison des Frères-Prêcheurs" et dans le Catalogue du Trésor des Chartes, il est rapporté qu'après l'expulsion des juifs la vente de leur cimetière à Sens, et de la maison y attenant, a rapporté au fisc 400 livres.
Un Hérem Communautaire
Avant que Rachi ne fonde à Troyes une école talmudique réputée, la Communauté Juive de cette ville bien que modeste était fort active. Plusieurs documents rabbiniques font état de "Responsa" dont celles de Joseph Ben Samuel Tob Elem (Bonfils). Ce "Responsum" (Techouva ou consultation) répondait à la argumentation suivante: "Des Juifs de Reims, alors qu'ils se rendaient à la foire de Troyes, furent attaqués, volés et faits prisonniers par une troupe de brigands. Les Juifs de Troyes négocièrent avec les voleurs et se mirent d'accord avec eux sur une rançon de trente livres. La plus grande partie fut payée par les captifs eux mêmes et pour réunir le reste la Communauté de Troyes imposa une taxe d'un solido (sou) par livre à ses membres et à ceux des Communautés voisines de Sens et d'Auxerre ainsi qu'à deux Juifs de Châlons(-sur-Marne). Les Juifs de Troyes décrétèrent que quiconque refuseraient de payer sa quote part serait excommunié; lui et ses enfants: la consommation de son pain et de son vin serait interdite aux autres juifs et il devrait payer une amende de trente solidi. Les membres de la Communauté juive de Sens se libérèrent de cette obligation prétendant que la Communauté avait été appauvrie par différentes avanies. Ils soutenérent qu'ils n'étaient pas liés par les décrets de la Communauté de Troyes puisqu'ils ne résidaient pas dans cette cité. Le Messager envoyé de Troyes avait trouvé les Juifs de Sens dans un grand dénuement à cause du malheur qui les avait frappé après la destruction d'une église à Sens. Ils coopérèrent néanmoins avec les Juifs de Troyes en leur envoyant une contribution volontaire. La Question est la suivante: "La Communauté de Troyes avait-elle le droit de promulguer le décret ci-dessus avec sa sentence d'excommunication et les gens de Sens devaient-ils y être soumis? Secondement, la communauté de Sens avait promulgué un décret intimant à celle de Troyes de libérer les juifs de Sens de son excommunication; ce décret liait-il les membres de la Communauté de Troyes"? Joseph Tob Elem, étayant sa décision sur divers arguments de la "Halakha" (tradition), répondit que la Communauté de Troyes était dans son tort.
Au Moyen Age, l'école talmudique de Sens jouissait d'une grande autorité. Parmi ses maîtres, il faut rappeler: Samson ben Abraham de Sens (1150-1230), important auteur de tossafot ou Joseph ben Nathan l Official, qui soutint la controverse avec les évêques de Vannes, Meaux, Poitiers et Angoulême. Sens était à cette époque un important foyer de science juive. Ses savants étaient les suivants:
· R. Isaac ben Salomon, contemporain de Rabbénou Tam, avec lequel il a signé lesdécisions du
synode de Troyes.
· R. Eliézer de Sens, correspondant de R. Tam
· R. Moïse de Sens, tossafiste
· R. Nathan ben Joseph l'Official.( Joseph ben Nathan ben Meschulam d'Etampes )Né dans la
seconde moitié du XIIIème. Il tenait la charge d'Official (Bailli)auprès
de l Archevêque de Sens. C'est le petit-fils de Meschulam ben Nathan de Melun.
Tosafiste il a écrit "Perush le-Masekhet Taanit" (Commentaire sur le Traité Taanit).
· R. Joseph Nathan l'official (bailli). Né au XIIIème siècle, il vécut à Sens et fut 'agent financier de
l'Archevêque de cette Ville. Auteur du fameux livre de
polémique religieuse sous le nom de Joseph le Zélateur (Joseph Hamékamé). Ce brillant polémiste
soutint des controverses avec les évêques de Vannes, Meaux,
Poitiers, Angoulême. Son père était Nathan ben Joseph l'Official. .
Joseph ben Nathan l'Official cite deux fois la ville de Sens dans son livre (n° 46 et 80).
· Isaac Halévy ben Yéhouda. Il composa à la fin du XIIIè siècle une compilation sur le Pentateuque
sous le nom de Paanéah Raza "Révélateur de Mystères" et désigné
dans un manuscrit d'Oxford comme le "Tossafiste de Sens".
· Yéhouda de Sens
· Simon de Sens, auteur de : Igeret (lettre à Meïr Halévy Abulafia sur Maïmonide) Piyout (poème)
Perush al Seder Zéraïm (commentaire sur l'ordonnancement du traité Zéraïm)
Perush al Seder Tohorot (commentaire sur l'ordonnancement du traité Tohorot).
Perush al Sifra (commentaire sur la Sifra)
Tossafot (gloses additionnelles)
Teschuvot (Responsa)
· Un pseudo Simon de Sens a écrit : "Shaarey Midot"; "les Portes des Vertus".
· Isaac ben Abraham de Dampierre (Risba). Selon Ephraïm Urbah, il résida dans plusieurs villes de France du Nord parmi lesquelles Troyes, Sens, Dampierre et Paris. Un savant du XIVème siècle dit qu'aux sources des tossafot de Sens que Maître Eliézer de Touques a abrégées, nous nous abreuvons".Certaines tossafot françaises émanantes de l'Yonne sont celles de ''Berakhot'' et ''Meguillah'' de Judah Sire Léon, ''Sukka'', ''Rosh Haschana'', ''Makkot'', ''Menhot'' et ''Bekhorot'' de Simson de Sens, ''Bésah'', ''Nedarim'', ''Nazir'', ''Sanhédrin'' et ''Me'ilah'' des étudiants de Peretz de Corbeil, ''Moéd Qatan'' de Samuel ben Elhanan et ''Keritout'' d'un étudiant d'Isaac de Dampierre et Haïm Kohen.
Rabbi Simson de Sens
Simon ben Abraham de Sens naquit à la fin du XIIè-XIIIème siècle. C'était le petit fils de Simson ben Joseph l'Ancien, de Falaise. Simson l'Ancien était un rabbin très considéré, il a écrit de nombreuses tossafot notamment sur Sabbat, Yabemot (Or Zarua) ou Hullin. Il entretint une correspondance savante avec Rabbénou Tam et rédigea divers décisions rituéliques. Le père de Simson, Abraham, fut appelé par Meïr Abulafia "Le pieux, le saint, le noble". Son frère Isaac Ben Abraham (Ricba ou Riba) est connu sous le nom de Isaac de Dampierre (voir plus haut). Moïse de Coucy cite souvent Simson de Sens dans son ouvrage rituélique "Semag". Rabbi Simson, élève de Jacob ben Meïr Tam de Rentrent et d'Isaac ben Samuel de Dampierre, présida l'école talmudique de Sens. On l'appela "Le Prince de Sens", "Ha Sar", tellement il était estimé pour son savoir. Il fut consulté à propos de la première controverse maïmonidienne. Commentateur du Talmud, il compte également parmi les décisionnaires et les poètes liturgiques. Il avait son séjour habituel à Sens mais lorsque la situation des Juifs devint difficile suite aux excitations du Pape Innocent III, il émigra avec trois cents autres savants juifs vers la Terre Sainte. Il s'installa d'abord à Jérusalem où >il vécut quelque temps ce qui fait qu'il est nommé le Jérusalmite puis il s'établit à Saint-Jean-d'Acre où il mourut au pied du Mont Carmel. Les Tossafot de R. Simson, dites "de Sens" s'étendent sur la plus grande partie du Talmud et forment le fonds des tossafot étudiées actuellement. Il aurait également fait un commentaire sur l'ancien livre casuistique "Sifra".
Nathan l'Official
Nathan l'Official dans son "Joseph Hamékamé" (Joseph le Zélateur) cite Villeneuve: "J'ai prêté, dit Joseph Ben Nathan l'official à l'Archevêque de Sens, vingt livres à un citadin qui demeure sous ton autorité, à Villeneuve, moyennant la moitié des bénéfices". Joseph ben Nathan l'Official était le bailli des Juifs pour l'Archevêque de Sens. Il s'agit ici de Villeneuve-l'Archevêque qui était sous son autorité. L'Archevêque de Sens témoigna une rare bienveillance à Nathan l'Official. Il est possible que cet Archevêque fut Gauthier de Cornut, si bien disposé pour les juifs et qui prit la défense du Talmud en 1240. Il administra le diocèse de Sens de 1221 à 1241. Il semble que les Juifs de Sens jouirent pendant longtemps d'une situation fort prospère.
En 1220, la duchesse Alix de Vergy, Veuve d'Eudes III, Duc de Bourgogne, fit consigner l'injonction: ''que l'on doit payer à Messé, Juif de Sens, les 800 marcs à lui dûs". Selon le catalogue des documents du Trésor des Chartes, le Jeudi 20 février 1309: "Vente par Guillaume de Hanest, bailli de Sens, à maître Jean Le Petit, clerc à Sens, au prix de 400 Livres tournois de faible monnaie 1) du cimetière des Juifs, situé dans ladite ville de Sens, en la rue Saint-Pregts, 2) d'une maison attenant audit cimetière, laquelle vente a été faite au temps que la faible monnaie courait depuis que les juifs ont été expulsés de France".
A partir de 1253, les nouveaux chrétiens furent désignés dans les comptes royaux par les noms de Baptisali et Conversi. Les baptisés étaient des "petits enfants des juifs orphelins ou abandonnés, ramassés de divers endroits des provinces du Royaume et conduits d'ordinaire dans les villes épiscopales". D'importantes sommes figurent pour leur entretien et pour leur conduite dans les bailliages de Sens et d'Orléans. Les faux chrétiens, juifs et hérétiques étaient nommés bougres dans les comptes royaux. Il y figure les dépenses faites également pour eux, par exemple en 1234 à Sens. Les convers touchaient de 3 à 12 deniers par jour de pension, 4 était le tarif fréquent. Parmi les convertis ayant résidé à Sens, il est fait état de: Simon d Eguzon (Indre) en 1299et 1305 et de Théobaldus en 1299, 1305 et 1309.
Lorsque les juifs n'eurent plus le monopole du commerce de l'argent, leur place étant prise par les Lombards et les Cahorsins, il ne leur restait plus que l'exil. D'après Dante, l'un des cercles ou un des espaces circulaires dans lesquels il divise l'enfer; ce cercle est la demeure des scélérats pire que ceux de Sodome et Cahors. Selon les historiens, l'origine des Cahursin viendrait soit de la ville de Cahors en France ou de Cavours dans le Piémont. Cette deuxième interprétation tendrait à rapprocher la théorie des usuriers italiens avec les Lombards et les Cahorsins. Mathieu Paris raconte que le Roi Henri III d'Angleterre bannit les Cahorsins de son royaume, surtout ceux de Sens. G.B. Depping souligne qu'il y avait des Cahorsins à Sens. Il y aurait eu donc dans cette ville des usuriers de la même classe: "Sens avait eu beaucoup de Juifs, il y a encore les rues de la Grande et de la Petite Juiverie, ne serait pas possible que sous le nom de Cahursins on eût souvent compris les usuriers de cette nation?". Après l'expulsion des juifs de France en 1306, les historiens ont retrouvé en Savoie autour de 1329 trois juifs anglais à côté d'un Jacob de Gisors et d'un Denis de Sens.
Selon Henri Gross dans son "Gallia Judaïca", Villanova serait Villeneuve l'Archevêque, en réalité il s'agit de Villeneuve-sur-Yonne. Villeneuve-le-Roi est le type même de ville dépendant directement de l'autorité des souverains capétiens. D'après la tradition cette ville aurait été fondée en 1163 par Louis-le-Jeune dans un endroit où habitaient des Juifs et des Lépreux. Selon certains historiens, elle aurait été bâtie dans le courant du XIème siècle et au début du XIIème siècle. Elle ne constituait, qu'en une longue rue, Villa longa, peuplée de lépreux et de Juifs. Gérard Sylvain et Elie Szapiro avancent dans leur ouvrage : "Les Juifs en terre de France, A travers les cartes postales" : "Là les lépreux et les Juifs furent confondus dans la même opprobre. Chacun des deux groupes portaient sur leurs vêtements un signe d'infamie qui les désignait à la vindicte populaire. Au cours du Moyen Age les léproseries se trouvaient souvent prés des quartiers juifs et ainsi le langage commun finira par les confondre. Le lépreux, c'est le ladre, et ce mot va devenir synonyme d'avare, tandis que juif devient l'équivalent d'usurier. Une léproserie était située au nord de la ville médiévale et d'autres aux abords proches''. Du château construit par Philippe-Auguste, il ne reste que le donjon et la ville a conservé des restes des remparts notamment deux portes dont l'une remonte au XIIème siècle. L'église, commencée sous Saint-Louis, fut achevée en 1530. La mémoire d'une Juiverie à Villeneuve-sur-Yonne resta longtemps sous l'aspect des rues des Juifs et d'Osias. Ce n'est qu'à la fin du siècle dernier que le nom de la "Rue des Juifs" prit celui de "Rue du Commerce" sur les bords de l'Yonne non loin de la Tour Bonneville. En 1147, le Pape Eugéne, lors de son séjour à Sens, aurait fait chasser les Juifs de Villeneuve-sur-Yonne. Lors d'un Synode Juif à Troyes, les rabbins consignèrent les takkanot (ordonnances) qui avaient été entérinées. Dans l'introduction de ces takkanot, il est précisé que tous les rabbins y ont participé dans "les grands de Sens et ses faubourgs" sans préciser ceux d'Auxerre et de Joigny; parmi les faubourgs de Sens il faut compter ceux de Villeneuve-sur-Yonne.
En latin Jovianicum ou Jovinium. dans le département de l'Yonne. La "Rue des Juifs" est le seul vestige de la période médiévale de cette communauté. De nombreux maîtres tossafistes sont originaires de cette ville. Le plus fameux de ces tossafistes et exégètes sont: Menahem Ben Perez de Joigny (XIIème siècle) et Yom Tov Ben Isaac de Joigny (martyrisé à York en 1190). Il y avait également un tossafiste nommé Joseph et un exégète du nom de Samson. Il est question, dans le "Makhzor de Vitry" des notables de Joigny. Les savants de cette localité étaient comptés parmi les plus réputés en France. Les rabbins les plus connus de Joigny étaient: · R. Menahem ben Peretz, mort vers 1180, tossafiste, exégète et auteur de la grande "Masora" (Tradition). · R. Yomtov ben Isaac "le Saint", poète liturgique et talmudiste, élève de Jacob en Meïr Tam mort à York en 1190 · R. Isaac, fils de R. Yomtov ben Isaac, tossafiste, poète liturgique et exégète. Il a composé un rituel de Pâque. · R. Joseph, tossafiste · R. Simson, commentateur.(mort avant 1338) R. Joseph ben Nathan l'official parle des savants de Joigny notamment du Rabbin Menahem de Joigny qui aurait été parmi les victimes du massacre de Bray-sur-Seine en 1180 et son contemporain Rabbi Yom Tov de Joigny.
Localité de Champagne, département de l'Yonne, arrondissement de Joigny. C'est là que naquirent Maître Hayym de Brinon et Rabbi Salomon. Ils périrent tous deux, vers 1288, en martyr à Troyes. La Champagne, à peine réunie au domaine royal, fut en proie à une révolte et comme toujours cela se retournait contre les Juifs. Ici ce fut la Communauté de Troyes qui en fit les frais. La foule se saisit de tous les membres de la famille d'Isaac "le Chatelin" et les fit monter sur le bûcher. Dans la même journée, treize des plus notables membres de la Communauté et des environs périrent, voici les noms des victimes: Isaac Châtelin, sa femme, ses deux fils, sa bru, Samson "le Kadmon" (l'ancien), Salomon de Brienon (Yonne), Baruch d'Avirey, Siméon de Châtillon, Colon, Isaac Cohen, Hayim de Brienon (d'après l'Elégie du Vatican, Hayim, le Maître chirurgien) et Hayim de Chaource. Par suite d'altération, le nom de cette localité est orthographié en hébreu: "Brinia ou Brita dans le "Mémorbuch de Mayence". D'après certains documents concernant l'autodafé de Troyes, nous connaissons l'identité des suppliciés. Parmi les victimes que le tribunal de l'inquisition fit monter au bûcher en 1288, il y avait Haïm de Brinon. Il s'agit ici de Brinon-l'Archevêque dans l'Yonne, arrondissement de Joigny. Haïm était le compatriote de Salomon. C'était un chirurgien qui était connu sous le nom de "Le Maître de Brinon". A propos de Salomon; Le Salomon dont il est question dans l'élégie de 1288 à Troyes était également originaire de Brinon. Il occupait dans la Communauté de Troyes les fonctions de trésorier.
Il y a une "Rue des Juifs" au Moyen-Age à Saint-Florentin. C'était une impasse en dehors de la Ville, sur le chemin d accès à la ville qui après y avoir pénétré, y formait la rue principale. On rencontre des Juifs à Saint-Florentin en 1295. Après l'émeute de 1382, Simon le Pelé, sergent à Paris exécuta le débiteur de Mousse à Vergny-en-Auxerrois (Vergigny) dans l'Yonne, canton de Saint Florentin.
Une "Rue des Juifs" Expulsion définitive des Juifs de France en 1394 Le 24 septembre 1394, les Juifs du Royaume de France furent contraints à l'exil. Ceux qui se trouvaient dans le Royaume après l'expulsion servirent d'otages pour le versement des sommes réclamées par le Roi. Parmi eux se trouvaient: Mousse Cristofle, Dieudonné de Lorraine dit d'"Auxerre", David de "Salins", Benoit de "Bâgé", Héliot de "Montargis", David Lévi dit de "Melun" ou Hagin de Bourg. Peu après l'édit définitif de l'expulsion des Juifs du Royaume de France, il restait encore quelques juifs à Sens en Janvier 1395, ceux-ci se préparaient à partir pour la Franche-Comté, la Savoie et le Piémont. Des historiens citent des Juifs en 1396 dans cette région tels que: Elyot de Gap, Moreau de Laon dit de Port, Vivant de Montréal et Benion de Salins. Nous connaissons la présence de Juifs dans l'Yonne grâce à la lettre de rémission d'un laboureur de Pertes, près de Melun. Cette route de Melun à Sens, en passant par Pont-sur-Yonne, n'était pas le seul itinéraire qui se révéla chargé d'embûches. Un peu plus au sud, plus à l'est aussi, à l'Isle-sur-Serein (Yonne), un sergent "avoit levez et extorqués soubé umbre de la puissance de mon dit Seigneur (=le duc de Bourgogne), des Juifs pour les laisser passer par la presvosté dudit Ysles", dix écus''.
Dès le commencement du VIème siècle, il se trouve un grand nombre de juifs dans le Duché de Bourgogne qui s'étendait sur le Sud-Est de la France, sur la Savoie et une partie de la Suisse. Les lois pénales des Bourguignons faisaient une distinction en ce qui concerne les punitions d'actes de violence entre chrétiens et juifs. Elles condamnaient ces derniers à avoir le poing coupé ou à payer soixante quinze sous de composition et douze sous d'amende pour avoir frappé un chrétien et à perdre la vie et les biens si ce chrétien était prêtre. Selon la Loi Gombette et les canons du Concile de Mâcon, les Juifs apparaissent en Bourgogne à la fin du Xème siècle. Il est fort probable qu antérieurement il y ait eu des juifs dans cette Province. Ce sont les activités professionnelles et financières qui attirèrent les Juifs en Bourgogne. Une forte activité paysanne se maintenait entre Troyes, Châlons, Auxerre et Langres: la laine. En effet, dans cette région essentiellement agricole la production de laine était assez considérable pour motiver un trafic dont Chatillon-sur-Seine était le Centre. Il desservait ensuite les tissages de Toscane ou de Flandre. Les Guerres contre les Albigeois amena dans le Nord de la France maints prêteurs de tout premier ordre, maints créanciers méridionaux, marchands italiens, juifs, lombards, cahorsins. Les monastères clunésiens et bernardins ainsi que les chapitres détenaient une part énorme de la fortune publique et des terres immenses, dans tous ces domaines les juifs allaient jouer un rôle qui les conduira pourtant du statut de citoyen libre à serf d'un seigneur ou du roi. Au XIIème siècle, les juifs vont profondément s'installer dans la société bourguignonne mais dès le XIIIème siècle les juifs bourguignons et champenois furent visés par de nombreux textes communs. Le Duc Eudes III leur accorda en 1196 la permission de résider à Dijon. En Bourgogne les juifs étaient vignerons, ce qui prouve que l'agriculture ne leur répugnait pas. Ils payaient les uns et les autres le cens annuel à leurs maîtres. Une contribution extraordinaire sur les Juifs de Bourgogne fut prélevée en 1256. Il y eut une très importante répercussion sur les juifs de Bourgogne à cause des mesures prises contre eux par les rois de France. Les expulsions se firent au même rythme que celles des Juifs de France et furent suivies par les liquidations des créances de Juifs. Le retour de ces juifs en terre bourguignonne fut toujours suivi d'ordonnances ducales en 1374, 1380, 1381 et 1384 limitant le nombre et réglementait les privilèges des ménages juifs. Vient ensuite l'expulsion définitive de 1394. Le Pape Honoré III écrivit au Duc de Bourgogne et à la Comtesse de Troyes pour qu'ils aient un peu plus de rigueur envers les Juifs et autorisa l'Archevêque de Sens et l'Evêque de Paris d'excommunier les chrétiens et les chrétiennes qui continueraient à servir les Juifs. Par une convention faite avec le Duc de Bourgogne, en 1304, le Roi de France défendit à ses officiers de recevoir les plaintes des usuriers juifs du duché et de faire aucune poursuite contre les Bourguignons que le Duc aurait dispensé de rembourser leurs emprunts. En 1381, les Juifs furent outragés par la population. Le Duc Philippe-le-Hardi désigna Guillaume de Cluny, bailli de Dijon, pour connaître et réprimer les méfaits commis envers les Juifs. L'année suivante, le duc fit appel aux Juifs pour mener sa guerre des Flandres, ceux-ci lui accordèrent libéralement 3000 livres. En 1384, le duc reconnaissant étendit les privilèges des Juifs de ses états et promulgua une charte, conçue dans un esprit de justice et de tolérance dont les dispositions principales édictaient: Les Juifs auront, pour sauvegarder leurs intérêts, un protecteur spécial, messire Guy de la Trémoille, seigneur de Sully.
- Ils seront dispensés de porter toute marque infamante.
- Ils seront libres d'exercer telle profession qu'il leur conviendra.
- Si quelques juifs veulent quitter le Duché au milieu de l'année, ils paieront la redevance de l'année entière.
- Ils ne paieront de tribut qu'au Duc, quelle que soit la région où ils s'établiront.
- Ils seront exempts de toutes corvées, gardes ou autres servitudes en usage dans le Duché.
- Ils posséderont un cimetière, à condition de payer 1 franc or pour chaque mort qu'on y enterrera.
- Il pourront établir des impôts entre eux pourvu que la nécessité en soit préalablement démontrée au Duc.
Les chefs de la Communauté étaient alors: Joseph de St-Mihiel, Salomon de Balme et David, son père. En 1387, il n'y avait que quinze familles juives, réparties dans la Bourgogne, laissant loin le chiffre de cinquante-deux, fixé par le Duc. Les compte des receveur de tailles dès 1395 ne parlent plus de Juifs, il en reste pourtant mais sans protection et sans rien qui ne garantisse leurs vies et leurs biens. Ils finirent par disparaître de Bourgogne. Seuls Salomon de Balme habitait encore à Dijon en 1417 et Maître Abraham habitait à Serre.
Auxerre faisait partie du Sénonais. Pillée par les Huns en 451, prise par les Francs en 486, elle fut le siège d'un comté carolingien qui passa à la maison de Nevers. Elle fut achetée par Charles V mais cédée à la Bourgogne en 1435. Auxerre fut le siège des Conciles de 578 et 1098. Elle fut la patrie de Saint-Germain, Evêque d'Auxerre; du Patrice Mummolus et des moines Héric et Rémy.
Vers 1008, les chroniques racontent qu'un juif bourguignon fut envoyé vers le Soudan, de Babylone comme émissaire du Roi de France. Raoul Glaber dit que ce fut un serf de Moutiers (diocèse d'Auxerre): "Videlicet girovagum ... nomine Rotbertum fugitivim utique servum" et donne pour date 1007. Au Moyen-Age (XIIème siècle) les rabbins d'Auxerre participèrent avec ceux de Sens, de Troyes, de Dijon, de Paris et d'Orléans à des réunions où furent codifiées les décisions religieuses qui devaient régir la vie des Communautés juifs du Nord de la France (Tsarfat). Lors du premier synode, les souscriptions des décisions portent: "Ces ordonnances ont été examinées et adoptées par les anciens et les savants de Troyes et des environs, par les grands d'Auxerre, les savants de la région du Rhin, les docteurs de Paris et leurs voisin; les rabbins de Lyon, de Carpentras, de Lombardie, des bords de la mer, d'Anjou, du Poitou, et par les grands de la Lorraine". Les décisions furent contresignées, selon un manuscrit par les trois frères célèbres de Ramrupt: R. Salomon, R. Isaac et R. Tam; par Samuel ben Jacob, d'Auxerre; Isaac ben Salomon, de Sens; Isaac ben Néhémia, de Dreux; Menahem ben Peretz, de Joigny, etc..... En son temps, Rachi avait répondu aux treize questions posées par les rabbins d'Auxerre.
La juridiction des Juifs dépendait du Comte, du Chapitre de la Cathédrale et de l'Abbaye de Saint-Germain d'Auxerre. En 1148, le Comte Guillaume II avait manifesté de la prévention et de l'hostilité contre les Juifs. Un moine anonyme dédia au Comte Guillaume d'Auxerre un écrit sur inutilité de la circoncision: "Ad destruendam ergo fallacem eorum de circumcisione controversam opusculum hoc annuente deo, composui" et fit l'état des problèmes engendrés par la circoncision. Il demanda au Comte de faire préparer une argumentation pour une disputation avec les Juifs. Les Juifs furent bannis d'Auxerre par le Comte Pierre de Courtenay, neveu de Louis Le Gros, entre 1184 et 1206 en cédant aux sollicitations du clergé. Avant d'expulser les Juifs, le Comte Pierre avait fait en 1194 un règlement relatif à l'usure. La même année il vendit une place qui appartenait aux Juifs dans la "Rue des Juifs". En les chassant de la ville il leur confisqua leur cimetière et leur synagogue qu'il convertit en église. A travers d'autres documents les historiens retrouvèrent les traces des Juifs dans l'Auxerrois.
Depuis de nombreuses années les juifs s'étaient fixés à Auxerre. Ils y occupaient une rue toute entière qui portait leur nom. Le Quartier Juif dans la cité, près de la Porte Fechellé ou fiscale et la synagogue un peu plus haut. Selon le Cartulaire d'Auxerre, la rue principale du Quartier juif était: "La rue des Juifs". La "rue du puits des Juifs" est devenue la "Rue du Pont".
· La synagogue
La synagogue était située un peu plus haut presque dans le milieu de la ville médiévale. Pierre de Courtenay, Comte d'Auxerre chassa en 1204 tous les Juifs de son Comté, s'empara de leur synagogue et en fit une chapelle catholique sous les vocables des Saints Nicolas et Reinobert (Regnobert, Renobert).
· Le Cimetière Juif
En 1253, la Princesse Mahault ou Mathilde, fille du Comte Pierre donnait aux Ecoliers, dit les Bons Enfants, d'Auxerre la place des Cordeliers. Cette place recouvrait l'ancien cimetière Juif d'Auxerre. Ce Cimetière Juif était situé près des Jacobins.
L'abbé de Saint-Germain possédait quelques juifs pour lesquels il payait au Trésor Royal une certaine somme. Philippe-le-Bel, dans ses moments de grande détresse pécuniaire, avait soin de la réclamer impérieusement.
Des lettres furent adressées à l'Evêque d'Auxerre et au Comte de Nevers par le Pape Innocent III en 1207 et 1208. Il se plaignait que les Juifs d'Auxerre aient refusé de payer la dîme ecclésiastique sur leurs champs et leurs vignes et qu'ils devaient également payer la surproduction de leur vin devant servir aux chrétiens pour les offices religieux.
La princesse Mahault avait réglé en 1223 les droits et privilèges des habitants d'Auxerre en fixant les conditions auxquelles les juifs pouvaient prêter de l'argent. Elle avait permis les prêts, pourvu qu'ils fussent en présence de deux témoins chrétiens, à trois deniers, par livre, par semaine, et que l'argent ne portât de l'intérêt que la première année.
Pour satisfaire Hugues de Noyes, Evêque d'Auxerre, Pierre de Courtenay avait chassé tous les juifs de la ville. Ils n'y rentrèrent qu'après la mort du prince pour y être tolérés pendant deux siècles. Les Juifs furent de nouveau chassés en 1306 et revinrent à Auxerre en 1315 et en 1359. En 1393, la ville d'Auxerre se tourna vers les autorités de Paris pour faire expulser les Juifs de son territoire. Dans l'état des documents, il est impossible de savoir si l'effet a été immédiat ou si les Juifs d'Auxerre furent chassés en conjonction avec l'expulsion définitive de 1394. Une ordonnance royale de 1398 déclarait nulle et non avenue toutes les dettes que les juifs possédaient sur des débiteurs chrétiens à Auxerre.
e pierre tombale juive a été placée au Musée d'Auxerre. Le moulage de cette inscription hébraïque a été déposée dans la Tour de l'Horloge de l'Abbaye St-Germain:
La traduction de cette inscription a été faite par F. Molard, elle dit
"Meir fils de Rabbi Salomon homme Vaillant".
Pour F. Molard, il s'agit "d'un hébreu emprisonné pour dettes, peut être à la requête d'un de ses coreligionnaires".
Chablis
La "Rue des Juifs" aboutit sur la rivière bordant la muraille construite entre 1405 et 1423. C'est dans l'ancienne "Rue des Juifs" que se trouve la synagogue. C'est une maison à deux étages avec une façade Renaissance appelée "de temps immémorial" la Synagogue Au sous-sol, un mikvé était alimenté par un cours d'eau souterrain. Pour la somme de 300 francs le roi Louis IX acheta un juif du Comte de Chablis.
Avallon
En Latin Aballo ou Avallo, département de l'Yonne. Cette localité est citée dans le "Commentaire sur le Pentateuque" de Juda ben Eliézer "Minhat Yéhuda". La Communauté Juive d'Avallon était située dans le Duché de Bourgogne. Cette localité fut visitée au XIIIème siècle par un voyageur juif dont on ignore le nom et qui parle de la Communauté Juive qui y était établie. Dans un article intitulé; "Les revenus tirés des juifs dans le domaine royal au XIIIème siècle", M. Lazard cite, entre autres, une liste de compte de 1298, où figure un "Amandus d'Avallon". M.A. Gerson dans son "Essai sur les Juifs de Bourgogne au Moyen-Age" rappelle que parmi les rabbins tossafistes les plus éminents, il y avait:
· R. Matatia, d' Avallon
· R. Salomon ben Joseph d'Avallon
En effet, c'est à Avallon que naquit Salomon ben Joseph, auteur de poésie liturgique. Il a composé une élégie sur les martyrs d'Anjou en 1236. Avallon a également donné le jour à R. Matatia, dont Juda ben Eliézer rapporta les explications bibliques, d'après les commentaires verbales, dans le ''Minhat Yéhuda'', qu'il a publié sur le Pentateuque en 1313.
Parmi les lettres que Pierre Moreau baille des héritages des Juifs, il est fait mention des biens juifs, saisis à Avallon. Il est alors nommé: "Jacot, le bouchier, Echenote, le Juif."
Les Colonies Juives de Dijon, de Chatillon, de Châlons, d'Auxonne, de Buxy, de Sémure, de Saulieu, d'Avallon, de Montbard, devinrent florissantes. En 1306, lors de l'expulsion des Juifs de France, les commissaires du Duc de Bourgogne opérèrent à Dijon, centre principal de la Juiverie de Bourgogne, à Châlons, à Buxy-le-Royal et à Avallon. A Sémur, à Montbard, à Avallon, à Nuits, à Vitteaux, à Darcey, les commissaires ducaux vaquèrent du 1er au 3 octobre 1307, en juin et en septembre 1308. Enfin le 22 janvier 1309, ils portèrent leur inventaire à Montbard.
L'Ordonnance de Philippe V fut exécutée en Bourgogne et selon un mandement de ce prince, une indemnité par don de 1000 livres fut faite au Duc, son gendre. Celui-ci, habitué à toucher 2000 livres de cens annuel des Juifs établis dans ses états, se voyait privé par la saisie de leurs personnes et de leurs biens exécutée par les sergent du bailli royal de Sens de cette manne.
Les juifs revinrent à Avallon après 1306 mais il n'y a plus de Juifs dans cette ville en 1386-1387.
Tonnerre
Le premier document que les historiens ont trouvé sur les Juifs de Bourgogne date de 1174. C'est la charte d'affranchissement des habitants de Tonnerre. Il y est dit que les Juifs paieront vingt sols par chef de famille pour sa personne, cinq pour la maison qui lui appartiendra plus la dîme sur la récolte
Même si ces dispositions peuvent paraître onéreuses, elles étaient encore très libérales puisqu'elles permettaient aux juifs de résider dans la ville, de posséder des immeubles et de cultiver la terre. Guy de Tonnerre y trouvait bon compte pour ses finances.
Au mois d'avril 1378, Jehan le juif et sa femme Jehanne Du Drac s'opposaient à la vente de la seigneurie de Tonnerre par Marguerite de Châlon.
En 1182, 1196 et 1197 des chartes montrent des Juifs établis aux environs de Tonnerre.
Vermenton (Yonne)
Cette localité renfermait une communauté Juive au Moyen-Age. Des historiens ont identifié Juda Ben Jacob de Vermenton. Il copia l'ouvrage talmudique "Sefer Hanyar" pour Joseph Ben Mattatya de Trêves en 1392. Roger Kohn dans son article sur les Manuscrits hébreux paru dans son étude sur les Juifs en France du Nord à la fin du XIVème siècle souligne: "Deux manuscrits ont été écrits par un même scribe pour Joseph, fils de Mattathias de Troyes (Trêves). Le copiste s'appelle Juda, fils de Jacob de Vermenton. Il n'est pas connu par ailleurs, mais d'autres "Vermanton" le sont, comme Samuel de Vermanton à Châlon en 1392, Salomon de Vermenton dans le bailliage de Senlis et Abraham de Vermenton, autorisé à résider dans Besançon en décembre 1394".
Vézelay
Les Archives départementales de la Côte d'Or conserve sept pièces en parchemin relatives à la séquestration des biens des Juifs de Bourgogne en dehors de Dijon; l'enquête secrète sur les Juifs de Baigneux, Darcey et Salives, et inventaire des objets saisis chez eux; le journal des dépenses de bouche, faites par les exécuteurs du fait des Juifs dans le bailliage d'Auxois, de Vézelay, de Joigny, etc...; fragment de l'inventaire des biens de Jasunot, juif et quittances données par Perrenot, etc., des sommes provenant de ces confiscations.
· Jacob Benjamin
Jacob Benjamin était un gros fournisseur de l Armée: aliments, bétail, habillements, cavalerie, harnachement, bois de chauffage, lui seul fut chargé d'approvisionner et d'entretenir un des plus gros corps de troupe que la France eut sur pied. Demeurant rue du Grenier-St-Lazare à Paris, il fut l'un des juifs les plus influents de la ''Section de la Réunion''. Il s engagea dans la politique et milita pour l émancipation et la reconnaissance des droits civiques des Juifs de Paris dès 1790. Il interpella notamment le Comité de Constitution par la voix du "Journal de Paris" à propos des "Les juifs patentés reconnus actifs''. Le Comité lui adressa la mention civique et il reçut le baiser fraternel du Président. En 1792, Jacob Benjamin fut accusé de corruption pour afin d'obtenir à bon compte une adjudication d approvisionnement pour l'Armée, il était à cette époque munitionnaire général de la viande de l Armée des Alpes. La femme de Jacob Benjamin écrivit alors à la Convention pour faire libérer son mari. Cambon, Manuel et Tallien le firent mettre en état d accusation provisoire et le 29 novembre l'acte d'accusation précisait: ''.... Nous avons vu dans un marché passé entre Benjamin et deux citoyens d Avallon, que le Juif Benjamin a acheté le lard salé 62 livres le quintal...". Le 15 décembre 1792, les trois prisonniers de l Abbaye de St-Germain savoir; Benjamin Juif, Délayant et Vincent commissaires, furent transférés à Lyon. Le 22 janvier 1793, par arrêt de la Cour, Jacob Benjamin fut, avec ses co-inculpés, acquitté de l accusation portée contre eux par le décret du 7 décembre 1792. Cette cabale avait été montée contre certains munitionnaires juifs, dont les premiers visés furent Cerfbeer de Medelsheim, syndic des juifs d Alsace, Théodore son fils, Berr Isaac Berr, etc.., qui connurent la prison parce que soupçonnés de spéculation. Jacob Benjamin, marié sans doute en seconde noces avec Betzi, était le gendre de Théodore Cerfbeer.
Jacob Benjamin était propriétaire à Fontainebleau de nombreux biens nationaux notamment l'Hôtel Richelieu acheté après l an II. En 1791, il était colonel des Gardes nationaux de Dimont (Yonne) et en 1793, il abjurait la "religion de Moïse, Abraham et Jacob"..
· Jacques Lévy
Jacques Lévy résidait à Paris depuis 1769. Sous la "Terreur", Jacques Lévy, de la "Section de la Réunion" , fut soupçonné d'avoir participé au vol d'un garde-meuble à Auxerre. Il fut détenu à la prison de St-Lazare à partir du 13 brumaire pour avoir coopérer au vol du garde meuble selon une lettre et pièces envoyées par le Comité de Surveillance d'Auxerre. Ce marchand Juif n'avait point de revenu connu. Sa remise en liberté est datée du 29 vendémiaire an III. Le Garde Meuble était un arsenal national
Demandes de Passeport à Fontainebleau en 1805
Les Archives de Fontainebleau conservent encore les demandes de passeport. En 1805, Des Juifs font des demandes pour se rendre:
le 5 germinal; Salomon Lévy, maître d'école, 36 ans, à Auxerre
le 23 ventose; Lazard Caën, marchand colporteur, 50 ans à Auxerre et à Clamecy.
le 6 floréal; Max Morange: instituteur, 56 ans, à Auxerre.
le10 Vendémiaire; Vidal Houtre, colporteur avec balle, à Auxerre
En 1806 Salomon Lévy, colporteur, 38 ans, à Sens
Lazare Caën, colporteur, 51 ans, à Auxerre
Recensement des Juifs à Paris
Lors du recensement des Juifs à Paris en 1808, parmi les 1500 individus originaires des départements et de l'étranger, figuraient :
d'Auxerre: 9
de Sens 1
Recensement des juifs dans l'Yonne en 1808
Dénombrement selon le Décret Infâme du 17 mars 1808
Auxerre: 26 juifs (5 familles)
Sens : 1 juif
Auxerre:
Le Maire d'Auxerre informait le Préfet de l'Yonne, en 1808, que les seuls juifs professant la religion israélite qui habitaient Auxerre étaient Joseph Félix, sa femme, 9 enfants et une domestique, Moïse Bernard et sa femme, Judas Picard et sa femme. Le Ministre des Cultes accusa réception du Tableau que le Préfet lui avait adressé en exécution des décrets impériaux du 17 mars qui organisaient le culte Israélite. Ce Tableau daté du 10 mai 1808 constatait l'existence de 27 israélites dans le département. Le Maire d'Auxerre adressa au Préfet l'état nominatif des 26 israélites domiciliés à Auxerre: Joseph Félix et Laillette Bloc, sa femme, leur 10 enfants; Moïse Bernard et Anne Bloc; Cerf Simon; Judas Picard et Jacob Beselle, sa femme; Moïse Levy, sa femme; Joseph Levy, leur fils; Gabriel Bloc et Bubel Abraham, sa femme et leurs 4 enfants.
En ce qui concerne le remplacement militaire sous la Monarchie de Juillet, quelques juifs redoutaient la conscription notamment: Elie Dreyfus à Auxerre se fit remplacer en 1841.
Sens
Il y a 1 juif à Sens en 1808, malheureusement le Préfet de l'Yonne ne donne pas son nom. Nous savons qu'il y avait un juif à Sens pendant la Révolution. En effet, selon l'Affaire Wahl, Abraham Wormser, âgé de 28 ans, natif de Vinsenart près de Colmar, marchand, est domicilié en 1794 à Sens depuis 7 mois. Lors de son interrogatoire, il lui fut demandé l'endroit où il logeait avant de s'installer à Sens, sa réponse fut: Fontainebleau.
· Salomon Lévy
Salomon Lévy fait une demande de passeport en 1806 à Fontainebleau pour se rendre à Sens. Le 16 septembre 1808, il se déclare en Mairie de Fontainebleau avec sa famille selon le Décret de Bayonne du 20 juillet 1808:
''Salomon Lévy, né à Zilesheim, Haut Rhin, 42 ans, époux de Rachel Bloch, 32 ans, marchand colporteur, domicilié rue du Citron, à Fontainebleau depuis 18 ans (1790).'' Salomon Lévy et Rachel Bloch eurent cinq enfants dont deux fils, tous nés à Fontainebleau. L'un de ses fils fut placé chez un chirurgien bellifontain.
Dans le rôle des israélites de la Ville de Fontainebleau en 1827, un avis du percepteur, servant au besoin de la première sommation, en date du 27 juin 1827, est adressé à Salomon Lévy pour 10 francs. Une lettre du Consistoire Israélite de la Circonscription de Paris adressée au Ministre de l'Intérieur en date du 20 juillet 1828, certifie que Salomon Lévy a quitté Fontainebleau pour s'installer à Sens.
D'après différentes archives Salomon Lévy venait, accompagné de sa famille, passer les fêtes juives à Fontainebleau: Nouvel An, Grand Pardon, Pâque etc... Il légua par testament la somme de 1000 francs à la Communauté Juive de Fontainebleau pour la construction du mur d'enceinte du cimetière. Salomon Lévy est décédé en 1838 et sa tombe est la plus ancienne qui soit identifiable aujourd'hui. Ses enfants, principalement un de ses fils qui tenait un magasin à Sens, continueront à participer aux offices religieux où la place de leur père sera toujours réservée. La Communauté Juive de Fontainebleau ayant réussi à devenir propriétaire de son cimetière par un système d'échange de terrain, la fille de Salomon Lévy; Pauline, née à Fontainebleau, apparaît dans les registres du Consistoire de Paris en 1876 lors de la souscription "Salomon Levy" concernant une dotation pour le cimetière, sous l'intitulé "Pauline Lévy veuve Javal".
Il a été impossible d'identifier le deuxième Lévy qui s'était installé à Sens en 1828.
Dans le recensement du 9 novembre 1840, certifié par le Sous-Préfet de l'arrondissement de Fontainebleau, commune composant le ressort du ministre des Cultes, il y a 20 juifs à Sens. En observation, le Sous-Préfet fait remarquer que : "La Colonie Israélite de Sens fait partie de la Synagogue de Fontainebleau ou se célèbrent les mariages et les obsèques des habitants Juifs de ce chef-lieu d'arrondissement de l'Yonne. Cette synagogue est de plus fréquentée par les juifs marchands ambulants qui sans se fixer parcourent cet arrondissement". Dans le recensement de 1841, il y a 20 juifs à Sens et 10 à Joigny.
Une communauté juive à Sens avait vu le jour avant la seconde guerre mondiale et il y avait à peu près 50 juifs en 1941. Une nouvelle petite communauté constituée par des Juifs d'Afrique du Nord s'est établie à Sens dans les années 60. En 1970, la communauté comptait environ 50 juifs.
Les Commis de l'Etat dans l'Yonne
- En 1872: M. Jacob a été nommé précepteur à Saint-Bris (Yonne), deuxième classe
- 1877: M. Richard Bloch, d'Auxerre, est nommé Ingénieur de 3ème classe des Ponts
et Chaussées - 1877: Ernest Hendlé est nommé Préfet de l'Yonne à Auxerre.
- 1884: M. Valabrègue, licencié en droit, chef du Cabinet du Préfet est nommé Sous-
Préfet à Avallon (Yonne) - 1885: M. Vallabrège, Sous-Préfet d'Avallon est appelé au mêmes fonctions à Château-Thierry (Aisne).
- 1885: M. Simon, Sous-Préfet à Espalion (Aveyron) passe à la Sous-Préfecture de Joigny (Yonne).
- En 1896: Emile Michel Worms, né à Paris le 6 novembre 1865 attaché à la Préfecture de la Seine le 28 Mars 1888, actuellement juge d'instruction à Auxerre depuis le 5 janvier 1895
- En 1883: M. Durckeim, fils du Rabbin d'Epinal, qui avait été récemment professeur de philosophie au Lycée du Puy passe en la même qualité au Lycée de Sens.
- Henri Salomon: En Septembre 1889, Henri Salomon, professeur d'histoire à Sens, était nommé à la même chaire au Lycée de Reims.
- Abraham Delvaille, gendre d'Alphandéry, fut Procureur à Auxerre en 1906.
Auxerre
Philippe Sapin, incriminait les Juifs de l'Yonne dans son '' Annuaire des Juifs'' en 1896, en incitant les chrétiens à boycotter les juifs: · Worms Emile Michel, Juge d'instruction
· Marx, capitaine au 4ème régiment d'infanterie · Dietz, chez du génie · Levy, professeur au collège d'Auxerre · Levy, caissier à la Caisse d'Epargne
· Javal, médecin, Conseil Général · A.L. Hayem "Bazar des Fontaines" · Hermann ''Bazar National" · Nordmann Léon, mercier · Steineck, tailleur · Jacob, tailleur, "A la Maison nouvelle", En 1898, une ligue antisémitique s'était formée à Auxerre. Sens · Schaumann, professeur d'allemand au Lycée · Bais, directeur de "La France" · Mosse, chaussures · Simminsky, confection pour hommes.
Le 22 janvier 1898, de jeunes antisémites manifestèrent pendant deux jours à Sens devant
les magasins de deux israélites. Ils crièrent: "Abats les Juifs, Conspuez Zola, Vive l'Armée".
La police intervint pour arrêter les manifestations.
Les Jacob, originaires de Seppois-le-Bas, adoptèrent le patronyme de Javal en 1808. Cette famille nombreuse a produit dans l'Yonne un rameau de vigoureuse mémoire même si des feuilles ont à jamais disparu. Le fondateur de cette dynastie sénonaise fut Léopold Javal. Jacques Javal l'aîné et son frère Jacques Javal le Jeune commencèrent leur activités commerciales en Alsace dès la Révolution. En 1819, ils créèrent à Saint-Denis une fabrique de tissage à l'indienne. Léopold Javal, né en 1804, était le fils de Jacques Javal le Jeune. Après des études à Nancy et en Angleterre, n'ayant peut entrer à Polytechnique à cause d'une grave maladie, il rentre comme administrateur adjoint aux Messageries Laffite et Caillard où il dirige l'atelier. Mais la fièvre de l'aventure l emmène dans la conquête de l'Algérie en participant à l'investissement de la Casbah. Sous l'uniforme, il prit part à la bataille de Blidah puis de Médéa où sa conduite lui vaut d'être proposé au rang de Chevalier de la Légion d'Honneur. Il rentre à Paris en raccompagnant en France le Bey de Tittery et commence une carrière d'industriel et d'agriculteur. Il achète d'abord entre Landes et Médoc une propriété à Arés qu'il fait fructifier puis en 1835 il devient propriétaire de Vauluisant où dès 1847 il crée un concours de labourage et de fauchage. Homme libéral, Léopold Javal participe à la mise en place de la Monarchie de Juillet mais Louis-Philippe ne réalise pas les espoirs et les réformes tant souhaités. Il s'engage donc physiquement et financièrement dans l'aventure de la Seconde République, dont son ami Michel Goudechaux sera le ministre des finances. Après le coup d'état de Louis Napoléon le 2 décembre 1851, Léopold Javal s installe parmi les tenant du parti de l'opposition en se faisant élire Conseiller Général d'Audenge (Gironde) en 1852 et Député de l'Yonne en 1858. Léopold Javal, Député nouvellement réélu, Membre du Consistoire Central pour le Haut Rhin, Vice-Président de l'Alliance Israélite Universelle et administrateur de divers Comités de Bienfaisance, meurt le 27 mars 1872 après avoir vu le rattachement de l'Alsace et une partie de la Lorraine à l'Allemagne. Ses descendants se battront pour toutes les formes de liberté et pour récupérer ces deux provinces françaises.
· Emile Javal (1839-1907)
Le Dr Emile Javal, éminent ophtalmologiste, fut élu député de l'Yonne à la fin du XIXème siècle.
· Jean Javal (1871-1915)
Fils aîné d'Emile Javal, Ce brillant polytechnicien fut membre du Conseil d'administration de la Compagnie Parisienne de Distribution d'Electricité. Il fut élu Conseiller Général en 1901 et député de l'Yonne de 1909. Capitaine de l'Etat Major du 9ème corps d'armée, il meurt de surmenage le 25 août 1915.
· Adolphe Javal (1873-1944)
Docteur en médecine, il se présenta plusieurs fois aux Sénatoriales sans réussite, auteurs de plusieurs ouvrages sur la guerre de 14, sur ses relations avec l'administration, sur ses travaux et sur les travaux agricoles à Vauluisant, il est déporté avec sa femme et ses deux filles en 1944. En 1904, le Docteur Adolphe Javal avait reçu le Prix Desportes (Thérapeutique Médicale).
· Alice Javal (1869-1943)
Fille d'Emile Javal, Alice épousa Lazare Weiller. Elle fut l'une des premières femmes à monter en avion. Alice et Lazare Weiller invitèrent les frères Wright à présenter des vols d'aéroplanes. Lazare Weiller, grand industriel et membre du Comité consultatif des Chemins de fer, fut élu députés des Charentes sous la IIIème République. Il passa sa passion pour l'aviation à son fils: le Commandant Paul-Louis Weiller.
Ernest Hendlé
Ernest Hendlé fut successivement Préfet du Nord (1871) puis Préfet du Loir-et-Cher en 1873 et Préfet de l'Yonne en 1877. C'était le beau-frère de Léon Cohn qui fut Préfet de Haute-Garonne. Léon Cohn, fils d'Albert Cohn, et Rachel Hendlé furent des intimes de Jules Simon.
Abraham Delvaille
Abraham Delvaille est nommé procureur de la République à Auxerre en 1906. Il avait épousé une fille de Fernand Alphandéry. Il accéda à ce poste grâce à l'aide de son beau-père. Abraham était le fils d'Isaac et d'Esther Delvaille.
Maurice Dacosta.
Maurice Dacosta, inspecteur d'Académie d'Auxerre, fut fait Chevalier de la Légion d'Honneur en 1912.
Renée Lévy
Celle qui repose au Mont Valérien.
Renée Lévy était la fille du Professeur Léon Lévy, cité par Philippe Sapin dans son "Annuaire Israélite". Elle est également la petite-fille du Grand Rabbin Alfred Lévy.
Madame Jacqueline Leitman retraça le portrait de son amie, Mlle Renée Lévy :
"Elle s'appelait Renée Lévy, elle était née le 5 septembre 1906 à Auxerre, où ses parents étaient professeurs, elle était donc issue d'une famille d'intellectuels nourris d'une culture essentiellement et profondément française.
En 1936, agrégée de Lettres, elle est affectée au Lycée de Lille. Dans cette ville elle retrouve une amie d'enfance avec laquelle elle s'intéresse passionnément au mouvement féministe, faisant des conférences et écrivant dans le Journal du mouvement. ..... En 1939, elle est en vacances à Cayeux-sur-Mer. A la déclaration de la guerre un lycée est créé dans les locaux du Casino. Elle devint tout naturellement professeur de Lettres .... L'exode la conduit avec sa famille en Bretagne, puis, c'est le retour à Paris. .... Elle habitait rue de Normandie un petit appartement à l'ameublement moderne et confortable. ....
En ce qui concerne son activité de Résistance, je relève sur un discours prononcé en 1956 à l'occasion de sa Légion d'Honneur: " Elle connut pendant plus d'un an la vie fiévreuse, toute en risques, de l'action clandestine, intégrée à deux réseaux de Résistance, Hector et Musée de l'Homme. Taper des tracts, diffuser des journaux, transmettre à Londres des renseignements chez soi, dès cette époque, un poste émetteur de radio... Que d'affres ces actions nous rappellent...."
Puis vinrent les temps difficiles: mes parents arrêtés en octobre 1941. Pour elle ce fut le 25 novembre. Renée Lévy fut exécutée par les nazis 31 août 1943 dans la prison de Cologne après avoir dit à ses compagnes de cellule: "Au Revoir et Vive la France".
Le 11 novembre 1945, le cercueil de Renée Lévy, posé sur un affût de canon et tiré par des chevaux blancs, passa sous l'Arc de Triomphe. Elle avait été choisie pour symboliser la Résistance et la Déportation parmi les seize combattants du conflit 1939-1945 qui reposent au Mont-Valérien.
Après la libération, Mme Léon Lévy occupait l'appartement de la rue de Normandie, ses deux filles avaient été déportées.
Michel Kikoïne
Le peintre Michel Kikoïne habita à Annecy-sur-Serain dans l'Yonne. Il est né en 1892 à Gomel en Biélorussie dans une famille où les grands pères maternel et paternel étaient rabbins. Michel Kikoïne, fréquenta le "Héder" (école traditionnelle juive) le matin et l'école communale russe l'après-midi jusqu'à l'âge de 12 ans. Fuyant les pogroms de 1904, sa famille s'établit à Minsk où malgré trois ans d'études commerciales, il entra dans une académie de dessin. Saint-Petersbourg étant interdit aux Juifs, Michel Kikoïne et son ami Haïm Soutine, qu'il avait connu à Minsk, entra à l'Ecole des Beaux-Arts de Vilna où il rencontra Krémégne. Kikoïne rejoignit ce dernier à Paris et s'installa chez un de ses cousins lapidaires. Deux ans plus tard, il rejoignait Chagall et Krémégne à la "Ruche" à Montparnasse. Ses études furent partagés entre le Temple académique de Fernand Cormon et surtout le Louvre où il admirait Rembrandt, Chardin et Delacroix. Modigliani s'entremit pour lui obtenir un contrat avec Cheron en 1919. Kikoïne, dont la carte d'identité portait la mention "bolchevik non dangereux", reçut un jour la visite de l'officier de police Descaves qui lui acheta quinze toiles et quarante dessins. Michel Kikoïne eut une longue carrière et son naturel se reflétait dans sa peinture. Fixé à Annay-sur-Serain (Yonne) depuis 1930, il acquit la nationalité française et fut mobilisé en 1939. Il vit sa maison, ses tableaux et ses exquisses pillées par les Allemands, porta l'étoile Jaune, se réfugia à Toulouse et échappa de justesse à l'arrestation. Il se rendit en Israël en 1950 et 1953, exécuta un recueil sous le titre de "Les Enfants d'Israël" et exposa dans les Galeries Katia Granoff et Romand. Il fonda en 1939 le Salon des Echanges. Marié à Rose Bounimpvitz, il a eu deux enfants: Claire et Yankel. Il meurt à Paris le 4 novembre 1968.
Tonnerre
Robert Lévy
Robert Lévy, docteur en droit, et avocat à la Cour d'Appel de Paris a été candidat de l'Union des Gauches et de Défense Agraire aux élections législatives de 1932 et 1936 pour la circonscription de Tonnerre. Battu par deux fois par Pierre Perreau-Pradier, sous-secrétaire d'état aux finances, il résidait à Tonnerre en 1932 et à Auxerre en 1936, au 18 avenue de la république. Dans sa profession de foi en 1932, Robert Lévy se présentait comme un honnête homme:
"... M. Robert Lévy est docteur en droit, avocat à la Cour d'Appel de Paris, Vice-Président de la F.N.C.R. de Tonnerre, attaché du Cabinet de M. René Renoult, ancien ministre de la Justice (on sait que celui-ci est intervenu en faveur de sa candidature), Chevalier de la Légion d'Honneur, croix de guerre, ancien combattant, trois fois blessé dans l'infanterie.
M. Robert Lévy est membre d'une famille de magistrats. Son père était, il y a quelques temps encore, président du tribunal civil d'un département limitrophe de l'Yonne. Il est apparenté à M. Paul Strauss, sénateur, ancien ministre, président du groupe de l'Union démocratique et radicale du Sénat, ainsi qu'à M. Tardy, directeur général de la Caisse Nationale de Crédit Agricole.
Le Tonnerrois s'honorera en élisant Robert Lévy"
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