Emile Shoufani

Paroles d'hommes - le - par .
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Emile Shoufani,le curé de Nazareth
Interview realiseé par Moshe Doubior pour Alliance.

shouffani2[1].gifEmile Shoufani patriote arabe, de nationalite israèlienne attaché à la tradition chrétienne orientale, fondateur d'une école modèle et curé de Nazareth, a bien voulu nous accorder cette interview pour nous parler de son idéal.
Ce qu'il a réussi à unifier en lui, il souhaite le réaliser dans cet Israël survolté où tous les courants se croisent sans jamais vraiment se rencontrer.
C'est en cela qu'Emile Shoufani inscrit sa mission : la rencontre.

Moshe Doubior -Votre grand-mère vous a élevé dans l'espoir de la vie et du pardon. Vous ne connaissez ni le racisme, ni l'antisémitisme, mais n'aimez pas les israèliens qui restent pour vous ceux qui vous ont volé votre terre. Comment expliquez-vous alors la notion de pardon que vous prônez d'une part, et d'autres part, n'êtes-vous pas vous-même israèlien ?

Emile Shoufani -Je suis Israèlien par la nationalité que j'ai obtenue en 1948.
Je regarde Israël aujourd'hui comme l'état dans lequel je vis.
Même avec cette majorite juive, je vois comment doit être cet etat pour l'avenir envers les différentes communautés vivant en Israël et envers tout le Moyen-Orient, et surtout pour la question palestinienne.
Pour nous la question du pardon est une question personnelle mais c'est aussi un effort de comprendre, de dépasser, de vouloir donner un autre sens à l'Histoire.Il faut reconnaître ce qui a été fait, voir le mal, l'injustice qui a été commise, et pouvoir rencontrer l'autre pour justement tenter d' accomplir ce dépassement et améliorer notre vie commune ici.

Moshe Doubior - Vous racontez dans votre livre que la découverte de la Shoah vous a profondément marqué.
Aprés la visite du camp de Dachau, vous avez même décidé de supprimer des passages des prières recitées le vendredi, passages particulierement anti-juif.
Comment expliquez-vous qu'encore, aujourd'hui, ces prières soient d'usage dans la chrétienneté?

Emile Shoufani - La découverte de la Shoah est une découverte personnelle.
Surtout dans nos pays où nous n'avons jamais connu un état de guerre semblable , avec cette présence et cette volonté de liquider tout un peuple .
A Tiberiade par exemple, où des juifs, existent depuis le 13 e siècle avec des arabes; on a jamais pensé si ils etaient juifs ou musulmans ou chrétien.
Jamais l'idée n'est venue d'une liquidation.
Il y a eu des problèmes, des persécutions à travers l'histoire, c'est certain, mais ce n'était pas l'horreur d'aller jusqu'à penser qu'un peuple devait disparaitre parceque d'une religion différente.
En Orient nous n'avons jamais connu même historiquement cette réalité c'est pourquoi les positions sont difficiles à comprendre. Encore aujourd'hui lorsqu'un musulman ou un chrétien parle de cet évènement ils ne savent pas de quoi ils parlent , il faut aller se rendre compte sur place .
L'effort historique de préservation de la memoire de la Shoah, nous permet de saisir cet événement inique
Il y a un effort à faire, personnellement je l'ai fait , et c'est ainsi que nous pouvons essayer de transmettre cette mémoire.
La religion chrétienne selon moi, n'est pas une religion anti-juive mais plutôt celle d'une comparaison.
Le peuple nouveau avec le peuple juif.
Cette position est pour encrouager à rejeter l'attitude des juifs qui ont refusé le Christ et de Judas en particuleir le vendredi soir.
Pour moi on a depassé cette réalité, cette manière d'éduquer les gens ne doit plus exister.
Et il y a un grand effort en Occident ou ici-même, de pouvoir supprimer toutes ces paroles qui ne peuvent que choquer et être gardé en memoire et qui n'a rien à voir avec le sens de la foi.
Si je dis que le Christ est mort le vendredi saint je n'ai pas besoin de lancer toute une tirade pour ou contre Judas. C'est la découverte de la réalité juive ,aujourd'hui, qui nous oblige de dépasser ces textes.

"Il faut bien comprendre que le droit au peuple juif de vivre n'enlève pas le droit aux autres de rester".

Moshe Doubior - Les Juifs en 1948 sont dépeints dans votre livre, "Le curé de Nazareth", comme l'oppresseur, des miliciens tirant sans distinction sur "tout ce qui bouge".D'apres vous considérez-vous que les juifs aient le droit de vivre sur cette terre?

Emile Shoufani-Il faut admettre que la guerre de 1948 etait une guerre sans merci, des deux côtés. La volonté de s'installer en peu de temps en Galilée ont amené des plans de guerre désastreux, tels que de démolir et de renvoyer les gens.
Il faut bien comprendre que le droit au peuple juif de vivre n'enlève pas le droit aux autres de rester.
Et l'appellation à un droit religieux , le Dieu unique au peuple juif et que les autres ne sont que des chiens de garde depuis deux mille ans ne fait pas sérieux.
L'idee d'aujourd'hui est de dire que nous sommes là : les deux peuples .
Le droit religieux mystique tout cela peut être gardé dans chaque communauté.
Mais la réalité sur place, des deux peuples est une volonté de compromis territorial et de compromis historique c'est cela qui est indispensable.A partir de là, je reconnais le droit du peuple juif de vivre en Israël comme je reconnais en même temps et par la même force, le droit au peuple palestinien de vivre sur cette terre.

Moshe Doubior -Les événements de 1948 et la création de l'état d'Israël sont présentés au sein du peuple palestinien comme la "Nakba", la catastrophe. Comment envisagez vous un dialogue entre ces deux peuples quand les israèliens fêtent cet évenement dans la joie et que les palestiniens le pleurent?

Emile Shoufani-Je crois que la solution c'est de donner une raison de joie aux palestiniens, en leur donnant un état palestinien;
Tant que moi je vis dans cette joie et que l'autre pleure il m'est impossible de vivre pleinement cette allégresse, elle ne peut-être que temporaire.Avec le compromis territorial , chaque peuple verra concrètement qu'il a un etat, en paix les uns avec les autres.
Il est temps qu'on puissent être tous joyeux dans ce pays .
La reconnaissance des deux peuples et la reconnaisance de l'Etat d'Israël et la reconnaissance d'un Etat Palestinien - territorialement déjà déterminé dans beaucoup d'esprits- peut amener la réalité de la joie et à fêter ensemble

Moshe Doubior-Pensez vous que les Palestiniens ont intégré le droit aux israèliens de vivre sur cette même terre ?

Emile Shoufani-Je crois que oui, il y a une évolution de pensée et de vision . Ce projet deja lancé par Rabin, par Oslo, par la population israèlienne arabe depuis plus de 25 ans, est un projet reflechis, pensé, dans la tête de beaucoup de juifs religieux ou non , qui ont compris qu'il est impossible de rester à une solution terre à terre.
Les palestiniens ont accepté l'état d'Israel qui accepte leur etat dans des territoires.
Quand Arafat dit- " L'Etat Palestinien se trouve dans les territoires de la bande de Gaza et ceux de la Cie-Jordanie."
Il ne prononce jamais ni Tel-Aviv, ni Haifa, ni Jaffa.

Moshe Doubior- Je l'ai entendu à maintes reprises parler de Tel-Aviv et de Jérusalem.

Emile Shoufani-Apres les accords d'Oslo il n'a jamais été question de toucher aux frontières d'Israêl d'avant 1967.
Je crois que le monde arabe et le monde palestinien en majorite sont d'accord sur ce point de vue.

Moshe Doubior - Aucune déclaration n'a ete faite du côté palestinien sur le droit de l'état d'Israël pourtant .

"Rien ne laisse présager la destruction ou la simple volonté de destruction d'Israel"

Emile Shoufani- Peut-être qu'effectivement cela n'a pas été dit façon claire mais plutôt dans la facon d'agir, au quotidien.
Rien ne laisse présager la destruction ou la simple volonté de destruction d'Israel ou un simple changement de ces frontières d'avant 1967.
Israël a legitimé son existence ; ses frontières sont reconnues. Hormis le statut de Jérusalem il est dit et reconnu que l'état Palestinien est à l 'interieur des territoires il n'a jamais été question de remettre en cause les frontières de 1967.
C'est le fondement d'une nouvelle réalite celle de deux reves qui vont devoir changer.
Le rêve côté Palestinien "La Palestine c'est de la rivière à la mer " et côté Israelien " Le grand Israel".
Tout le monde arrive à saisir ce changement de pensée

"Celui qui est en face de moi est un être qui a une qualite à decouvrir et non pas une carte d'identité a brandir."shouffani1[1].gif

Moshe Doubior- L 'école Séminaire Saint-Joseph.que vous avez fondé accueille les enfants chrétiens comme les musulmans.Malgré des pressions islamiques, vous avez interdit le port du voile pour les filles musulmanes dans votre école.
Pourriez vous nous expliquer les raisons de cette décision ?

Emile Shoufani- A l'intérieur de l'école il y a une volonté de mettre en valeur ce qui est commun entre les élèves.
Tels que ; le fait d'être élève, l'intelligence , la liberté personnelle et l'effort personnel.
Sans références à une appartenance religieuse ou sociale, ou de Nazareth ou des villages qui sont autour, mais surtout faire découvir que celui qui est en face de moi est un être qui a une qualité à decouvrir et non pas une carte d'identité a brandir.
C'est pourquoi qu'à l'intérieur de cette école toutes les normes sont communes à tout le monde.
Le réglement prévoit aussi une tenue vestimentaire identique à tout le monde .C'est cette égalité entre les élèves qui doit être respectée c'est elle qui est le garant de leur liberte.Je ne veux pas que les identites nous emprisonnent, au contraire.
Et la Haute-Cour de Justice nous a donner raison sur ce point. Le voile n'est pas compatible avec la réalité de cette école. Les cours de natation, de sport sont pratiqués par tous , filles et garcons.Les signes exterieurs tentant à affirmer une autre philosophie de l'enseignement ne peuvent être envisagés.

Moshe Doubior- Pourriez vous aussi nous expliquer comment s'intègre cette école dans l'écheveau culturel israèlien et comment ces enfants considèrent Israël et les juifs en Israël ?

Emile Shoufani- Nous sommes une école sous le conrôle du ministere de l'éducation nationale, mais avec une liberté de choix des professeurs et des programmes.
Nous avons privilégié l'enseignement des sciences et des langues en particulier l'hébreu car notre réussite d'intégration ne pourra se réaliser que par le passage dans les universtés israèliennes , reconnues pour leurs excellents niveaux intellectuels ainsi que trés prisées
Notre volonté est que nos eleves puissent y entrer .
C'est pourquoi nous avons des professeurs de valeurs qui nous aident à accomplir cette tâche .
Et surtout apprendre aux éléves une méthodologie de travail pour qu'ils aient toutes leurs chances eux aussi .
Notre réussite au bac est de 95 %, l'entrée à l'universite à peu pres de 80%.
C'est par le chemin là, que l'intégration dans la société israèlienne pourra pleinement reussir
L'appartenance à l'Etat d'Israel est un fait accompli pour nos élèves ils diront palestiniens et israèlien ou arabes et israèliens , rarement que arabes ou que palestiniens .
Ils ont envie d'adhérer.à cet état de droit et de liberté qu'est Israel.
Pour compléter cette image le partenaire essentiel c'est le monde juif, mais nous n'avons pas d'éléves juifs .
Nous avons donc creé un programme de rencontres entre les écoles qui s'etend sur 3 ans et permet non pas simplement de connaitre l'autre en tant que juif , mais surtout de trouver les éléments communs qui démontrent que la vie commune sur cette terre est possible.
Tous les préjugés, les a priori fondent devant ces rencontres chaleureuses.
Par la suite des rencontres fondées cette fois, sur le plan politque, permettent de faire de vrais échanges sur ce qui peut rapprocher et être construit ensemble.Ces rencontres se déroulent sur 3 jours ce qui est appréciable pour des échanges profonds.
A travers ces programmes nous prenons conscience que l'autre n'est pas uniquement une entité, un étranger ,mais bien une présence reelle face a moi et que c'est avec lui que je dois apprendre a vivre, c'est la decouverte de la realité

Moshe Doubior- Vous connaissez par coeur le fameux "I have a dream..." de Martin Luther King. Ce qu'il désirait était l'intégration et l'établissement des droits des Noirs aux Etats-Unis.
Le processus entre palestiniens et israèliens tend vers un partage et une séparation territoriale complète.
Pensez vous que cela soit dans l'esprit de Martin Luther King et que cette solution puisse générer la paix entre ces deux peuples ?

Emile Shoufani- Comme processus historique oui.
Aujourd'hui le peuple juif est persuadé qu'il a besoin d'un état juif.
Est-ce un état de "Halaha" ? Je ne le crois pas.
C'est un etat où il y a un tel dynamisme que le peuple juif de l'interieur comme de l'exterieur doit le définir dans les années à venir en prenant compte bien-sûr de la réalité contemporaine et des mutations importantes de la communaute juive.
Il y a aussi un besoin historique de pouvoir dire que nous sommes là depuis 2000 ans d'histoire , aprés la diaspora , la shoah.
De voir aussi comment les rabbins vont definir un état de halaha alors qu'en en face d'eux il y a le peuple palestinien.
Il faut donc accepter ce principe de séparation comme un élément de construction pour l'avenir.
La seule facon de résoudre ce problème est d'abord de calmer les esprit c'est pourquoi il est nécessaire de passer par là.
Je ne crois pas non plus que de séparer les deux états puissent vouloir dire on reste en guerre;
Il faut changer les mentalités dans des perspectives de paix et que dans ce contexte un état peut vivre en paix à côté d'un autre état.
Je ne suis pas pour la séparation mais pour definir les lieux de vie de chacun pourqu'il puisse construire son identite .

Moshe Doubior- En quelque sorte séparer pour mieux réunir.

Emile Shoufani- Exactement.
Comprendre qu'on ne peut pas vivre les uns sans les autres , c'est une realité économique et sociale incontournable
Je ne veux pas être sectaire
Je suis toutes ces réalites là , comment réflechir et trouver des solutions en toutes liberte et pouvoir créer un état d'Israel qui puisse représenter un pays pour chacun.
Mon discours est clair et transparent je refuse le double discours qui consiste à dire je m'inscris da ma realite mais pas dans celle de l'autre. Nous ne pouvons pas comprendre si nous ne sommes pas honnête.
En conclusion je rajouterais la terre sainte est la terre des prophètes continuons d'apporter une prophétie pour l'avenir.

Propos recuellis par Moshe Doubior

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