
BECHALA’H Le miracle de la Mer Rouge
Alors que les notes d’allégresse chantée après le miracle de la Mer Rouge résonnaient encore, tandis que les Hébreux venaient de se « convaincre » de la véracité de la mission de Moïse puisqu’ils « eurent foi en l’Eternel et en Moïse, son serviteur »(XIV,30), la première épreuve du désert est un échec.
« ... ils marchèrent trois jours sans trouver d’eau... ils ne purent boire l’eau de Marah, car elle était trop amère...
Le peuple murmura contre Moïse... il implora le Seigneur... l’eau s’adoucit ».
Si nous suivons l’interprétation de nos Sages (Baba Kama 82a) l’absence d’eau serait une pénurie de « Limoud Hatorah ». Le manque d’études de Thorah au bout de trois jours provoqua l’évanouissement de toute la foi antécédente et transforma toute autre « aliment » spirituel du monde environnant en « eau amère » entraînant la rébellion.
C’est pourquoi, en quelque sorte en « avant première » à la révélation du Sinaï, le texte poursuit: « Là-bas, il lui imposa un principe et une loi et là-bas il le mit à l’épreuve », c’est-à-dire que non seulement une certaine pratique mais aussi une étude régulière furent imposées, concernant essentiellement le Chabbat, le respect des parents et la justice sociale.
Dans le cadre restreint de notre réflexion nous nous contenterons de relever la gravité de « marcher trois jours sans Thorah » et l’importance de l’étude qui nécessitera peut-être la réelle promulgation anticipée de lois qui seront son objet et vecteur de méditation.
Pour que les Enfants d’Israël ne sombrent pas et pour que le peuple juif se perpétue, l’impératif du « limoud » sera dès les origines, et sans cesse rappelé.
Nos commentateurs font remarquer qu’après le miracle et le Cantique de la Mer rouge, le récit nous plonge dans un univers complètement différent, comme si rien ne s’était produit, ni le passage de la Mer Rouge, ni D.ieu qui se révèle, ni le Cantique ni la foi nouvelle. De tout cela, il n’est même plus fait mention.
Nous trouvons à deux reprises au lieu des mots « ils crurent », ceux de: « ils murmurèrent » (15,24), et à la place du lyrisme du Cantique la grisaille prosaïque de l’existence, l’eau de la boisson et cette eau est amère, le pain que l’on ne trouve pas. Certes, un miracle à nouveau survient, celui de la manne céleste.
Mais il se produit dans un monde qui n’est plus celui du chant mais de la tentation (massa) et des conflits (mériba). En outre, le peuple a perdu la foi et ose demander (18,7): « Nous verrons si l’Eternel est avec nous ou non ».
La sidra Bechala’h nous enseigne quelque chose de fondamental à savoir que le miracle, la Révélation qui inspire à l’homme un cantique, toutes ces manifestations ne sont que des épisodes transitoires, sans influence sur la suite des événements. Mais ce qui dure, ce n’est pas la poésie de la vie, mais sa prose. Et c’est précisément dans le cadre de cette prose de la vie - « ils murmurèrent » que s’opère le don de la Torah à Israël.
Avant même ce don de la Torah, le shabbat fut proclamé comme institution centrale de l’existence juive.Cet enseignement est d’une portée inestimable.
Tout miracle ou facteur surnaturel se révèle sans portée du point de vue religieux et de toute manière efficace pour fonder la foi. La génération qui a vu les miracles et les prodiges n’a pas cru.
Quant au verset « ils crurent en D.ieu et son serviteur Moïse », il nous parle de la foi instantanée éprouvée sous l’empire du danger présent. L’instant après « ils murmurèrent » et ont déjà oublié le grand miracle du passage de la Mer Rouge.
Un midrach va jusqu’à dire que les Hébreux à peine arrivés sur l’autre rive et voyant les Egyptiens morts s’exclamèrent: « fabriquons une idole et retournons en Egypte, car l’idolâtrie est bien plus confortable que le service du D.ieu d’Israël. Et pourtant il se trouvait de nombreuses générations après cet échec qui sont restés fidèles à D.ieu malgré les souffrances et ils y ont cru d’un foi profonde.La foi ne saurait être donnée, chose impossible, de l’extérieur. Elle ne peut croître que grâce aux efforts de l’homme, par ses décisions et son libre arbitre.
Claude Layani
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