Les enfants du silence

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                                            Les enfants du silence
     
Article paru dans "Le Figaro", le 06/03/08

Amir Gutfreund - Deux gamins de douze ans essayent de reconstituer le puzzle de la Shoah que les adultes leur cachent.

Les livres indispensables ne meurent jamais ; Amir Gutfreund peut être tranquille. En Israël, son premier roman est déjà enseigné dans les écoles. En France, il tombe à point nommé pour éclairer le débat sur l'initiation des enfants à la Shoah. Mais ne le réduisons pas à cette coïncidence avec l'actualité, car son livre la dépasse largement.

Malgré les injonctions familiales, Amir n'a pas attendu «d'avoir l'âge » pour pousser la porte interdite de Buchenwald et des chambres à gaz. Né deux générations et demie après la Shoah, il consacre tout son loisir d'enfant de douze ans à reconstituer l'immense puzzle d'une histoire que seuls les adultes ont le droit le connaître. Avec son amie Efi, il va en chercher les pièces dans les caves, les cartons remplis de lettres en polonais et donc illisibles. Leur esprit bouillonne d'indices qu'ils ne savent pas interpréter. Pourquoi la mère d'Amir a-t-elle horreur des fourmis Pourquoi Hirsch le fou répète-t-il en boucle : « Étaient-ce tous des saints dans les chambres à gaz? » Que s'est-il passé après le big bang de 1939?

      Pompon morbide

      La première partie du roman retrace le manège de deux enfants qui font des pieds et des mains pour saisir un pompon morbide. C'est à la fois drôle et troublant de les voir jouer avec des cadavres, protégés par leur incorruptible innocence. Ils interrogent leurs nombreux grands-pères et oncles, Yosef, Lolek, Heinek, Ménashé, etc.

      Ils en ont bien plus que ce que permet la généalogie, car la Shoah a cela d'inoui qu'elle a transformé ses victimes en frères et cousins. Grand-père Yosef veille à ce que personne ne livre ses souvenirs aux deux enfants. En espionnant chacune des fenêtres du quartier où vit Yosef, ils découvrent que les voisins, très abîmés par la Shoah, sont des personnages de roman, des êtres ordinaires remplis d'un passé extraordinaire. Ils leur achètent l'histoire de Bouba, le kapo de Buchenwald, ou des trains de la mort.

      Dans la deuxième partie du roman, Amir, qui a enfin atteint l'âge de savoir, écrit les Mémoires de ses père et grands-pères. Ce récit est un écho effroyable à cette Shoah fantaisiste qu'avait jadis inventée l'imagination de deux enfants.

      Les Gens indispensables ne meurent jamais d'Amir Gutfreund traduit par Katherine Werchowski Gallimard, 503p., 24 €.

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