Essai - Olivier Guez
Le 01/11/07Le phénomène suscite d'abord l'incompréhension : l'Allemagne est aujourd'hui la première terre d'émigration juive en Europe. Qui aurait pu imaginer, il y a seulement vingt ans, qu'une communauté juive de plus de 200 000 âmes se reconstituerait sur l'ancien territoire du IIIe Reich ? Le journaliste Olivier Guez a mené une enquête rigoureuse et passionnante sur cet Impossible Retour. Il raconte, avec l'humilité du chercheur et une belle plume de reporter, comment l'association de ces deux termes, « juif » et « allemand », est (re)devenue une réalité.
En 1945, quand démarre l'enquête, c'était plus qu'une contradiction : un scandale - y compris pour les rescapés de la Shoah qui émigrent alors en Palestine. Commence, pour ceux qui restent en Allemagne, une vie prise en étau : d'un côté, l'attachement, « malgré tout », à une culture qu'ils ont profondément contribué à enrichir ; de l'autre, la haine d'une nation allemande collectivement responsable mais peu encline à l'admettre.
Retrouver une identité, redevenir un « juif allemand » : même dans les années 50 et 60, celles du « miracle économique », des tardifs grands procès de nazis et de l'impossible pardon, le pari semble insensé. Les quelques milliers de juifs qui l'ont fait ont cependant posé les bases d'une renaissance, notamment culturelle, que l'auteur raconte à l'anglo-saxonne, en croisant les témoignages les plus intimes et l'analyse distanciée de l'historien.
Les chocs culturels de 1968 et de 1979 (année de diffusion du feuilleton Holocaust), la chute du mur de Berlin en 1989 et l'arrivée de près de 200 000 juifs d'ex-URSS donneront enfin aux juifs et aux Allemands ce qui leur manquait : de nouveau une histoire commune. Complexe, bien sûr, mais partagée. Au point que, pour des dizaines de milliers d'immigrants, l'ancien « pays des bourreaux » est presque devenu une nouvelle « Terre promise »...
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