Article paru dans "L'Express", le 20/12/07
Avocat de la paix, l'écrivain Marek Halter est rompu au dialogue impossible. Mais il lui arrive d'être en colère. Il s'explique.
Dans votre dernier livre, Je me suis réveillé en colère (Robert Laffont), vous imaginez un dialogue qui vous permet d'aborder tous les sujets qui vous agacent. Notamment la façon dont Israël continue d'être nié par une partie des opinions arabes. Et vous soutenez qu'on s'y prend mal, encore aujourd'hui, pour faire accepter Israël. Pourquoi?
Selon moi, il faut détacher la création de l'Etat d'Israël de la Shoah. Contrairement à ce que certains ont soutenu, Israël ne doit rien à la Shoah, car c'est en soi un Etat légitime sur la seule base du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Israël est né parce qu'il y avait sur place une communauté juive anciennement installée qui ne cessait de croître au long des persécutions et des pogroms. Pour imposer leur volonté d'indépendance, les juifs n'ont pas hésité à recourir au terrorisme. C'est ainsi que la Grande-Bretagne a posé le problème de la Palestine à l'ONU. C'est là, peut-être, que la mauvaise conscience occidentale, après la Shoah, a joué dans le vote qui a abouti à la reconnaissance de l'Etat d'Israël et au partage de la Palestine, en 1947.
Peut-être, mais je pense avoir raison. L'Etat d'Israël formel existait déjà dans les années 1920 et disposait d'un parlement, d'une administration, d'un gouvernement, d'une force armée, de services secrets... Du reste, Arafat a essayé de copier ce modèle, en vain. Israël n'est pas le résultat d'une charité internationale: on ne donne pas un Etat en cadeau. Ce fut un combat et non une réparation; de toute manière, aucune terre, même si elle était dix fois plus grande, ne pourrait racheter 6 millions de morts.
Je n'en sais rien. J'ai été le premier juif pro-israélien à aller voir Arafat, en 1968, alors qu'il vivait encore près d'Amman. Et je n'ai cessé de lui demander de s'adresser directement au peuple israélien parce qu'il existe en son sein une proportion importante de citoyens qui peuvent peser sur leur gouvernement. Je lui ai même proposé de rédiger un texte en hébreu et de lui amener toutes les télévisions du monde. Il n'a jamais voulu. Un mois et demi avant sa mort, il m'a finalement demandé ce texte: «Where is your draft?». Il voulait le prononcer publiquement. Je suis rentré à Paris. Et je n'ai pas pu l'écrire. Dix jours plus tard, Yasser Arafat m'a fait rappeler. Je ne l'avais toujours pas écrit. La semaine suivante, il tombait malade et prenait le chemin de la fin. Je me suis alors tourné vers Mahmoud Abbas pour tenir ma promesse, mais ce dernier n'a pas manifesté le même intérêt.
Croyez-vous qu'un jour la légitimité d'Israël sera reconnue par tous les Palestiniens?
Ce conflit va aboutir, quoi qu'il en soit, à la création d'un Etat palestinien à côté d'Israël. Donc les gens qui meurent, désormais, meurent pour rien. Je pars du principe qu'il faut parler avec ses ennemis. Je n'ai pas à les aimer; eux non plus. Mais si l'avenir du Moyen-Orient dépend de leur attitude, mon devoir d'intellectuel est d'aller les rencontrer. J'ai rencontré Khaled Mechaal, le fondateur du Hamas, en exil à Damas, et je lui ai dit qu'à cause de son attitude Israël aurait toujours raison sur ses adversaires. Il s'est énervé et m'a demandé de m'expliquer. Je lui ai dit qu'Israël était un peuple magnifique, qui a réalisé de grandes choses, mais qu'il y avait sans doute beaucoup à critiquer. «Or, ai-je ajouté, tant qu'il y aura des forces qui souhaitent la disparition d'Israël, nous, les juifs de la diaspora, ferons bloc avec Israël et tairons nos critiques à son égard face aux menaces que vous faites peser sur les juifs.»
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