Grâce à son style onirique et son imagination poétique, Chagall propose une belle représentation de l’histoire juive.
S’il est bien un endroit où il n’est pas agréable de se rendre, surtout en vacances, c’est un hôpital. Pourtant, l’hôpital Hadassah de Jérusalem fait exception à cette règle. Et ce n’est pas parce qu’il constitue l’un des hôpitaux les plus modernes d’Israël, qu’il mérite le détour.
En revanche, il comporte une petite synagogue dont la particularité est d’être décorée de 12 vitraux que Chagall a réalisés en hommage à l’histoire du peuple juif et en souvenir de sa vie passée dans le shtetl (village juif) de Vitebsk en Biélorussie. Il les a gracieusement offerts à l’hôpital Hadassah, couronnant ses visites en Israël et manifestant son attachement à ce pays.
Fabriqués en 1961, ils ont d’abord été exposés au Musée des Arts décoratifs de Paris, puis quelques mois au Musée d’art moderne de New York, de sorte que leur renommée internationale était déjà faite à leur arrivée en Israël au moment de l’inauguration de la synagogue en 1962. S’ils ont été endommagés pendant la guerre des 6 jours en 1967, Chagall a tenu à pourvoir à leur réparation, qui a pris plus d’un an.
De forme et de taille identiques, ces 12 vitraux ont été disposés par groupe de 3 sur la partie supérieure des 4 murs de la synagogue, formant une combinaison de lumières et de couleurs. Mais, ces vitraux sont exceptionnels à deux égards : leur emplacement et leur technique de fabrication.
En effet, le recours au vitrail est très rare pour la décoration d’une synagogue. Il se retrouve en général dans les églises et les cathédrales, cette technique étant considérée comme typique de l’art chrétien. Mais les thèmes choisis par Chagall se marient parfaitement avec l’endroit : chaque vitrail, portant une couleur dominante parmi le bleu, le rouge, le vert, le jaune, et l’orange, est consacré à l’un des 12 fils de Jacob tels qu’ils sont décrits dans le livre de la Genèse : Ruben, Siméon, Levi, Juda, Zabulon, Issachar, Dan, Gad, Aser, Nephtali, Joseph, Benjamin, et des 12 tribus qui en découlent.
Ces vitraux tendent à renouer avec la tradition de représentation qui a existé dans le judaïsme, perdue au VIIè siècle à la fois sous l’influence de l’Islam qui interdit l’iconographie en Orient, et en réaction au christianisme idolâtre en Occident. Pour autant, aucun être humain n’est représenté en tant que tel : on y trouve des animaux, des fleurs, des soleils, des bateaux, des candélabres, de nombreux symboles juifs, et comme seule « allusion » au corps humain, des mains. De sorte que les traits de caractère et la vie de ces fils sont illustrés avec force et mystère.
De plus, Charles Marq, assistant de Chagall, a mis au point un processus de fabrication mêlant le verre à des acides, et permettant de superposer différentes couleurs sur un même espace de verre, qui reste cependant très fin en épaisseur. Cette technique se distingue de la technique traditionnelle qui impose d’isoler chaque morceau de verre peint par des bandes de plomb. Elle crée ainsi une sensation d’intense profondeur. Du point de vue esthétique, le résultat est saisissant.
Chagall, grâce à son style onirique et son imagination poétique, propose une belle représentation de l’histoire juive. Si l’on prend le temps de poser son regard et de s’enfoncer dans les vitraux, on découvrira les motifs et les détails qui les parcourent, d’ailleurs changeants en fonction de la lumière extérieure ; on les laissera remonter du niveau de la création à la surface du visible, telle une révélation.
Source : israelValley
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