Témoignage exclusif de notre contributrice, Ilana Mazouz : « Mon service militaire dans Tsahal ».
ISRAËL est une rose entourée d’épines qui a besoin de protection ; la protection de son peuple.
Les lecteurs d’ALLIANCE connaissent déjà le nom d’Ilana Mazouz : la jeune Française de 22 ans publie régulièrement des articles sur notre site, notamment dans la rubrique Antisémitisme/racisme.
Récemment engagée au sein de Tsahal dans le cadre du service militaire, elle a choisi de faire partager son expérience. Un témoignage émouvant et souvent drôle…
La découverte du centre d’incorporation.
Le soleil se lève, il fait beau. J’ai rendez-vous à 7h30 sur le site de Tel Hashomer, plus précisément au centre de recrutement du camp Yaakov Dori.
Tsahal mon nom sur le tableau noir
Bus de tsahal avec Ilana Mazouz
A l’accueil, une première « épreuve » m’attend : une demi-heure d’attente avant que mon nom n’apparaisse enfin sur un grand écran noir ! Je peux alors me diriger vers le bus ; un bus symbolique car, cent mètres plus bas, il s’arrête…
Au Bakoum, un soldat peu aimable indique qu’il faut ranger téléphone et cigarettes dans le sac et placer l’ensemble dans le marsane1. Examens de santé et formalités administratives s’enchaînent : radio dentaire, vaccins, relevé d’empreintes digitales… Après avoir fait une photo pour ma carte d’identité militaire, je reçois ma plaque et - élément capital - mon uniforme ! Le kit bag comprend :
Chemise/pantalon
Chaussures
T-shirt
Bombe lacrymogène
Et autres…
Ilana Mazouz en soldate de tsahal
Manque de chance, la soldate qui m’a « évaluée » d’un coup d’oeil m’a donné du 36 ; or je fais du 38…
La mefakedet2 qui lui succède - 18 ans environ -, est très désagréable. Interdiction de lui parler ou de la regarder ! Elle nous emmène à la cantine à la queue leu leu, deux par deux ; après le repas, nouvelle attente - de plus d’une heure - pour prendre le bus. Peut-on fumer ou utiliser son portable ? Même pas en rêve !
Cette discipline de fer, ces interdictions, sont nouvelles pour moi : écrasée de chaleur, soudain je fonds en larmes…
Une jeune recrue, mefakedet, tente de me réconforter : « Ne t’inquiète pas ma belle, ce n’est qu’un jeu, on est tout de même à l’armée ! ».
Nous embarquons en direction de ma future base et j’explique à l’une des chefs que je ne parle pas très bien l’hébreu : je suis une « soldate isolée »… Elle m’aide alors à remplir certains formulaires.
A la descente du car, vingt-cinq minutes plus tard, les ordres fusent : nous avons 60 secondes pour aligner nos sacs et nous mettre au garde-à-vous, avec les pieds en V et les mains derrière le dos ! Ici, tout est chronométré. Dans notre bâtiment - le « Hilton » -, on dort à six par chambre sur des matelas de deux centimètres…
J’ai l’impression d’être dans un mauvais film ! Je veux rentrer chez moi !
Il est 17 heures, le repas va me faire du bien. Nous nous mettons en het3, faisons le garde-à-vous face à une chef qui nous souhaite « bon appétit » ; formule que nous lui adressons en retour. 15 minutes pour manger avec, au menu, des pommes de terre trop cuites et des pâtes sèches…
Nos effectifs - environ 70 nouvelles recrues - se voient ensuite divisés par groupes de six et attribués un chef : j’ai la chance de tomber sur un homme 😉 qui nous explique le fonctionnement des entraînements effes shteiim4.
Inutile de préciser que « l’heure de repos » du soir - pour se doucher, appeler sa famille, fumer - semble filer en une seconde ! Et qu’après s’être de nouveau mises en het pour écouter les consignes délivrées par la « grande chef » pour le lendemain, nous profitons d’une relative liberté, dans nos chambres, pour nous jeter sur nos téléphones…
2ème jour au Bakoum.
5 heures du matin !!!
J’entends crier dans le couloir : « Tout le monde en bas ! ».
Encore somnolente, j’enfile mes baskets sans rien comprendre et descends en pyjama ; il fait nuit. Une fois que nous nous sommes « mises en place », le chef nous ordonne de remonter pour nous mettre en uniforme puis de redescendre immédiatement. Dans l’obscurité car il éteint la lumière ; nous obéissons aux ordres. Satisfait, le chef nous accorde alors 3 minutes pour nous laver les dents et redescendre une nouvelle fois pour prendre le petit déjeuner.
Pudding blanc chaud et écoeurant, œufs durs, salade de tomates-concombres mais… pas de café ! Pas de café ? Je sors sans permission pour fumer ; en rentrant, je me sens mal. On me remet sur pieds.
Plus tard on récupère un second kit bag avec de vraies affaires de combattants : casque, gilet, gourdes, gants, masque… Avec la chaleur, le sac pèse encore plus lourd mais on est à l’armée, il faut souffrir en silence.
Vient ensuite le cours d’armes : Tavor, Galil, M16 ; notre arme nous sera seulement attribuée en deuxième semaine. J’ai tellement hâte !!!
Comme nous allons rentrer chez nous pour Chabbat, nous avons le droit de voir un film 😉 L’histoire d’un soldat qui quitte sa base pour aller à un mariage où il retrouvera sa famille, rate son bus et fait du stop. Dans la voiture qui le charge, se trouvent un homme portant un uniforme de Tsahal et une femme, endormie… Le soldat disparaît, on finit par le retrouver en contrebas de la route ; mort.
Ce film me bouleverse et m’angoisse : j’appartiens désormais aux effectifs de Tsahal, une armée certes puissante mais dont les ennemis arabes sont nombreux !
Quoi qu’il en soit, je suis fière de porter cet uniforme. Si je renonçais - j’en ai souvent envie -, je n’aurais aucun mérite et le regretterais terriblement !
Parenthèse civile pour Chabbat.
Le jour du « retour » à la maison, arrive enfin ! Mais attention : avant de partir, il faut ranger les matelas dans une salle spéciale, faire le ménage et attendre, encore attendre… Debout dès 6h, nous ne partons qu’à 10h30 !
La vie civile - pour une militaire -, est d’une douceur exquise : une fillette me prévient que mon béret va tomber ; un homme me demande si mon sac n’est pas trop lourd - je deviens méfiante quand il m’interroge sur ma base et ce que j’y fais ; des jeunes, dans l’escalier de mon immeuble, me proposent de monter mon sac jusque chez moi… Ils ignorent que j’habite au 3ème étage sans ascenseur 😉
HOURAAAAAAAA !!!!!!
Je suis chez moi, à la maison !
Et je me précipite sous la douche : celles de la base étant communes, je leur ai préféré les lingettes ; question de pudeur.
Comme je suis bodedet5, une chef m’apporte des couverts pour la maison (assiettes, verres etc.), suivie d’un traiteur pour le repas de Chabbat.
Emotion garantie, durant cette « pause »…
Difficile retour à la base et fierté de porter une arme.
Fin du Chabbat, retour à la base : à mon angoisse s’ajoute un extrême agacement à l’égard d’autres recrues qui, dans le train, ne cessent de hurler !
A la station Pardes Hana, les « exercices » recommencent - formations en het, alignements de valises (mal faits donc à recommencer), longue attente jusqu’à ce que le bus arrive - puis, à la base, les réveils à 5 heures… Direct en tenue de sport ! Au programme : pompes, abdos, course et nombreuses autres « réjouissances ».
Nous recevons nos armes : avec mon M16 autour du bras je suis tellement fière, je me sens si puissante… 😉
Lorsque le bout de mon arme touche les autres recrues et que celles-ci s’alarment, je leur réponds : « Vous n’êtes pas sérieuses ? L’arme est vide, il n’y a pas de balles ! ».
Après un cours d’armes et avoir appris à les nettoyer, nous nous entraînons à viser : j’obtiens 6/6 !
LE passage obligé pour toute « bonne soldate française »…
Etrangement, juste après avoir brillé au tir, j’ai un malaise ; sérieux. Accompagné d’une violente crise de larmes. Le hopel6 qui m’examine m’envoie consulter un autre médecin à l’infirmerie, qui m’adresse à son tour à l’hôpital.
J’honore donc la réputation des soldates françaises, en bénéficiant à mon tour de guemilim7 ; de sept, très précisément. Cela me fait du bien mais quel ennui !
La fin des entraînements approche, je m’en réjouis. Suis pourtant si stressée que, progressivement, je n’ai plus goût à rien. Un jour, je ne peux plus bouger ni parler, restant dans la même position pendant plus d’une heure : une cinquantaine de chefs viennent me voir mais rien n’y fait. Je finis par réussir à me rendre à l’infirmerie, accompagnée de la chef la plus agréable : ma tension est basse, sans que ce soit préoccupant. La chef me parle de façon personnelle, oubliant nos « rangs » respectifs… Je lui confie alors ma sensation d’enfermement voire d’emprisonnement, lui explique que ma famille me manque et que j’en arrive à ne plus avoir envie de vivre…
Après une conversation avec la « grande chef » de notre groupe, je retrouve ma motivation !
Et je réussis à canaliser mon stress.
Quelle affectation dans l’armée1?
Après cette « grosse déprime », je subis un choc : mon chef suggère de m’attribuer un poste de cuisinière, pour mes deux prochaines années !
Révoltée, je décide de convaincre la personne qui décidera de mon affectation de mes capacités à servir efficacement Israël, grâce notamment à ma maîtrise du français. Venant de France et âgée de 22 ans, j’ai vraiment CHOISI de m’engager dans Tsahal !
Mon discours sioniste séduit la responsable, qui songe pour moi à une unité s’occupant des invités français arrivant en Israël…
La mission que je remplis ensuite me convainc définitivement de mon « inaptitude » au poste de cuisinière ou, plutôt, de « lave-vaisselle » ! Durant une soirée entière je dois nettoyer les couverts sales : je m’absente toutes les dix minutes pour échapper à cet « enfer », jusqu’à ce que la fin de repas arrive. Me croyant libérée, je découvre alors qu’il faut maintenant nettoyer la salle à manger, les cuisines, la vaisselle, des casseroles énormes et même, préparer le petit-déjeuner pour le lendemain…
Dans un élan de « folie », je m’empare finalement du liquide-vaisselle et parcours les salles en le portant contre moi comme s’il s’agissait d’un bébé… Quand le cuisinier m’aperçoit, il éclate de rire et a du mal à s’en remettre ! Mais mon chef arrive…
Le GRAND JOUR.
Les deux jours précédant la cérémonie, nous n’avons que des cours. La veille, nous répétons et… le GRAND JOUR arrive enfin 😉
En présence de nos familles et de nos amis, nous sommes toutes alignées : on nous appelle par nos prénoms pour que nous rejoignions la « grande chef ». Après avoir répondu « Oui chef », nous nous dirigeons vers elle et la saluons, main droite sur les sourcils. Elle nous renvoie le signal puis on nous tend une arme, en main droite, et une Bible, en main gauche. On prononce alors ces mots : « Oui chef, je promets ».
« Oui chef, je promets ». Je le dis, les larmes aux yeux. Puis je regagne ma place.
La cérémonie s’achève par l’Hatikva…
Durant cette expérience très éprouvante d‘un mois, j’ai énormément pleuré, frôlant la dépression. Cela m’a néanmoins permis de prendre conscience de l’importance de la vie et de la liberté. Du dépassement de soi pour un idéal.
Si j’ai réussi à tenir, c'est grâce à ma foi en Israël.
Tous les matins, en chantant l'Hatikva devant le drapeau israélien, je replongeais dans les périodes les plus sombres du peuple juif. A 22 ans, pourquoi étais-je là au lieu de m’amuser à la plage avec mes amis ?
Notre pays est une rose entourée d'épines qui a besoin de protection ; la protection de son peuple.
Aujourd'hui, moi, Ilana Mazouz, soldate d'Israël, je promets de servir mon pays pour le protéger de ses ennemis.
Ilana MAZOUZ - journaliste, investigatrice.
Avec le concours de Lydie LEVINE.
1 - Réserve.
2 - Chef.
3 - Lettre hébraïque en forme de U à l’envers.
4 - semaines d'entraînement intensif »
5 - Soldate isolée.
6 - Médecin.
7 - Jours d’arrêt maladie.
8 - En Israël, le service militaire dure deux ans pour les filles et trois ans pour les garçons.