Article paru dans "Le Monde",le 15/09/08
Regard bleu laser, lèvres serrées et tailleur noir sur chemisier blanc : le portrait officiel de la campagne de Tzipi Livni est à l'image du personnage : chic et sévère. Dimanche 14 septembre, pour son ultime meeting avant les primaires de Kadima, prévues ce mercredi, la ministre des affaires étrangères d'Israël a conforté cette réputation par un discours dépourvu de fioritures et d'émotion.
Face à cinq cents de ses partisans réunis dans une salle du parc des expositions de Tel-Aviv, la favorite des sondages a pris soin d'ignorer les provocations de ses adversaires et s'est gardée de toute envolée pour mieux promouvoir sa "vision" et son "sens des responsabilités". A deux jours d'un scrutin susceptible de la propulser dans le fauteuil de premier ministre, elle a récapitulé les grandes lignes de son programme, axé sur un balancement parfaitement centriste entre "sécurité" et "concessions". "Il n'y a plus de droite et de gauche, il n'y a plus de camp de la terre d'Israël et de camp de la paix, a déclaré Tzipi Livni à la tribune. Pour conserver un Etat juif et démocratique, il nous faudra créer un Etat palestinien. Nous renforcerons la sécurité tout en avançant vers la paix".
La nouveauté dans le discours est venue de l'appel insistant à la mobilisation des électeurs. Bien que les enquêtes d'opinion lui accordent une dizaine de points d'avance sur son principal concurrent, le ministre des transports Shaul Mofaz, Tzipi Livni a sommé ses partisans d'aller voter en masse. "N'écoutez pas les sondages qui vous disent que je vais gagner. Mercredi, nous aurons besoin de chaque vote. Il faut que vous travailliez comme si tout dépendait de vous." Derrière cette injonction, flotte l'impression, dépeinte dans plusieurs articles de presse, que M. Mofaz dispose d'une organisation de terrain plus performante que celle de Livni. Un avantage qui pourrait lui permettre, le jour du scrutin, de compenser son déficit de popularité par une participation accrue de ses sympathisants.
Les commentateurs israéliens n'ont pas oublié la déconvenue de Shimon Pérès, l'actuel chef de l'Etat, lors des primaires du Parti travailliste en novembre 2005. Donné gagnant par les sondages, le vétéran s'était fait battre sur le fil par l'ancien leader syndical Amir Péretz, dont l'équipe de campagne avait su conduire aux urnes un nombre supérieur de votants. Autre motif d'inquiétude pour Tzipi Livni, le risque d'une désaffection de l'électorat de Kadima du fait de l'avalanche de scandales impliquant le premier ministre Ehoud Olmert. "Je prouverai à ceux qui le veulent que l'on peut se conduire autrement", a assuré la candidate.
Le public, composé des cadres de terrain du parti, a accueilli ces déclarations par des applaudissements mesurés. Les slogans martelés par une poignée de jeunes militants dressés sur leurs chaises au fond de la salle n'ont pas fait boule de neige. Les discours une fois terminés, Tzipi Livni et ses lieutenants ont écouté l'hymne national israélien, la Hatikva, au garde-à-vous. Puis la ministre a serré quelques poignées de mains, avant d'être promptement évacuée vers sa voiture par ses gardes du corps.
"Elle a parlé avec tout son coeur, assure Eli Aflalo, un colosse moustachu, ministre de l'absorption des immigrants. Pas de doute, le prochain chef du gouvernement, c'est elle." Mercredi, néanmoins, il sillonnera sa circonscription, à Afula, dans le nord du pays. Il promet de "mettre de l'adrénaline dans tous les coins". Pour parer toute mauvaise surprise.