Roch-Hachana 5778 JOUR DU JUGEMENT
Mercredi soir, nous saluerons l'entrée de la fête de Roch-Hachana qui marquera l'apparition de la 5778 année religieuse de l'ère juive. Alors que partout ailleurs, un tel événement donne lieu ordinairement à des réjouissances d'une gaieté bruyante, pour nous, au contraire, il est l'occasion de réflexions sérieuses.
C'est que, selon la tradition juive, le passage d'un millésime à l'autre ne s'opère pas automatiquement. L'avenir n'est pas nécessairement le produit du passé.
Dans la course effrénée du temps, il y a une sorte de halte que D.ieu s'accorde à Lui-même pour examiner le bilan moral de l'Humanité et décider de son sort. Tel un berger faisant défiler devant lui son troupeau. Il les fait comparaître une à une devant son tribunal céleste où il remplit à la fois le rôle de Juge, de témoin et de partie adverse.
Roch-Hachana porte également le nom de « yom adin », le jour du jugement. Qui dit jugement dit mémoire, évocation du passé, confrontation. La liturgie de la fête est d’ailleurs constamment placée sous le signe du souvenir. Et l’on dit notamment: « Il n’y a point d’oubli devant ton trône de gloire »
Les hassidim ont donné une très belle interprétation de ce texte: « D.ieu se souvient de ce que l’homme oublie... » Ils disent: si l’homme ne pense qu’à ses mérites et oublie ses fautes, alors D.ieu ne se souvient que de ses fautes; mais si l’homme ne se souvient que de ses fautes, et oubli ses mérites, alors D.ieu ne prend en compte que les mérites de l’homme...
Cette fête, une des solennités les plus respectées, n’est cependant indiquée que par allusion dans la Torah: « Zi’hron teroua », souvenir par la sonnerie. La tradition juive a traduit cette invitation au souvenir par un retour à la totalité de la mémoire, jusqu’à l’événement de la Création et plus particulièrement la création de l’Homme, seul capable de souvenir.
Se souvenir de la naissance de l’Homme, c’est prendre une distance par rapport à la simple existence biologique, lui conférer un sens. Aussi les Sages d’Israël ont-ils compris que le premier mois de Tichri, jour anniversaire de l’Homme, devait être un Yom Hadin, un jour de jugement.Notre Nouvel an n’est pas qu’une commémoration, il est jour de jugement pour toutes les créatures.
Dans chaque civilisation, le nouvel an commémore l’événement le plus déterminant de son histoire celui qui a scellé son origine et qui caractérise sa spécifité.
Pour nous Roch-Hachana évoque la création du monde « Hayon arat olam » comme pour bien mettre en lumière le caractère universel du judaïsme - c’est-à-dire son insertion dans le destin du monde et vient nous enseigner que c’est l’être humain qui donne à l’ensemble de l’univers son sens ultime, sa finalité.
Suivant l’expression de la Torah, Tichri est le « septième mois », si l’on prend en référence la sortie d’Egypte. On connaît l’importance du chiffre sept dans la tradition hébraïque: le chabbat, la chemita (année sabbatique), le Jubilé. Les Sages ont également vu un lien en « chevii » (septième) et « chevia » (satiété), puisque Tichri est le mois le plus riche en fêtes et en mitzvoth, une occasion pour chaque juif de se « rassasier » de spiritualité et d’expérimenter tous les aspects de la vie religieuse, du sérieux de Roch-Hachana à la joie de Sim’hat Torah.
Tichri est un mois bien particulier. N’est-il pas le premier mois de l’année religieuse. Il ne s’agit pas d’un simple « premier janvier », marqué par une nuit de réveillon mais bien - et c’est d’ailleurs la traduction littérale du terme Roch-Hachana - de la tête de l’année. La tête est ce qu’il y a de plus élevé. C’est le centre nerveux du corps tout entier. A son niveau, le moindre accident a des effets désastreux sur le reste de l’organisme.
Rabbi Chnéour Zalman de Lady explique parfaitement pourquoi le début de l’année porte le nom de Roch-Hachana, « tête de l’année » car, tout comme la personne humaine possède une tête, qui est tête et cerveau du corps, de même, l’année possède une tête, et c’est Roch-Hachana: la tête de l’année ». Cette fête est appelée Roch-Hachana, poursuit le Rabbi de Lady, parce qu’elle est comme la tête et le cerveau d’où procède la vie par tous les membres du corps ; de même , à Roch-Hachana, s’épanche la vie pour tous les jours de l’année (Likouté Torah, Deutéronome 55c).
D’ailleurs, tandis que les autres religions fixent le début de leurs calendriers à partir d’un événement important de leur histoire (une naissance, l’hégire...), le judaïsme voit dans Roch-Hachana un événement plus universel. Les Sages relèvent le fait qu’Adam fut créé seul afin qu’il ne puisse pas dire « mon sang est plus rouge que le tien... » et aussi parce qu’un individu, seul, peut changer le cours de l’histoire. Le mois de Tichri est, d’ailleurs placé sous le signe zodiacal de la balance car, souligne Maïmonide, l’homme doit se considérer en cette période comme étant à moitié coupable, à moitié innocent.
De quoi donner matière à réflexion avant d’entreprendre une action. A chaque instant et particulièrement au seuil de la nouvelle année, Roch-Hachana, l’homme est à la croisée des chemins. Il peut continuer de végéter, de stagner ou progresser. « Chana », année, vient de la racine répéter, mais « chana » c’est aussi le « chinouï », le changement, le progrès.
Roch-Hachana, est c’est là son message essentiel, nous apporte la certitude qu’il est dans la nature de l’homme de pouvoir rompre avec son passé, se transformer, renaître à une vie nouvelle.
Claude LAYANI
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