Comme de millions de spectateurs je me suis plongée dans la saison 2 de "En Thérapie", cette fameuse série israélienne "Be Tipul" revisitée par Olivier Nakache et Eric Tolédano.
La saison 2 est sans conteste la plus réussie, c'est mon point de vue, bien-sûr mais la profondeur des personnages, la libération de Philippe Dayan, le psy, donne un relief inattendu à cette seconde saison.
La routine est rompue. Cette rupture est surprenante et force le spectateur à s'adapter tant dans un nouveau décor que dans un nouveau discours, sortir du cadre, le thème même de cette saison.
Les tabous sont franchis, les zones interdites, impensables, sont exprimées et deviennent défendables, excusables voire salutaires.
Je me suis attardée sur le générique, ce fameux générique qui prend plusieurs minutes à défiler, à un rythme si rapide que l'on ne peut qu'attraper au vol que quelques noms qui ont une résonance particulière, et un nom m'a interpellé celui de Marc Alain Ouaknin.
MAO comme l'appelle ses "disciples" n'est plus à présenter ou alors il faudrait des chapitres entiers pour tenter de décrire sa vision du judaïsme , il est rabbin philosophe, non non aucune opposition dans ces deux termes, comme il dit lui même d'ailleurs "Je suis athé, Dieu merci" C'est de l'humour, juif, certes mais si près de SA vérité.
Et là on serait tenté d'expliquer le principe du retrait de Dieu, appelé communément le "Tsitsoum" en hébreu, et c'est le grand danger avec MAO les digressions qui n'en sont pas, qu'on se le dise.
Pour l'avoir écouté, rencontré et interviewé je me suis toujours demandée, alors qu'il s'est éloigné de plusieurs milliers de mots de la première question posée à son auditoire va-t-il se souvenir de la question ? Evidemment ! Sinon il ne serait pas Marc Alain Ouaknin.
Mais malgré tout son savoir, sa capacité à raisonner dans les mots, dans les différentes langues, je voulais comprendre quel est le lien tangible entre Marc Alain Ouaknine et cette série télévisée, En thérapie.
Je n'ai rien trouvé de clair, de probant, malgré moult articles qui parle de lui ou de la série mais très peu des deux.
Alors je me suis lancée à la recherche du lien.
Je tombe "par hasard" sur une de ses conférences " Grand est le manger et au commencement est la faim", nous sommes encore une fois à des milliers de mots de ce qui me préoccupe, en apparence.
Quand tout à coup, à bout d'attente, d'écoute attentive, j'entend Marc Alain Ouaknin parler du Procès de Kafka et explique que l'oeuvre de Kafka se base sur la rupture du principe de causalité contrairement à notre logique occidentale où tout a une raison d'être ou rien n'existe sans raison.
Et soudainement le lien apparaît, une synchronicité émerge, et il pose la question :
"Mais qu'est ce que la psychanalyse ?" " Le principe de la causalité a été mise à défaut par la psychanalyse.
La psychanalyse est justement la rupture de la causalité.
"Ce que Freud découvre est que dans le processus des rêves la causalité n'existe pas."
dit-il
Mais le plus surprenant est lorsqu'il fait un détour, ou un retour devrai-je dire, au Talmud.
D'ailleurs que serait la psychanalyse sans le Talmud ? Lacan ne disait-il pas
"il y a deux façons de se soigner, 20 ans sur le divan d'un psy ou étudier le Talmud".
Cela en dit long sur l'importance de la question. La réponse n'est pas importante.
D'ailleurs, à mon tour de faire une petite digression, dans un épisode de la série, Claire jouée par Charlotte Gainsbourg pose la question à Philippe Dayan " Savez vous comment est appelé le monde des morts dans la Bible ? " Elle répond " CHEOL" la question.
Les morts retournent à la question alors que les vivants cherchent la réponse.
On frôle le sublime du texte en filigrane, toute en subtilité, à aucun moment on ne parle du judaïsme, ni de l'ancien testament, mais les deux se reconnaissent car exprimés par des initiés celui qui dit et celui qui écoute.
Mais revenons à Marc Alain Ouaknin. Il rappelle le commandement, la mitsva dans le Talmud qui ordonne " Si par hasard tu vois un nid d'oiseaux avec la mère et ses petits. Renvoie la mère et prend les petits".
Voilà un commandement qui en première lecture et parfois même en seconde, jette l'effroi, l'horreur,l'indignation.
Mais le Talmud explique de façon magistrale ce que représente ce commandement :
" Le nid d'oiseau c'est le principe de causalité qui n'existe pas dans la langue hébraïque." .
"L"hébreu n'a pas de mot abstrait, n'a pas de concept abstrait et ne peut pas désigner le principe de causalité" " En revanche les images oui ".
Mais quel rapport entre un nid d'oiseau et la mère à chasser ?La mère représente la causalité et l'enfant l'effet.
Nous sommes, nous existons grâce à une mère, nous sommes le résultat d'une rencontre.
La mère représente la cause, l'enfant l'effet. Le rapport mère à enfant et le rapport cause à effet.
Ce qui ne s'explique pas avec les mots s'explique avec les images dans le Talmud et dans la psychanalyse.
D'ailleurs, en hébreu l'effet d'une cause se dit "TOLADA" et "TOLDOT" au pluriel qui veut dire engendrements.
Ainsi, le nid d'oiseau ne représente pas seulement la mère, pas seulement l'enfant, mais le lien entre la mère et l'enfant donc le nid d'oiseau représente le principe de causalité.
Ainsi ce commandement, n'est pas de renvoyer la mère mais de renvoyer le oui, de renvoyer au principe de causalité,et nous invite à réfléchir avec un principe qui ne soit pas causale.
Car il n'y a aucun lien à renvoyer la mère et garder les petits, il n'y a aucune cause à effet selon notre pensée occidentale mais le nid représente la causalité.
Alors à la question est-ce que la psychanalyse est une possibilité ou une mitzva ?
Si, comme nous venons de l'expliquer la psychanalyse Inventée par Freud nous invite à penser en dehors du principe de la causalité ? La réponse est oui.
Dans le Talmud comme dans la psychanalyse ce qui compte est le "sans raison."
La rupture du principe de la causalité permet de chercher au delà de la raison, du conscient.
L'inconscient devient alors le principe fondamental de notre pensée dites raisonnée alors qu'elle ne l'est pas, et ne peut pas l'être.
Ainsi,en hébreu lorsque l'on pose la question "Lama ?" "Pourquoi ?" et qu'il n'y a pas de raison la réponse fuse par un "CARA" "Comme ça" tellement similaire à un "KAFKA" Rappelons "Le Procès" où Kafka se fait arrêter... sans raison.:-)
Quel est l'intérêt de ne pas trouver de raison dans une situation ?
Simplement de dépasser le raisonnement rassurant, ronronnant, apaisant, et rechercher avant tout l'"intranquilité" terme existentiel et récurrent dans les conférences de Maître Marc Bonnant
L'"intranquilité "est de chercher les questions, toujours, et d'éviter la réponse.
Les réponses sont des certitudes qui nous enferment, qui nous encerclent, qui nous limitent.
Ah ! heureux l'homme et la femme qui étudient le Talmud et qui puisent la science de la question.
Ne dit on pas, que ce qu'il y a de merveilleux, de magique, dans le Talmud est que l'on trouve le pour et son contraire.
Y-a-t-il meilleure preuve de la puissance de la question et de la fragilité de la réponse ?
J'espère ne pas avoir répondu à la question à savoir quel est le lien entre Marc Alain Ouaknin et la série télévisée En thérapie, afin, qu'à votre tour votre recherche vous mène à un nouvel questionnement.
Claudine Douillet
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