La complexité des êtres et des mondes : Carole Zalberg
Carole Zalberg, "A la trace", Intervalles Editions, 88 p.
Le livre - sorte de fiction générale en gestation - de Carole Zalberg (issue d’une famille polonaise exilée en France à la veille de la guerre de 1940) répond à un « projet de fiction inspiré de la vie de trois cousins germains nés là-bas ».
Passant un mois près d’eux l’à Tel-Aviv l’auteure y transcrit son journal de voyage au sein d’une chronique de la rencontre et des retrouvailles. Il propose un maillage nostalgique de remémoration au sein d’une terre qui reste pour Carole Zalberg l’ « ancrage » capable de résister aux incertitudes des lendemain.
Dédié à sa tante et sa mère qui furent toutes deux cachées pendant la guerre afin d’échapper à la Shoah ; de livre fait suite à « Chez eux » où l’auteur imaginait les douleurs des séparations. Sa tante a choisi dès 1946 de partir pour Israël et de participer à fondation d’un des premiers kibboutz de Galilée. Sa mère préféra rester en France pour donner à sa fille une vie moins austère que celles inhérente aux pionniers. Le livre met l’accent sur les malentendus inhérents à ces choix de vie de famille que l’exil rapproche et éloigne.
Revenant en Israël trente ans après son dernier voyage la Parisienne » qui passait ses vacances dans le kibboutz de sa tante prolonge sa réflexion à la fois sur sa judéité et sur son second pays. Elle y retrouve des sensations de sa jeunesse, rencontre non seulement sa famille mais des écrivains. Mais plutôt que dérouler à sa main la géopolitique du temps elle scrute ce qu’elle nomme des « géographies intimes » qui en s’éloignant des problématiques « classiques ».
L’auteure se « contente » (mais c’est ce qui fait le prix de son témoignage) d’offrir sa vision impressionniste toute en pudeur et modestie. En émanent des sentiments diffus et opposés ; la confiance butte sur le désarroi, la joie se mêle à la détresse à travers un récit d’émotions et la beauté des paysages. Carole Zalberg poursuit l’évolution de sa pensée et de son être tiraillés par l’éclosion progressive d’une hybridation née l’exil et de la disparition, de la trace des morts dans le vivants.
Un tel livre représente un « work in progress» où la diversité, la complexité et un certain mystère nourrissent moins la résilience (ce mot valise) que la transmission.
Y planent aussi ce qui est souvent tu : la présence de Tsahal et le rapport que la jeunesse mais aussi les parents entretiennent avec l’armée et des guerres jugées parfois justes parfois absurdes.
Pour beaucoup d’entre ceux qui ont cherché refuge en Israël pour se reconstruire voir leurs enfants exposés à la mort n’est pas une simple affaire et suscite bien des interrogations dont les questions ne sont pas simples.
Jean-Paul Gavard-Perret
Vos réactions