« J’ai passé ma journée au parquet de Saïda. La procureure générale était absente. Nous lui avons téléphoné, en vain. Nous nous sommes rendus à la gendarmerie, nous n’avons rien pu faire. Les travaux peuvent continuer en week-end et d’autres cimetières seront détruits. »
Bassem el-Hout, avocat de la communauté juive du Liban, est furieux.
À Saïda, il a tenté en vain d’obtenir l’arrêt des travaux d’agrandissement de l’autoroute du Liban-Sud, qui ont causé la destruction en trois endroits de l’enceinte protégeant le cimetière juif de la ville ainsi que l’affaissement de plusieurs tombes.
« Les membres de la communauté, qui vivent aux États-Unis, au Mexique et en France, et dont les parents et les ancêtres sont enterrés dans ce cimetière, sont hors d’eux mais nous étions incapables de faire quoi que ce soit aujourd’hui », a déclaré M. Hout à L’Orient-Le Jour, indiquant qu’il s’était rendu à Saïda pour déposer une plainte contre des inconnus, ceux dont l’enquête montrera qu’ils sont responsables de la destruction de l’enceinte protégeant le cimetière. « S’ils continuent les travaux en week-end, d’autres pans de l’enceinte s’effondreront et d’autres tombes s’affaisseront », martèle-t-il, précisant que les travaux ont commencé dans le cimetière « il y a peut-être trois semaines ».
Le cimetière juif de Saïda s’étend sur 30 000 mètres carrés. Les juifs de Deir el-Qamar et du Chouf étaient arrivés en masse à Saïda après les massacres druzo-chrétiens de 1860. C’est à cette époque également qu’un nombre d’entre eux s’est établi à Tripoli et à Beyrouth, où des membres de la communauté vivaient déjà.
Rouleau compresseur
C’est Nagi George Zeidan, chercheur et spécialiste de la communauté juive au Liban, qui a découvert les travaux la semaine dernière en se rendant au cimetière. « L’enceinte pour protéger le cimetière avait été construite en 2015 suite à un don d’un juif libanais vivant à Paris dont les parents et les grands-parents reposent au cimetière.
J’avais été chargé aussi de nettoyer les tombes dont certaines s’étaient affaissées en 1992 lors de la construction de la première autoroute », raconte-t-il. C’est lui qui a tiré la sonnette d’alarme en prévenant le conseil de la communauté juive au Liban et en publiant des photos sur Facebook.
« Le cimetière abrite 303 tombes. Je les avais toutes répertoriées. J’ai été très surpris la semaine dernière de découvrir que des pans de mur s’étaient effondrés et de trouver un rouleau compresseur en train d’aplanir le terrain à l’intérieur du cimetière », raconte-t-il, ajoutant que « le mur ouest du cimetière le séparant de l’ancien bord de mer est tout à fait démoli par des pelleteuses et autres engins du genre. Ces machines se trouvent bien à l’intérieur du cimetière juif, de fait elles touchent le sable des tombes dégradées, abîmées et partiellement détruites (suite aux premiers travaux routiers en 1992 et à des actes de vandalisme ayant eu lieu dans le passé) ».
« Les travaux actuels sont le fait de la construction d’une nouvelle autoroute allant de la côte de la corniche de la mer de Saïda vers le sud du Liban. D’après ce que j’ai vu, l’autoroute vers le Sud passera derrière le mur, et celle du retour du Sud vers la corniche de Saïda passera à l’intérieur du mur, c’est-à-dire à l’intérieur de la zone du cimetière juif de Saïda », précise-t-il.
Il convient de souligner qu’au Liban, les terrains appartenant aux communautés (waqf) et parmi lesquelles figure la communauté juive sont protégés par la loi.
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