La cataracte soignée par une molécule cousine du cholestérol

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traitement de la cataracte sans chirurgie

La cataracte soignée par une molécule cousine du cholestérol
Fabien Goubet
Opération chirurgicale au plus fort taux de réussite, la cataracte pourrait aussi être combattue par un traitement au lanostérol. (Dwi Oblo/Reuters)

La chirurgie ne sera peut-être bientôt plus la seule solution pour soigner cette affection qui rend opaque le cristallin. Une approche thérapeutique inédite recourt à une molécule cousine du cholestérol, le lanostérol, qui est directement injectée dans l’œil

Si en lisant cet article vous voyez apparaître un voile dans votre champ de vision et que la lumière agresse votre rétine, c’est peut-être que la cataracte vous guette. Pour l’heure, la seule option thérapeutique passe par la case chirurgie. Mais des travaux publiés ce jeudi 23 juillet dans la revue Nature laissent entrevoir une nouvelle approche pour soigner ce trouble ophtalmique, basée sur un traitement médicamenteux à base de lanostérol, un précurseur du cholestérol.

La cataracte est provoquée par une opacification du cristallin, lentille située juste derrière l’iris. Le rôle de ce dernier est double, «concentrer les rayons lumineux sur la rétine et «faire l’autofocus» en changeant de forme», explique Damien Gatinel, chirurgien à la Fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild (Paris).

Sa transparence s’explique par la nature particulière des cellules qui le constituent: leur milieu interne, le cytoplasme, est dépourvu d’organites, la machinerie cellulaire dont font partie le noyau et les mitochondries.

Contrairement à celui de toutes les autres cellules connues, leur cytoplasme est donc totalement homogène et rempli d’une famille de protéines appelées les cristallines. Parfaitement ordonnées les unes par rapport aux autres, ce sont elles qui assurent la transparence en laissant passer la lumière sans que celle-ci subisse de dispersion.

Le vieillissement, les rayons ultraviolets ou encore certaines anomalies génétiques altèrent en effet la structure des cristallines qui s’agrègent entre elles et dispersent les rayons lumineux: le cristallin devient opaque et c’est la cataracte.

La seule issue à ce jour consiste en une intervention chirurgicale où l’on retire le cristallin de sa capsule pour le remplacer par une lentille synthétique en matériau biocompatible.

Sans cette intervention, la cataracte entraîne la cécité. Près d’un cas de cécité sur deux dans le monde est dû à une cataracte non opérée, d’après l’Organisation mondiale de la santé.

Pour les pays en développement, où cette chirurgie demeure rare, un traitement médicamenteux de la cataracte prendrait tout son sens. Un pas dans cette direction vient d’être fait par une équipe sino-américaine. Ling Zhao, de l’Université du Sichuan, et ses collègues sont en effet parvenus à soigner les yeux de chiens atteints de cataracte sans aucune chirurgie, simplement par injection d’une solution à base de lanostérol, un précurseur biologique du cholestérol et d’autres stéroïdes.

Le lanostérol est une molécule que les scientifiques connaissaient déjà pour sa relation avec la cataracte. Certains enfants ne possédant pas ou peu de lanostérol (en raison d’une mutation génétique qui altère son processus de fabrication) souffrent de cataracte dès leur plus jeune âge.

L’équipe de Ling Zhao a dès lors voulu vérifier si cette molécule avait un quelconque effet sur le cristallin et en particulier sur l’agencement des cristallines. Ils ont pour cela collecté les cristallins de lapins atteints de cataracte et les ont laissé barboter dans une solution de lanostérol. Résultat, au bout de six jours, une grande partie de la transparence des cristallins a pu être restaurée.

Poursuivant les expérimentations in situ, Ling Zhao et ses collègues ont injecté une solution contenant du lanostérol dans les yeux de chiens – bien vivants, cette fois – atteints de cataracte. Même constatation: au bout de quelques semaines, le cristallin des chiens est redevenu beaucoup plus transparent qu’il ne l’était avant le traitement.

Par quel mécanisme le lanostérol a-t-il «rajeuni» le cristallin? Une chose est sûre: la molécule a désagrégé les amas de cristallines qui se sont convenablement réordonnées, comme l’ont confirmé des observations microscopiques in vitro. Mais comment, les auteurs l’ignorent.

Cela pourrait venir des propriétés chimiques du lanostérol. De nature dite amphipathique, il possède à la fois des parties insolubles et des parties solubles dans l’eau, «ce qui lui permettrait de solubiliser petit à petit les agrégats protéiques, avance Ling Zhao dans Nature. Le lanostérol joue un rôle clé dans l’inhibition des agrégations de cristallines et dans la formation de la cataracte.»

Cette découverte pourrait déboucher sur un traitement pharmacologique qui constituerait une intéressante alternative à la chirurgie, concluent les auteurs. «De nombreux facteurs génétiques ou métaboliques contribuent à l’apparition de la cataracte. Rien ne garantit que le lanostérol puisse guérir toutes les formes de cataracte connues», tempère Francine Behar-Cohen, directrice médicale de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin à Lausanne.

La spécialiste y voit toutefois un intérêt: un médicament éviterait la cataracte secondaire, une opacification de la capsule du cristallin qui survient généralement suite à l’implantation de la lentille synthétique.

Les travaux sur le potentiel thérapeutique du lanostérol devront donc être poursuivis, notamment pour vérifier s’ils sont confirmés chez l’homme. Et aussi pour trouver un mode d’administration plus simple, le lanostérol ayant ici été encapsulé dans un nanovecteur injecté dans la pupille à l’aide d’une seringue, et ce à de multiples reprises.

Autre point à vérifier, l’impact du lanostérol sur la souplesse du cristallin, signale Francine Behar-Cohen. Car la cataracte s’accompagne d’une rigidification du cristallin qui peine alors à faire la mise au point. Egalement rigides, les lentilles artificielles obligent les patients à conserver une presbytie résiduelle (difficulté à s’accommoder à la vision de près) après l’opération. «Si le lanostérol permet aussi de redonner sa souplesse au cristallin, cela pourrait retarder l’apparition de la presbytie chez de nombreux patients», indique Damien Gatinel.

En désagrégeant des amas de protéines, le lanostérol pourrait en outre être utilisé dans d’autres maladies où l’agglutination des protéines pose problème. C’est le cas de la maladie d’Alzheimer, dans laquelle se forment dans le cerveau des plaques d’amyloïdes à l’origine des troubles neurologiques.

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