Kippour : LE KOL NIDRE L’annulation des voeux, engagements....

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Kol Nidré introduction à Kippour

LE KOL NIDRE L’annulation des voeux, engagements....

Cette bouleversante mélodie considéré par tous les mélomanes comme un chef d’oeuvre musical qui a inspiré des compositeurs célèbres, exprime dans un magnifique crescendo toute une gamme de sentiments.

Mélodie envoûtante qui remplit l’âme et l’esprit et ressuscite en nous les souvenirs du passé. Comme une étincelle qui rallume, elle réveille la conscience assoupie de certains fidèles et fait vibrer à nouveau les fibres juives dans le coeur de ceux qui se croient libres de toutes attache religieuse.

Quoique n’étant pas une prière, cette simple formule juridique et l’atmosphère de gravité qui l’entourent comportent une charge émotionnelle très forte, et constituent une introduction extrêmement solennelle à la journée de Kippour.

Ajoutez à cela qu’avec le Kol Nidré commence la journée la plus solennelle de l’année, que ce Kol Nidré se prononce dans une atmosphère tendue, pleine de gravité et vous comprendrez pourquoi tout au long des siècles, le Kol Nidré a été paré d’une mystérieuse auréole de sainteté.

En effet, certains s’imaginent qu’il s’agit d’une prière à la mémoire des morts, d’autres croient que c’est une supplication que nous adressons à D.ieu pour lui demander le pardon de nos fautes. Autant d’erreurs.

Le Kol Nidré n’est que la demande de l’annulation des voeux, interdits, serments, engagements à caractère religieux contractés durant l’année, s’ils ont été prononcés involontairement, sous l’impulsion du moment, ou sous la contrainte.

Ainsi le Kol Nidré ne serait qu’une déclaration à caractère purement juridique. Le fait que le Kol Nidré soit rédigé, non en hébreu, mais en araméen, qui était jadis la langue courante des juifs, accentue encore ce caractère juridique.

Quant à la date à laquelle le Kol Nidré aurait été composé, on ne peut avancer que des hypothèses. Celle qui a été le plus souvent admise fait remonter le Kol Nidré au 7e siècle, quand les Wisigoths, après leur conversion au christianisme, contraignirent les juifs à embrasser cette religion, ainsi que le firent plus tard les Inquisiteurs aux 14e et 15e siècles.

L’éminente place acquise par le Kol Nidré dans la vie spirituelle juive atteste que ce texte n’est pas le prétexte d’un rite qui permettrait à la communauté ou à l’individu de fuir lâchement devant ses responsabilités, d’esquiver par je ne sais quelle incroyable passe magique la gravité des engagements consentis ou prévus.

Kol Nidré introduction à Kippour

Kol Nidré introduction à Kippour

Du Moyen Age à la fin du 19e siècle, les antisémites chrétiens ont continuellement insinué qu’on ne pouvait se fier à la parole d’un juif, citant comme preuve une interprétation délibérément déformée du Kol Nidré.

Que certains aient pu soupçonner le Kol Nidré d’intentions aussi basses, qu’au siècle dernier des communautés soucieuses de leur honorabilité aient cru devoir supprimer cette introduction traditionnelle à la journée de Kippour, c’est le signe même du destin juif que l’on n’est que trop rapidement enclin à juger du dehors - et, ce qui est plus grave, à ressentir du dedans - avec un complexe d’infériorité.

Le Kol Nidré, un échappatoire à notre responsabilité ?
N’est-il pas plutôt un avertissement solennel à ne dire et à n’énoncer que ce dont n’aurions à rougir ni devant nous-mêmes, ni devant les autres ?

Comme l’a admirablement écrit le Professeur André Néher z’l: « Avec son texte collectif et non individuel ; avec son essai de braquer l’éclairage, du haut d’un sommet d’existence, à la fois sur l’année passée et sur l’année à venir ; avec sa gravité voulue de son caractère introductif à une prière continue d’un soir à l’autre ; interdisant ainsi et ouvrant du même coup la porte de Kippour, le Kol Nidré est un seuil.
Durant les quelques minutes où nous nous trouvons sur ce seuil et, c’est bien durant ces quelques minutes, ni avant ni après, que se déroule le drame, et c’est peut-être pour cela que la mélodie de Kol Nidré est si lente et si harcelante, mesurée à la manière de pas tendus vers l’avant et syncopée comme les hésitations d’un effort contrarié, quelque chose de plus haut se manifeste : une liberté.

Car le voeu n’est-il pas la forme la plus absolue, parce que la plus spontanée et la plus acceptée, de la contrainte ? »

D’habitude, les chaînes physiques ou morales nous sont imposées du dehors. Mais dans le voeu c’est nous-mêmes qui nous enchaînons, qui imposons à notre être des limites déterminées, et cette acceptation d’une contrainte librement consentie, nous paraît noble et belle et digne d’être respectée.

Elle l’est en effet, et malheur à celui qui n’estimerait le prix d’un voeu. Mais elle ne l’est que jusqu’à certaines limites, et malheur à celui qui ignorerait ces limites et ferait de son obéissance au voeu une vertu définitive.

L’un des secrets de notre malaise actuel n’est-il pas dans cet attachement aveugle à des voeux d’obédience politique ou intellectuelle, dans la fidélité irrévocable à des formes de vie et de pensée auxquelles souvent ne nous lie plus aucune foi profonde, mais le seul respect de l’adhésion qu’un jour nous leur donnâmes ?

La véritable noblesse consiste plutôt à savoir et à vouloir nous libérer de nos propres engagements lorsque nous en ressentons les erreurs et les dangers.

Kol Nidré est une de ces heures de jugement, rapides et denses où nos voeux d’hommes sont éclairés d’un bout à l’autre et l’institution de telles heures serait salutaire à la vie et à l’histoire de notre siècle.

La dignité du Kol Nidré nous paraît éminente au point qu’en lui, effectivement, et à travers toutes les autres questions qu’il soulève en notre conscience se trouve inéluctablement posé le problème de notre vocation juive..

Il est tout à fait remarquable qu’en des siècles antérieurs, le Kol Nidré ait constitué un appel aux marranes - ces juifs convertis par la force au christianisme et qui pratiquaient en secret leur judaïsme - à détruire la duplicité de leur situation et à se reconnaître en juifs authentiques.

Loin de repousser ces « avaryanim, ces transgresseurs » ont les associé aux autres membres de la communauté car, comme il est dit dans le Talmud: « Nous devons présenter à D.ieu le jour de Yom Kippour l’image d’une communauté fraternellement unie dans la prière et la pénitence (Mena’hot 27a)

Aujourd’hui, le Kol Nidré s’adresse à chacun d’entre nous et nous interroge sur la part de crypto-judaïsme que nous portons en nous. Nous sommes tous des Marranes, Juifs d’un jour ou juifs de l’année entière, nous frelatons le judaïsme de ce jour ou de cette année de tant d’éléments hétérogènes, sous lesquels se cache et se dérobe notre identité spirituelle véritable, qu’il importe que nous demandions en quelques minutes solennelles, dans quelle mesure notre judaïsme est encore le judaïsme, et jusqu’à quelles limites le judaïsme que nous avons accepté de vivre n’est qu’une parodie du judaïsme authentique, celui-ci ne pouvant être entrevu, étudié et conquis qu’au prix du renoncement à celui-là.

Dans une telle perspective la différence s’efface entre le juif détaché et le juif engagé. L’un et l’autre franchissent le seuil où ils sont mis en cause non plus dans l’étendue de leur foi, mais dans sa profondeur et dans son enracinement.
Dans la soirée de Kippour nous essayons de retrouver notre liberté intérieure, les ressources du retour et la volonté de se réaccepter en tant que juif.

Claude LAYANI

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