Article paru dans "Libération", le 08/09/08
Rose, Alon, Michaël : trois infanticides en dix jours. Israël est sous le choc. Les bouilles souriantes des bambins, tous âgés de 4 ans, font la une des quotidiens et apparaissent en boucle dans les émissions de télévision .
«Cette vague d’infanticides est sans précédent dans l’histoire du pays, souligne Hana Flutzky, responsable du département pour la protection de l’enfance au ministère israélien des Affaires sociales. Le choc est d’autant plus fort qu’en raison de la place particulière des enfants dans la culture juive, alimentée par le mythe de la mère juive hyperprotectrice, de nombreux Israéliens ont encore du mal à imaginer que cela puisse arriver ici.»
Contagion. La série noire a commencé par l’annonce de la disparition et du meurtre présumé de Rose Pizzem fin août. La fillette française vivait en Israël avec sa mère, divorcée, remise en couple avec le grand-père paternel de Rose, Ronny Ron. Ce dernier, âgé d’une quarantaine d’années, a avoué avoir battu à mort la fillette et placé son corps dans une valise qu’il aurait ensuite jetée dans le Yarkon, une rivière du nord de Tel-Aviv. Malgré la poursuite de recherches intensives - à l’aide notamment de plongeurs - le corps de Rose n’a toujours pas été retrouvé.
Quelques jours après le début de «l’affaire Rose», Olga Borisov, une immigrante de l’ex-URSS, noyait son fils, Alon, sur une plage près de Tel-Aviv. Quatre jours plus tard, c’était au tour de Michaël, un petit garçon aux yeux rieurs, d’être noyé par sa mère, Regina Kruchkov, elle aussi originaire de l’ex-URSS, dans la baignoire de son domicile.
«Il est difficile de croire à une simple coïncidence. Ce phénomène de contagion est connu, pour les suicides notamment. Il y a un lien entre la publication des incidents et l’occurrence de nouveaux cas», explique Hillel Schmid, directeur de l’institut Haruv, à Jérusalem, qui organise des programmes de formation pour le suivi des enfants victimes de maltraitance.
Fossé. La couverture en continu des recherches pour retrouver le corps de la petite Rose - certains sites Internet israéliens ont retransmis les plongées dans le Yarkon en direct - a été pointée du doigt comme le facteur déclencheur des deux autres infanticides.
Mais selon Hillel Schmid, la série de meurtres est surtout un symptôme des problèmes profonds de la société israélienne. Il souligne en particulier les difficultés d’intégration du million d’immigrants venus de l’ex-URSS après la fin du communisme : «Les nouveaux immigrants sont une population à risque. Ils se sentent souvent exclus, maîtrisent mal l’hébreu, ne bénéficient parfois d’aucun soutien familial.»
Par ailleurs, l’augmentation spectaculaire du fossé entre les riches et les pauvres et l’aggravation de la pauvreté, qui touche un tiers de la population, ont contribué à une hausse générale de la violence ces dix dernières années, ajoute Hillel Schmid. Selon les chiffres du ministère des Affaires sociales, 350 000 enfants israéliens sont considérés comme risquant d’être victimes de maltraitance, soit plus de 15 % des deux millions d’enfants vivant dans le pays.
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