Holocauste : Echos de Brody de Jean-Paul Gavard Perret

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Holocauste : Echos de Brody de Jean-Paul Gavard Perret

Au cœur de son être tourmenté, une femme se lança dans une quête poignante, celles des  empreintes oubliées de sa lignée. Égarés dans le silence, ses parents s'étaient à peine attardés sur les souffrances des massacres et les actes héroïques qui avaient sauvé quelques membres précieux de leur famille. Désireuse de tisser les fils de l'histoire, elle entreprit un voyage empreint d'émotion, traversant les terres d'Ukraine et de Pologne.
Ainsi est né ce poème sur l'histoire tragique de Brody.

Brody

Terre rouge de Brody
Ils sont là dans la forêt, près de la forêt
Terre noire de Brody
Les champignons ne poussent plus
Les vénéneux uniquement

Interdiction de déranger ceux qui sont enfouis
Tous étendus là, corps recroquevillés par la douleur intense de balles
Les parents de Klara et Jakob
Ozjasz et Hema, leurs enfants Anna, Reisel et Frida
Isaac et Brucha, leurs enfants, Léon, Max, Monique, Raya, Régina, Samuel, Emma.

A proximité de la forêt, charnier à ciel ouvert
les villageois ne grattent pas la terre
au risque de trouver des ossements
Oublient même d'arroser ces lopins

Rien ne pousse d'ailleurs...
Peaux devenues écorces
Le soleil ne pénètre plus la forêt
Il fait froid même en été
Les stèles en contrebas veillent sur les morts.

Les hommes ont-ils été poussé brutalement
Emmenés à Belzec en Pologne, camp d'extermination ?
Raflés à l'aube par les
Einsatzgruppen, assassins de la première heure
Hommes armés, un bras, une balle, un homme.

La ville de Brody liquidée en trois jours
Population assassinée par balles et 10 000 juifs déportés
au camp d’extermination de Belzec
Tickets sans retour
Les dates se mélangent, croisent l'horreur

Tous dans cette forêt rouge sang, hospitalière par moment,
un piège qui se referme sur lui-même,
Forêt transformée en humains,
De grands bras, allure dégingandée,
L'écorce faite de strates épaissit d'année en année.

On peut soulever les couches,
peaux douces des enfants, de jeunes filles en fleur,
d'autres rugueuses comme les mains
d'un grand père
garde forestier qui travaillait dans cette forêt-là

Photos perdues au fond d'une boîte
Photos de vivants
Jeunes gens aux mêmes regards
Trop forte la douleur des pères
Pour raconter qui ils étaient...

Avaient-ils des amoureuses ? Des flirts ?
Jouaient-ils aux échecs, au football ?
Aidaient-ils leur père, cafetier ?
Morts une deuxième fois
Personne n'a prononcé un mots sur eux

Il a fallu inventer leur vie d'avant
Images à la Chagall, inspirée des écrits
de Isaac Bashevis Singer
Trou noir, ne pas penser
Trop douloureux de rêver.

La forêt menaçante et angoissante
Les cris, on les entend
L'écorce est épaisse, plusieurs couches pour
se protéger, les colchiques mauves et
vénéneuses veillent.

Troncs scarifiés,
Incision profonde, rides de l'écorce humaine.
Impossible d'entourer les troncs des arbres
Lieu sanctuaire
La saignée s'écoule goutte à goutte.

La Galicie, terre des 600 000 personnes
assassinées, bain de sang de la folie humaine
Missions d'extermination des Einsatzgruppen
Élimination de masse des juifs,
des Tziganes, des handicapés...

Plus de mots pour dire l'horreur
soixante quinze ans plus tard
L'histoire se réveille plus violente
que jamais
Écrire pour juguler l'angoisse

La banalité du mal écrira Hanna Arendt
Les chefs des commandos en Pologne étaient en majorité
des personnes diplômées
exerçant des professions libérales
Jamais d'expression de remords ou de regrets lors des procès...

Qu'a fait la population locale ?
On sait qu'elle a participé aux massacres, à l'anéantissement
populations antisémites
Elles ont été les premières à
récupérées les biens laissés dans les maisons

A Brody
Le vieux cimetière, la forêt, la synagogue
En Pologne à Belzec
Autour du mémorial
une plaque commémorative de Brody

Des hommes de Brody ont été emmenés à Belzec
Ils ont fait ce voyage de non retour
Trains plombés, numérotés
Tous comme ces hommes, pas de noms enregistrés.

Uniquement le nom de la ville de provenance

Maisons investies le lendemain
du massacre
les robes d'Anna, Reisel et Frida
ont été portées par d'autres fillettes
et admirées par les enfants de l'école.

A Yad Vachem
La Vallée des Morts qui recense toutes les villes
juives à jamais disparues : le nom de Brody.

Ne pas pouvoir oublier
Les forêts de Galicie et de Bukovine
Ne pas se laisser engloutir dans
le dédale des stèles
du cimetière de Brody.

Lettres hébraïques inscrites sur
les tombes
Impossible de lire, de déchiffrer
Quelles sont les familles
Enterrées dans le plus vieux cimetière de Galicie ?

La forêt est bruyante pour qui écoute bien
La place manque
Les corps enchevêtrent d'autres corps
Qui n'ont pas bougé
Depuis presque sept décennies

Tibias, mains d'enfants
Rejetés de la terre qui étouffe
qui n'en peut plus de retenir.
Expulsion qui devrait alerter
empêcher la population de dormir

Pourquoi cette tombe
de petite taille
Peinte en rose
Après la guerre ?
Petite fille repose en paix.

Tirer le fil rouge de l'histoire
pour essayer de comprendre
l'inexplicable, l'innommable,
la folie des hommes
le silence du monde

Parents cassés, identités tronquées
Enfances volées
Peur d'oublier d'une génération à l'autre
Traces écrites et graphiques
Jusqu'au bout de nos forces

Lire pour vivre
Tard dans la nuit
Écrire par bribes
Prolongement de rêves douloureux
A l'abri des regards

Chant choral de la forêt
Troncs, branches, arbres
Quel leitmotiv est repris ?
Tisser le jour telle Pénélope
Défaire la nuit l'ouvrage

Massifs impressionnants
Qui délivrera les mémoires ?
Dans l'Hadès
Ombres transparentes,
sans futur, sans pensée.

Pas d'asphodèles pour couvrir
les corps
Fleurs blanches qui auraient pu
être linceuls
Pas de corps déplacés comme le préconise la religion juive.

No Tears... No Goodbyes
chantent Helen Merrill et Gordon Beck
Hommage à ceux qui n'ont pas eu
de sépultures
Pour que les larmes des vivants coulent enfin.

 

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