Entretien avec Sara Oudin poète juive de France

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Sara Oudin, "Quarante et un", editions Bruno Gattari

Par sa poésie, Sara Oudin décline un voyage exis­ten­tiel où le rêve et la réa­lité ont fort à faire pour s’accorder.

Certes, chaque voyage a ses limites et sa fin. C’est pour­quoi l’auteur com­mence ici à les décou­per en tron­çons.  Un tel corpus éro­tique et éso­té­rique lutte contre toute forme d’effacement. Si bien qu’à tra­vers Sara, c’est Eve qui revient en scènes fur­tives et hal­lu­ci­na­toires.

Elles sur­montent le temps qui passe, l’angoisse, le négatif.

Sara Oudin, "Quarante et un", editions Bruno Gattari

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Mon chat. La sen­sa­tion de son souffle impa­tient sur mes paupières.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Ils nour­rissent mes rêves d’adulte.

A quoi avez-vous renoncé ?
Peut-être aux voyages loin­tains. Mais ce n’est pas vrai­ment de l’ordre du renon­ce­ment, plu­tôt une trans­fi­gu­ra­tion à tra­vers l’écriture.

D’où venez-vous ?
D’ailleurs… phy­si­que­ment et men­ta­le­ment. J’appartiens à une famille nomade dont les racines ne sont pas ancrées dans une terre mais dans une culture : la culture juive sépha­rade, et plus lar­ge­ment la culture orientale.

Qu’avez-vous reçu en “héri­tage” ?
Mon nom, à mes yeux un tré­sor. Et une iden­tité que j’interroge et remets en ques­tion en permanence.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Le par­fum des fleurs d’amandier, les amandes, la pâte d’amande, amer­tume et dou­ceur pro­pre­ment aphrodisiaque.

Com­ment définiriez-vous votre poésie ?
Cela ne m’appartient pas. Sen­ti­men­tale, lyrique, spi­ri­tuelle, mys­tique, éso­té­rique ? J’aime l’idée qu’elle soit acces­sible à plu­sieurs niveaux, comme un mil­le­feuille, et que chaque lec­teur puisse y pro­je­ter ses attentes.

Quel poids repré­sente le passé col­lec­tif dans votre oeuvre ?
Mon écri­ture est bien sûr nour­rie de toutes mes lec­tures anté­rieures (je ne lis presque plus aujourd’hui, du moins je ne puis lire et écrire à la fois, « brû­ler la chan­delle par les deux bouts » comme l’écrit Kathe­rine Mans­field dans son Jour­nal.

Je me sens très proche de toute la lit­té­ra­ture fémi­nine anglo-saxonne d’une part, et de la poé­sie orien­tale d’autre part. Ca, c’est pour la par­tie consciente. Mais bien évi­dem­ment, le poids de l’histoire col­lec­tive, de l’histoire juive en par­ti­cu­lier, avec ses exils suc­ces­sifs, doit don­ner une cer­taine tona­lité à ma poésie.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Mon tout pre­mier poème , écrit à 9 ans : « La-haut, dans les hau­bans, un Ana­mite se balance »

Et votre pre­mière lec­ture ?
Je ne me sou­viens pas de ma pre­mière lec­ture. Il n’y avait pas de livres chez mes parents mais j’ai reçu beau­coup de prix de fran­çais à l’école, ça exis­tait encore à l’époque. Ca allait des Mémoires d’Un Ane de la com­tesse de Ségur à La Porte étroite de Gide.
Des livres que j’ai mis de côté pour les lire beau­coup plus tard. En revanche, je traî­nais à la biblio­thèque dans les rayons « lit­té­ra­ture anglo-saxonne » et j’ai lu tous les clas­siques, y com­pris Henri Mil­ler, bien avant l’âge requis.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Toutes les musiques, abso­lu­ment toutes. Mais pas tout dans ces musiques. J’ai une oreille très « élective ».

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Mes trois livres de che­vet : “L’Odyssée”, “Alice au pays des Mer­veilles” et “Vie Secrète” de Pas­cal Quignard.

Quel film vous fait pleu­rer ?
“Imi­ta­tion of Life”, de Dou­glas Sirk. Un mélo flam­boyant que j’adore, bien qu’il évoque pour moi des sou­ve­nirs très dou­lou­reux.
Aux anti­podes, “La Strada” de Fel­lini, mon pre­mier film vu avec mon père à 5 ans, que je déteste, même s’il évoque un sou­ve­nir heureux.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
J’évite les miroirs. Et toutes les images de moi.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A ma mère.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
L’Egypte.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Pour les écri­vains, j’ai répondu plus haut. Il fau­drait ajou­ter Kafka, Kun­dera, Nabo­kov…. J’ai une pré­di­lec­tion pour les peintres du fau­visme et la pein­ture expres­sion­niste alle­mande. En musique, je me sens proche des accents de la musique d’Europe cen­trale (j’adore Jana­cek !) autant que des musiques orien­tales et d’Asie mineure. Mais pour la poé­sie, je n’ai pas à pro­pre­ment par­ler de « modèle ».

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Un bou­quet de pivoines rouges.

Que défendez-vous ?
La nuance. Qui est la seule vision lucide de ce monde de dua­lité dans lequel nous vivons.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
J’en retiens les pre­miers mots : l’Amour c’est don­ner quelque chose. Et je pré­fère, de très loin, la cita­tion de Nietzsche :
« Ce qu’on fait par amour s’accomplit tou­jours, par-delà le bien et le mal. »
Pour la cita­tion de Lacan comme pour celle de Nietzsche, ce ne sont à mes yeux que des man­tras de pro­tec­tion. L’amour est défi­ni­ti­ve­ment incompréhensible.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
La réponse ne peut pas tou­jours être « oui ». Spi­noza dit que « tout refus de quelque chose n’est que l’acceptation d’une autre chose »

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Quelle est la fonc­tion de l’oubli dans votre écriture ?

Entre­tien et pré­sen­ta­tion : Jean-Paul Gavard-Perret.

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