
Robert Bober et le temps
Une fois de plus Robert Bober éprouve le besoin urgent de se remémorer et de transmettre - à savoir les deux points essentiels qui caractérisent son œuvre qui cultive autant la révérence que son contraire lorsque cela est nécessaire.
C'est aussi sa manière de poursuive sa lettre à l'Ami (Pierre Dumayet). D'outre-tombe il reçoit cette missive entamée avec "la vie n’est pas sûre" (2020). Elle est elle aussi accompagnée de nombreuses images (photographies, films, illustrations).
C'est enfin une approche autobiographie mais selon un fléchage particulier. Il ne s'agit pas pour Bober de l'écrire pour lui ou pour les autres mais "à eux". Et cela est important lorsque se retrouvent parfois des temps révolus et disparus afin de les amener au jour en cassant les silences, les oublis.
Dans un tel passé empiété Bober interroge la langue dont bien sûr le yiddish, les images (il en a créé de sublimes) et la littérature (idem). Souvenirs et histoires deviennent des cadeau. Et les disparus (entre autres des camps) vivent à nos côtés. C'est là qu'ils ont leur place là où Bober rappelle les déchirures de l'enfance de l'auteur dont la première carte d’identité mentionnait à la rubrique Nationalité : indéterminée.
Il y a entre les enfants juifs de Paris traqué pendant la guerre et les bombardements de Poutine sur Kiev une communauté. Mais dépassant son sentiment « d’imposture » d'avoir échappé au sinistre destin des siens, Bober se révèle une fois de plus un conteur à la I. B. Singer capable de dire la vie des autres et la sienne et d'ouvrir une méditation grave et drôle sur l’identité.
Jean-Paul Gavard-Perret
Robert Bober, "Il y a quand même dans la rue des gens qui passent", P.O.L éditeur, octobre 2023, 288 pages, 23 €..
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