Thanatopracies "raciniennes" - Gerald Tenenbaum - Gerald Tenenbaum
Gérald Tenenbaum, "Par la racine", éditions Cohen & Cohen, 2023, 186 pages, 19 €
Depuis la Genèse et le récit de la tour de Babel qui nous avait mis en garde, le projet d’êtres humains sans racines, interchangeables, unis dans une même entité est le signe de la volonté totalitaire de tous les dictateurs.
Ici, l'auteur - et c'est le cas de la dire - prend le problème par la racine (dont l'hébreu s'est fait une spécialité) et l'étend à tout : des végétaux aux mathématiques où elles sont le plus souvent au carré. Mais les essentielles restent celle d’un être humain, et personne apparemment ne peut changer une date de naissance ou faire qu’un événement n’ait pas eu lieu une fois produit.
Pourtant le héros du livre, Samuel Willar pratique un métier étrange. Il compose de fausses biographies pour les vivants ou les morts. Et ce pour une raison majeure "On n’a qu’une vie, on fait de mauvais choix, parfois même on n’en fait pas, ce sont les autres qui les font pour vous". Face à cet état de fait il modifie sinon le cours des vies du moins leur histoire.
Le tout dans ce roman, commence à la mort du père du héros. Il devient donc orphelin et va comprendre ce qu'avoir des racines nécessite. Et comme son père qui fut tailleur à domicile, il est devient autobiographe pour les autres et se plaît à "choisir les textures, prendre les mesures, programmer les essayages, et, à façon, confectionner des vies ».
Ce travail va l'entrainer bien loin en se plongeant dans une mission pour le compte d’une bibliothécaire du centre Rachi de Troyes. La ville est victime de l’antisémitisme islamique et le centre Rachi s’efforce de maintenir contre les vents noirs le souvenir d’un âge d’or du judaïsme champenois.
Ce n’est là jamais sans risques et un tel homme se voit obligé de plonger dans le passé de son père (donc en partie du sien) et dans celui d’une sémillante quasi séductrice à sa façon.
Le tout dans un voyage dans le temps et l’espace dont Israël (où sa Luce est censée avoir vécu) devient une surprise inattendue.
Jean-Paul Gavard-Perret
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