Des grands groupes israéliens tentent de se faire passer pour des commerçants en détresse

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A l’attention de tous ceux qui ont été tout émus par le « combat » d’Harel Wiesel, le patron du groupe Fox, soi-disant pour le bien de tous les petits commerçants... regardez à quelle vitesse cette noble démarche s’est transformée en chantage assumé : aujourd’hui l’Association des commerçants présidée par Wiesel et ses copains de Castro, du Mashbir, de Café Café et autres formidables entreprises ont envoyé une lettre de menace au ministère des Finances : si on ne leur verse pas immédiatement une compensation à hauteur de 10% de leur CA de mars 2019, et si on ne leur donne pas pour chaque salarié qu’ils réengageront généreusement (au salaire minimum bien sûr, c’est celui que reçoivent 80% des salariés de ces groupes) 10.000 shekels par tête, oui oui, ils ne rouvriront pas leurs magasins.

Ils ajoutent, tout en délicatesse, « et ainsi c’est l’Etat qui les paiera et pas nous ».

Cette tentative d’extorsion éhontée de la part d’entreprises qui ont pour la plus grande partie cessé de payer leurs loyers, mis tous leurs salariés en congé sans solde au frais de l’Etat et réduit leurs frais au minimum, montre bien comment la culture politique israélienne transforme chaque agrégat d’individus en groupe de pression, et chaque crise en opportunité cynique pour les plus forts, assortie de l’idée qu’il y a toujours un fryer, un pigeon pour payer.
Juste pour vous remettre un peu en mémoire qui est Harel Wiesel et quelles sont ses méthodes,une partie du billet que j’avais écrit sur Fox il y a deux mois.

Fantastique Mr Fox
Pigeons d’Israël
... Un excellent article paru dans le Marker du 12 février dernier d’Adi Dabrat-Mezeritz nous raconte la collusion inouïe entre le groupe Fox et la marque Nike pour étouffer la concurrence sur le marché des chaussures de sport premium vendues par la marque.

Commençons par un rapide portrait du groupe Fox, fondé en 1942 par la famille du même nom en Palestine mandataire sous le nom de Trico Fox, d’abord comme fabricant de dessous puis de maille.

Après s’être associée à son distributeur, la société Wiesel, Fox devient Wiesel-Fox, s’étend, crée les marques Fox Kids et Fox Men, et commence sa conquête de marchés étrangers.

Fox possède le magasin de vente en ligne terminal X et sa filiale Retailers possède la licence de distribution de Nike en Israël (et au Canada) et les magasins Foot Locker, mais aussi de The Children’s Place, American Eagle, Laline, Mango, Charles and Keith, Urban Outfitters, et bien d’autres.

Durant les dix dernières années et pour lutter contre la concurrence du commerce en ligne et la tendance de plus en plus forte des israéliens à faire leur shopping de mode à l’étranger, et contrairement à sa grande concurrente Castro qui a adopté une stratégie catastrophique et perdu plus de 65% de sa valeur dans les deux dernières années, Fox a choisi d’élargir ses activités à des domaines très variés de la grande consommation : chaussures, bijoux, maison avec Fox Home, beauté, sport bien entendu, et a lancé sa propre carte de crédit avec Leumi Card, l’ancienne Dream Card devenue Max.

Cette stratégie a payé et Fox est devenue un véritable empire, aujourd’hui estimé à plus de 2 milliards de shekels, présent dans plus de 10 pays, et son directeur général Arel Wiesel a reçu le titre de manager de l’année. Fox vaut plus que ses trois concurrents principaux, Castro, Golf, et le Mashbir réunis.

Toutefois le monde de la mode israélienne est caractérisé par les mêmes maux qui frappent le reste des secteurs de l’économie : concentration et manque de concurrence.

En Israël, ce ne sont pas les grandes marques internationales comme Zara, H&M, C&A et autres Uniqlo ou Jenyfer qui se livrent une concurrence féroce comme dans le reste du monde à coup de guerre des prix.

Non, en Israël on a ses petits acheteurs locaux et on les chouchoute en leur faisant payer plein pot leur isolement et leur marché bien concentré. Et tous ces beaux bénéfices gagnés sur les promos fantastiques de Fox genre 2 t-shirts pour 100 shekels sur lesquels les consommateurs peu avisés se jettent - avis à la population ça fait deux t-shirts made in China pour 26 euros, donc 13 Euros le t-shirt, pas exactement le deal du siècle - ces bénéfices donc, ont permis à Fox d’investir nos shekels sur les marchés étrangers surtout des pays émergents genre Moldavie, Bulgarie, Roumanie, etc… et, on y arrive enfin, à être le franchisé de près de 80 magasins Foot Locker et Nike à travers Israël.

Tout ça est magnifique, sauf que Arel Wiesel n’est pas exactement ce qu’on peut appeler un bon joueur.

Car malgré sa mainmise sur le monde de la mode du sport, il y a des récalcitrants qui s’entêtent à vouloir vendre des chaussures à des clients. Ça s’appelle un magasin indépendant et il y en a un certain nombre en Israël.

Et ces magasins indépendants ont découvert à leur grande stupeur qu’ils sont pour Nike et son distributeur Fox des gêneurs, voire des ennemis à abattre.

Les responsables de huit de ces magasins ont déposé la semaine dernière une plainte contre Retailers, la filiale de Fox qui possède les licences Foot Locker et Nike.

Morceaux choisis : le propriétaire d’un magasin de Netanya se procure un modèle de chaussures Nike par le biais d’un importateur parallèle, ce qui est, rappelons-le, parfaitement légal.

Le représentant Nike rentre “par hasard” dans le magasin, voit le modèle et annonce être “sous le choc”.

Une semaine plus tard, le magasin reçoit un lettre de Nike lui indiquant qu’elle cesse toute collaboration avec lui pour “divergence de stratégie”.

Un autre, à l’ouverture de son magasin, se tourne vers Nike pour pouvoir collaborer avec la marque. On lui signifie qu’il a le droit à une période d’essai d’un an pendant laquelle il lui est formellement interdit d’acheter de la marchandise Nike d’un autre fournisseur que l’officiel.

Troisième histoire, encore plus hallucinante, les magasins indépendants qui ne sont pas dans le groupe Fox et auquel Nike daigne quand même vendre sa marchandise, n’ont pas accès aux nouveaux modèles les plus hype lors de leur lancement, et les reçoivent uniquement quand ils sont passés de mode et que la demande baisse.

Lors de ses expositions commerciales, Nike expose ces modèles dans une pièce fermée à clé, le salon premium, qui est fermé aux magasins indépendants et réservé à Foot Locker et Nike Store. Vous pouvez toujours chercher ces modèles dans les magasins indépendants, vous ne les y trouverez jamais, tout simplement parce que Retailers refuse de les leur vendre et parfois même en nie l’existence.

Et les prix dans tout ça ? L’écart entre les Etats-Unis et Israël oscille entre 45 et 110% selon les modèles, et avec l’Allemagne c’est autour de 20%.

Donc avant de courir comme une flèche dans ces enseignes qui se goinfrent à nos dépens, d’abord enseigner à nos enfants ce qui se cache derrière le rutilant marketing de ces marques mondialisées, et ensuite se souvenir que le commerce indépendant est la clé de la bonne santé d’une économie et les favoriser.
Et puisqu'on est en campagne, non il ne suffit pas de claquer des doigts pour faire baisser les prix et mettre fin à cette situation scandaleuse, et pas plus que dans les autres démocraties il n'y a pas d'homme providentiel, seulement la prise de conscience et l'action acharnée et méthodique de centaines de milliers de citoyens pour le bien commun et plus d'égalité. »

Yaelle Ifrah
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