
Qu’on les chérisse ou qu’on les haïsse, qu’ils soient moqués ou admirés, les cheveux, c’est une sacrée affaire. Parce qu’ils contribuent à faire de nous ce que nous sommes, Libération leur consacre une chronique. Aujourd’hui, Eva, journaliste de 34 ans.
«Mes cheveux, c’est un sacré bordel. La plupart du temps, je me demande si je n’ai pas caché des trucs dedans. Mon mec m’appelle rula, c’est la femme des cavernes. C’est de l’arabe, du darija. Ils sont très très longs en ce moment, enfin manifestement – pour moi pas tellement, mais on me fait la réflexion beaucoup. On me dit "oh mais ils sont hyper longs vos cheveux ! Oh mais c’est incroyable cette tignasse !" "Tignasse" ça revient beaucoup.
«Que j’aie des mauvaises réflexions ou des bonnes, ça fait que j’ai des réflexions. Je trouve ça agréable de provoquer des réactions. J’adore mes cheveux. C’est un élément qui est hyper féminin. C’est quelque chose qui a été très positif pour moi qui n’avais pas forcément une très bonne image de mon physique. Je me suis toujours dit que, même si le reste ça n’allait pas, ça c’était chouette, j’avais des beaux cheveux, des grands cheveux.

cela me fait presque du bien qu'on me dise que j'ai des cheveux de Juifs
«J’ai eu un traumatisme parce que je me suis coupé les cheveux à la garçonne quand j’étais ado et ça a été l’horreur. Depuis, je n’y ai plus jamais touché. Je vis vraiment le physique à travers les yeux des autres et je me prenais beaucoup de réflexions sur le fait de ressembler à un garçon. Ça m’a complètement traumatisée, vraiment. J’avais envie et j’avais besoin de me sentir vraiment femme.
Les cacher
«J’entends régulièrement, de personnes qui savent que je suis juive ou d’origine juive, que j’ai des cheveux de juif. Du côté de mon père c’est des Juifs, du côté de ma mère ils sont Français cathos, d’origine en tout cas. Je n’ai pas du tout été élevée dans cette culture, c’est moi qui me sens juive. Ça m’est égal qu’on me dise que j’ai des cheveux de juif. Ça me fait presque du bien parce que ça me conforte dans l’idée que je sais qui je suis, ça va avec l’idée que j’ai de moi-même. C’est un préjugé raciste complètement débile, j’en suis consciente, mais disons que ce n’est pas le genre de préjugés qui vont me faire du mal. Au fond de moi, ça va plutôt être en accord avec qui je suis, du coup ça ne me pose pas de problème.
«Un jour, j’étais dans un bus à Rome et il y a ces mecs un peu fascistes-mussoliniens qui sont montés. J’avais les cheveux détachés et, à force d’avoir entendu que j’avais des cheveux de juif, mon premier réflexe a été de vouloir les cacher, de les mettre en chignon, parce que j’avais l’impression qu’ils allaient savoir que j’étais juive à cause de ça. Ça a été un réflexe, ce n’était même pas quelque chose de pensé. C’est après coup que je me suis dit mais c’est dingue quoi.»
Auteur Elsa Maudet
Source Libération
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