Demjanjuk : Serge Klarsfeld se constituera partie civile

Antisémitisme/Racisme - le - par .
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Article paru dans le "nouvelobs"

Avocat de la cause des déportés juifs de France, Serge Klarsfeld, 73 ans, entend se constituer partie civile en Allemagne contre John Demjanjuk, le gardien du camp de Sobibor où près de 4 000 Juifs français ont péri en 1943 qui vient d'être extradé des Etats-Unis vers l'Allemagne pour être jugé. L'avocat se félicite que le crime nazi soit poursuivi jusqu'à son «dernier souffle».

 Vous êtes déjà à l'origine de l'enquête judiciaire menée en France contre Demjanjuk au nom de l'association des Fils et Filles de Déportés Juifs de France.

Serge Klarsfeld : Nous nous sommes constitués partie civile en France en 1993 en raison de la participation de Demjanjuk à l'extermination de plusieurs milliers de Juifs de France en mars 1943, à la période où il est arrivé au camp de Sobibor. En effet, de France, sont partis quatre convois vers Sobibor en mars 1943 avec 4.000 Juifs au total, dont le convoi 52 où se trouvaient 800 Juifs de Marseille arrêtés lors de la grande rafle du Vieux port. Il y a eu moins d'une quinzaine de survivants.

A votre connaissance, existe-t-il des témoins français vivants ou des témoignages écrits sur son rôle à Sobibor ?

Serge Klarsfeld : La justice française n'a pas pu recueillir de témoignage parce qu'il n'y a plus de survivant. Sur la quinzaine de rescapés des quatre convois partis de France, seules deux personnes sont entrées à Sobibor. Les autres avaient été transférées dès leur arrivée au camp de Majdanek ou à Auschwitz, après une tentative d'évasion. Les deux de Sobibor ont réussi à s'évader lors de la grande révolte du camp. Mais nous n'avons pas leur témoignage.

Il existe en revanche des témoignages écrits provenant de l'ex-Union soviétique comme celui d'Ignats Danilchenko, ancien garde SS de Sobibor. En 1949, il a ainsi décrit le rôle de son collègue Demjanjuk: "en tant que garde SS, il a participé à la destruction massive de civils juifs, les a empêchés de fuir avant l'extermination et les a escortés aux chambres à gaz où l'extermination de ces gens étaient perpétrée par la suffocation due au gaz issu d'un moteur spécial".

Vous avez passé une partie de votre vie à chasser les criminels nazis. Que représente pour vous le cas Demjanjuk ?

Serge Klarsfeld : C'est un personnage qui a exercé des fonctions subalternes. Il était de ceux que les déportés voyaient lorsqu'ils arrivaient au camp, ceux qui les poussaient dans l'usine de mort qu'étaient les chambres à gaz. Il représente le dernier contact des déportés avec la brutalité nazie. Demjanjuk représente tous les gardes, comme Papon représentait l'administration préfectorale. Personnellement, j'aurais préféré que l'on juge en leur temps les cadres du régime nazi. Aujourd'hui, il ne reste que les petits. Mais ce qui est positif, c'est que jusqu'au dernier souffle du dernier criminel, le crime nazi est poursuivi. Un homme comme Demjanjuk sert la notion de justice, celle de ne pas laisser les criminels impunis, même s'ils sont âgés.

Selon vous, quel était le mobile d'un homme comme Demjanjuk. Ne peut-il pas se défendre en affirmant ne pas avoir eu d'autre choix que d'obéir aux ordres ?

Serge Klarsfeld : Les historiens allemands qui ont travaillé sur des cas précis montrent qu'on avait le choix. La défense de Demjanjuk dira certainement qu'il craignait d'être tué, qu'il n'a survécu que parce qu'il a accepté de faire ce qu'on lui demandait, qu'il n'était pas heureux de faire cela. Pour moi, c'est la conjonction entre quelqu'un de primitif qui a assouvi sa haine du Juif et quelqu'un qui se savait plus en sécurité en tant que gardien SS que comme prisonnier dans un camp de prisonniers soviétique. Mais ce sera à la justice allemande d'établir l'implication personnelle de Demjanjuk, les caractéristiques de son action.

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