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Artiste juif: Christian Boltanski , les boîtes

Les boites de Christian Boltanski, artiste juif contemporain

BOLTANSKI ET LES BOITES A SECRET

 

« On peut tout mettre dans des boites

Des cancrelats et des savates

Ou des oeufs durs à la tomate

Et des objets compromettants

On peut y mettre aussi des gens

Et même des gens bien vivants

Et intelligents ».

Ce poème - « La cantate des boîtes » - de Boris Vian représente peut être la meilleure façon d’introduire à ce qui a constitué pendant longtemps la signature de l’oeuvre de Boltanski.

Depuis 1969 l’artiste a en effet multiplié les installations de boîtes, plus particulièrement de boîtes de biscuits rouillées.

Celles-ci semblent témoigner a priori du contraire de ce qu’est sensé représenté l’art : celui-ci est de l’ordre de l’ostentation, à l’inverse la boîte cache ce qu’il pourrait donner à voir, à faire éclater. Boltanski crée ainsi un double jeu par l’exhibition de ces boîtes à secret, une exhibition qui ne tue pas leur secret tout en le laissant « espérer ».

 

Les boîtes de l’artiste sont donc une invitation à parcourir les secrets de famille, ceux de l’enfance en passant aussi par celui de l’identité et celui de la mort pour parvenir enfin au plus sublime d’entre eux : celui de l’art.

L’artiste a donc montré, au sein de diverses installations, les contours mais juste les contours de secrets qui dans la simple l’exhibition-ouverture demeureraient intacts.

Par exemple, et lors de la Deuxième Biennale de Lyon (1993) Boltanski avait exposé une grande boîte intitulée : « Fichiers, Archives de la ville de Lyon ». Elle contenait des milliers de fiches indéchiffrables puisque seulement visibles de haut à travers le sol vitré.

Demeuraient « présents » et présentés de manière énigmatique des milliers de noms et d’adresses qui concernaient la naissance d’enfants légitimes - ce qui laissait entendre qu’étaient absents les naissances d’enfants illégitimes.

La situation de « bâtardise » demeurait cachée en ce qu’on appelle les secrets de naissance ou de famille. Etaient donc absents les traces d’une infamie, d’une tache d’oppobre et de honte comme si était retiré du comptage tout le linge sale qu’il ne faut laver qu’en famille.

Mais pourtant, l’artiste n’a pas toujours été aussi circonspect dans ses travaux.
D’autres boîtes portent le nom de « Réserves » et l’artiste les définit ainsi : « je crois que ceci est lié au concept du cadavre dans le placard, à la chose qui est cachée et que l’on possède mais aussi à tout ce que l’on possède. La réserve est un endroit où l’on conserve les choses : c’est le réfrigérateur, le coffre. C’est la boîte où l’on met tous ses souvenirs et ses secrets. Peut-être ce titre est-il un dire et un non-dire. Il a le sens du retrait » (Catalogue de l’exposition de Bologne, 30 mai- 7 septembre 1997).

En conséquence la boîte permet ainsi de montrer rien en dévoilant pourtant de manière « ostensible » une mise à l’écart.

La dissimulation s’impose et s’expose pour ne pas faire éclater une anomalie qui par la bande est pourtant soulignée. Sans parler bien sûr oublier les archives les plus terribles nourrisseuses de cadavres en puissance. Pourtant Boltanski a toujours choisis dans ses travaux – les boites comme plus tard l’utilisation des vêtements – sous forme de métaphores propres à élargir la shoah en une vision plus « physique ». Elle transcende les repères trop étroits pour faire retentir l’inoensable à travers cette reprise comme avertisseur du mal qui nourrit l’Histoire.
Jean-Paul Gavard-Perret