Quelles sont belles tes tentes oh Israël ! parPr Hagay Sobol

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tentes.jpegTelle est la réflexion que m’inspirent les revendications sociales en Israël.

Ce pays paradoxal à de nombreux égards et incompréhensible si l’on adopte une posture idéologique dogmatique, est passé en peu de temps d’une économie subventionnée à une économie libérale, d’un pays essentiellement agricole à un pays éminemment technologique. Ce faisant les écarts entre les possédants et les autres n’ont cessé de se creuser.

Pour bien appréhender cette situation unique, il faut rappeler qu’Israël a dû faire face à des défis que peu de nations sont en mesure d’assumer : la transmission des valeurs traditionnelles du peuple juif et en même temps promouvoir la modernité, assurer le bien- être matériel de ses citoyens juifs et non juifs et la sécurité intérieure aussi bien qu’extérieure, alors que l’état de guerre entre Israël et ses voisins n’a pas cessé et tout cela en une soixantaine d’années.

Maintenir une dissuasion stratégique, une capacité d’action à distance et être une force opérationnelle efficace à la pointe du progrès, tout en veillant à la sécurité intérieure, a un coût élevé. A l’heure des choix, ont été bien trop souvent sacrifiés sur l’autel sécuritaire le domaine social, les infrastructures civiles comme on l’a vu récemment avec l’incendie du Carmel, et certaines réformes essentielles ont été repoussées à plus tard. Tout cela en comptant sur la compréhension et l’esprit civique des Israéliens qui donnent plusieurs années de leur vie pour la défense du pays et qui continuent à le faire dans le cadre de la réserve, les milouhim.

Dans le même temps des alyot du monde entier, sont venues grossir une population devenue ainsi le miroir que tend le peuple Juif au reste du monde et dans lequel se reflètent toutes les nations. Avec tous les problèmes que cela peut poser, difficile de réaliser une synthèse avec une telle mosaïque dans un si petit espace et en si peu de temps. D’abord le mot est-il approprié et est-ce l’objectif, c'est-à-dire se fondre dans un moule et perdre ses spécificités, ces richesses que nous avons rapporté de nos interactions avec les nations ? L’enjeu n’est-il pas au contraire de montrer que les extrêmes peuvent cohabiter et que c’est la résultante de tensions apparemment contraires qui est génératrice de progrès ?

Mais aujourd’hui alors que le monde est en pleine recomposition avec le printemps des « peuples arabo-musulmans », les répressions sanglantes et les nombreux morts civils que cela entraine, alors que des émeutes violentes interpellent le multiculturalisme à l’anglaise et son risque de contagion à l’Europe, les Israéliens eux aussi sont mécontents, mais pas uniquement parce que leur sécurité est menacée.

Oui, il faut avoir le courage et la lucidité de le dire, en Israël également il y a des inégalités criantes. Quoi de plus naturel que de vouloir partager les fruits de la croissance, alors que d’un côté sans aucune retenue des nantis affichent une réussite insolente, et que de l’autre côté, un nombre sans cesse grandissant de personnes éprouvent chaque jour plus de difficultés à assurer le quotidien, à l’image des rescapés de la Shoa qui n’ont vu leurs problèmes pris en considération que des dizaines d’années après les faits.

Ce peuple aux multiples facettes et uni dans l’adversité, comme récemment lors des lâches attentats d’Eilat, de Tel-Aviv et des tirs de missiles provenant de Gaza, montre une image citoyenne qui fait envie à de nombreuses démocraties. Ce comportement responsable devrait interpeller les élus, quelque soit le parti, passant beaucoup trop de temps à assurer leur propre survie politique et à planifier des changements d’alliance dans d’improbables coalitions.

Afin d’illustrer ces propos, arrêtons-nous un instant sur le cas des étudiants israéliens. Ils viennent de faire trois ans de service militaire et après cette longue coupure, ils font encore des sacrifices eux et leur famille pour travailler dur et obtenir un diplôme contribuant ainsi à la fois à la défense du pays; à son développement et à sa promotion. Dans un contexte économique très tendu, il leur est impossible d’accéder à la propriété tant les prix de l’immobilier flambent. Comment ne peuvent-ils pas être interloqués, alors que certains appartenant à la classe dirigeante achètent de manière ostentatoire des appartements à des prix prohibitifs dans les plus hautes tours de Tel-Aviv, eux qui ne peuvent même pas s’acheter un petit studio ? Si le problème des étudiants n’est pas rapidement réglé le pays va scier la branche sur laquelle il est assis. Car les futurs dirigeants et cadres des start-up tant admirées et autres domaines les plus dynamiques de la société israélienne, ce sont eux ! En paraphrasant le Talmud on pourrait dire que « le monde est suspendu aux lèvres des enfants qui étudient ».

Leur réaction devant cela ? La violence, des insultes, des émeutes et des saccages ?

Non au lieu de cela : ils montent des tentes de protestation* !

Ces jeunes sont l’avenir et le poumon économique du Pays. Ils sont conscients des enjeux. Ils savent que tout n’est pas permis et que tout n’est pas possible et surtout en ce moment, alors ils agissent de manière mesurée mais hautement symbolique en nous rappelant les versets bibliques de Bilam. Pour cette attitude, chacun leur doit le respect.

On pourrait citer également la « guerre du cottage » (fromage), ou la menace de boycott de la chaine de magasins Shoufersal comme mobilisations citoyennes pour faire baisser le prix des produits alimentaires de base. Face à ces beaux exemples donnés par le peuple, la question que l’on peut se poser est la suivante : les dirigeants israéliens seront-ils à la hauteur de prendre des décisions historiques ? Les politiques devront pour cela remettre à plus tard leur volonté de pouvoir pour s’investir encore plus pour le bien collectif et cela durant une période de grande tension. Car c’est l’impossible qui va leur être demandé, la quadrature du cercle, c’est-à-dire concilier à la fois les justes revendications sociales, l’équilibre économique avec la crise boursière actuelle, et les impératifs sécuritaires du pays avec en toile de fond la déclaration unilatérale d'un état Palestinien et les violences que l’on peut légitimement anticiper, la montée en force des islamistes, et les menaces de l’Iran et de ses supplétifs…

Les dirigeants israéliens auront à faire des choix cruciaux sous peine d’être sanctionnés. Et la liste est longue des revendications, citons en quelques unes : donner la priorité aux logements sociaux, à l’emploi dans les villes de la périphérie, aider les familles nombreuses par un système d’allocations familiales adapté, la gratuité pour l’enseignement supérieur, la revalorisation des bourses pour les étudiants, permettre aux jeunes parents de faire garder leurs enfants dans des gan yéladim dont les tarifs devront être accessibles à tous et faire baisser le prix des produits alimentaires de première nécessité…

Dans ce pays où tout peut arriver comme de nommer au poste clé de vice-Président de la Knesset le député Shlomo Molla originaire d’Ethiopie, et face à des choix impossibles, les hommes politiques devront se transcender pour trouver des solutions innovantes. Car au pays des miracles il y a une obligation de résultats.

Pour que le ciel s’éclaire et que les oreilles des décideurs soient bien conseillées souhaitons à tous Shana tova ve metuka.

*Le point de départ de ce mouvement est l’association apolitique "Im Tirtzu", rejoint par le Bné Akiva et Itzik Shmouli le Président de l’Association des Etudiants.

Pr Hagay Sobol
Hagay.sobol@gmail.com ou Association A.V.E.C.

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