Dans notre famille nous étions bilingue français-antisémite.

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Source REUTERS/Mihai Barbu

On l'imaginait avec une kippa, il portait le chapeau tyrolien. On le croyait enfant du Marais, son Heimat était l'Autriche, patrie du sapin et de la blonde Heidi. Bref, on le pensait juif, il était fils de sympathisant nazi. Comme l'écrit plaisamment Pascal Bruckner : à 65 ans, il était temps de faire son "coming out goy". Mission accomplie avec Un bon fils, portrait sans pathos d'un mauvais père, qui lisait Maurras d'une main et frappait son épouse de l'autre. 

 

Dans la famille Bruckner, on est "bilingue français-antisémite". Pendant la guerre, le père, un ingénieur des Mines, part volontairement travailler chez Siemens, dans ce IIIe Reich qu'il vénère. Il échappe par miracle à l'épuration, et le petit Pascal, tuberculeux, passe une bonne partie de son enfance dans les montagnes autrichiennes.  

 

 

Retour dans le Lyon des Trente Glorieuses - DS dans le garage, Vasarely au mur du salon - mais toujours cette mère humiliée, inlassablement traitée de "connasse". "Elle était le défaitisme à visage souriant", écrit ce fils accablé, qui entendait son père vomir les Marx Brothers et proférer des choses aussi sensées que : "Hitler n'était pas nazi." 

 

Et, avec ce pedigree, voilà soixante ans qu'on le prend pour un juif ! Son entrée fracassante dans le monde des lettres avec son "frère siamois", Alain Finkielkraut, y fut pour beaucoup. Ce qui nous vaut de belles pages sur son amitié avec ce fils d'un déporté à Auschwitz, auteur du Juif imaginaire, lui, le rejeton d'un supplétif du IIIe Reich. Pendant ce temps, son père envoie des rectificatifs aux journaux coupables d'avoir présenté son fils, Pascal, comme un "intellectuel juif"... 

 

Le charme vénéneux du livre de Pascal Bruckner tient peut-être à ceci : il ne parvient pas à nous faire haïr complètement ce père impossible, qui finira veuf, ruiné, malade. Un "bon fils", vraiment... 

Lexpress

Un bon fils, par Pascal Bruckner. Grasset, 254p., 18€. 

 

 

 

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