Livre juif :l'histoire de Yankel Perelman. Préface de Jean-Claude Grumberg.

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perelman-yankel.jpgParution du Gamin de la Krochmalne.

 

Après un an et demi de travail d’adaptation et de documentation, nous avons terminé la première étape de notre projet familial : faire paraître en français la biographie en deux parties que notre père avait écrite en Yiddish en 1960.

 

Le premier tome est enfin édité. Yankel Perelman y raconte son enfance et son adolescence à Varsovie. Orphelin dès l’âge de 8 mois, il sera recueilli par Hannah la placeuse, puis balloté entre différents oncles, et enfin placé comme apprenti boulanger à 7 ans.

 

 

Dormant dans le fournil sur des sacs de farine, attaqué par les rats et les vers, battu et volé par les ouvriers, il apprendra le métier dont il fera sa vie. Il sera confronté à la violence et à la misère, mais découvrira aussi la solidarité du monde ouvrier qui le mènera à l’engagement syndical et politique. Ce premier tome se termine en 1917, peu avant la Révolution d’Octobre.


 

A travers ses aventures dramatiques et parfois cocasses, il nous livre un tableau réaliste de la vie juive, au début du 20° siècle, dans une Pologne soumise à l’autorité du Tsar Nicolas II.


 

Le livre est en vente au prix de 18 € (plus 4,35 euros pour l’envoi à ceux qui ne sont pas sur Paris/banlieue) et la recette sera entièrement consacrée à la traduction et la publication du second tome qui couvre la période depuis l’arrivée en France en 1930 jusqu’à la fin de la guerre 1939-1945.

 

Jean-Claude Grumberg, l’auteur dramatique de la culture juive, nous a fait l’amitié d’écrire une préface poignante et savoureuse.

Pour le commander cliquez-ici

 

Préface de Jean-Claude Grumberg.

 

Perelman

 

Hitler et ses complices ont tenté de nous faire disparaître de la surface de la terre, et avec nous ils voulaient détruire notre langue, le yiddish, et la yiddishkeit. Donc, tout en nous brûlant, ils ont brûlé nos livres, nos maisons, nos bibliothèques, nos théâtres, nos lieux de prière, nos quartiers, nos villes, et ainsi  ils pensaient en avoir fini définitivement avec les juifs d’Europe.

 

Or, les quelques survivants, ceux qui rentraient miraculeusement des camps, ceux qui avaient échappé non moins miraculeusement aux mailles du filet, sitôt la paix revenue ont ramassé les vestiges de leur monde saccagé et se sont attelés à le reconstruire. Ils ont déterré les vieux livres de leurs cachettes, et même se sont mis à en écrire de nouveaux en yiddish.

 

Perelman était boulanger de métier. Il avait commencé tout enfant dans les fournils et ce dans la rue la plus mal famée du quartier juif de Varsovie. C’est là qu’il a appris le métier de la boulange et le métier de vivre. Aussi, tout naturellement, après la guerre, à Paris cette fois, s’est-il remis à la boulangerie et en plus a-t-il décidé de faire revivre son passé, ce début de XXème siècle, avant la grande barbarie de 14 et l’épouvantable industrie de la mort des années 40.

 

Il a voulu confier à d’hypothétiques lecteurs sa vie d’enfant, là-bas, en Pologne, d’enfant travailleur, d’enfant exploité. Il a voulu faire revivre sa rue à jamais disparue. Il a voulu croquer les figures croisées en ce temps où ceux qui fabriquaient le pain avaient tant de mal à gagner le leur. Il a voulu rendre hommage à ses parents croupissant dans les geôles du tsar parce qu’ils avaient cru qu’un avenir meilleur pouvait un jour régner sur la terre de Pologne et même jusque dans cette rue Krochmalna.

 

Il a fait en somme ce que Dickens, Gorki et autres Vallès ont fait pour Londres, Kazan, Paris. Il a rendu justice à l’enfance bafouée, exploitée, et en même temps il a dressé une galerie de portraits de yids inoubliables qu’il n’a voulu ni glorifier ni condamner. Des hommes et des femmes se battant pour survivre, des voleurs, des travailleurs, des putains, des mères de famille, en somme il a fait revivre le petit peuple de sa rue Krochmalna, afin qu’ils survivent eux aussi à la disparition et que nous, leurs petits-enfants, nous les connaissions à notre tour. Il leur a rendu justice et c’est à cela aussi que sert la littérature : refabriquer du vivant afin de vaincre la mort et l’oubli. 

 

 

 

Après le désastre de la seconde guerre mondiale, dans la chaleur des fournils parisiens de la rue des Rosiers, entre deux fournées de pains chauds au cumin ou au pavot, entre les bagels, les strudels et les keiskikhens, il nous a mitonné un plat savoureux, épicé, corsé et tendre, un livre en yiddish. 

 

Perelman parlait toutes les langues mais toutes en yiddish. Il savait qu’avec le  yiddish on pouvait s’adresser à la terre entière, du moins à ce qu’il en restait. Le  livre, comme tant d’autres écrits en yiddish en ces années-là, après avoir fait un petit tour parmi les lecteurs yiddishisants, s’est retrouvé bien au chaud à l’abri  d’un tiroir. Puis, un jour, monsieur Perelman, le boulanger, a quitté Paris. Peut-être est-il reparti vers le ciel de sa Pologne natale rejoignant tant d’autres  yiddishisants. Ses fils ont alors ouvert le tiroir, en ont ressorti le livre du père, et comme le père n’avait pas voulu que le passé disparaisse, ils se sont employés à leur tour à faire revivre le livre yiddish, en français cette fois, l’autre langue de la famille Perelman.

 

Ils nous offrent aujourd’hui un livre plein d’enfance et de pain chaud, croustillant. Il ne nous reste plus qu’à y goûter, qu’à en déguster l’âpre saveur du vrai pain noir à l’ancienne, le pain juif, celui qui remplir l’estomac et fait chaud au cœur.

 

Jean-Claude Grumberg

 

Février 2014

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