Témoignage exclusif de Chirel : Moi la Juive, la sorcière, celle dont l’odeur déplaît ...

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graffiti antisémites sur le devant d'un lycée juif à Paris

Antisémitisme à l’école - le témoignage exclusif de Chirel : « Moi la Juive, la sorcière, celle dont l’odeur déplaît » ...

Je m’appelle Chirel et j’ai 17 ans.
J’habite avec ma famille à Saint-Brice dans le Val-d’Oise, tout près de Sarcelles.
Les faits qui vont suivre, se déroulent au 21ème siècle.

Je suis juive mais je ne vis pas dans un cocon communautaire : l’une de mes meilleures amies est d’ailleurs de confession musulmane ; pour moi il est hors de question de faire des amalgames.

Et pourtant, j’ai vécu une véritable « descente aux enfers » : j’ai subi l’antisémitisme dans toute sa violence, sa bêtise, son abjection. J’ai aussi été confrontée à la lâcheté des autorités éducatives.

Voilà pourquoi j’ai choisi de témoigner et de lancer un appel à chaque Juive, chaque Juif de France : SOYEZ VIGILANTS OÙ QUE VOUS SOYEZ.

Il est temps, pour nous tous, d’entrer en résistance !

Une année scolaire « inoubliable » : la 3ème

Le cauchemar commence lorsque je suis en 3ème à l’établissement La Salle Saint-Rosaire de Sarcelles.

Dans certains collèges, la 3ème A, constitue la meilleure classe ; ici c’est celle des éléments perturbateurs, avec une majorité d’élèves maghrébins. Quelle chance de s’y retrouver !

J’y découvre le « rapport d’autorité inversé » : les profs craignent leurs élèves ! La loi du plus fort, règne.

Je ne cache pas ma confession israélite tout en restant discrète : inutile de se « jeter dans la gueule du loup ». Il faut dire que la classe est menée par trois garçons d’origine maghrébine, qui se bouchent le nez dès qu’une Juive passe près d’eux… Leurs mots sont à la hauteur de leurs gestes : « vipère », « sorcière »... Charmante allusion au nez juif.

Deux autres élèves de ma classe, sont de confession israélite : subissant les mêmes réflexions, ils parviennent - apparemment - à y rester indifférents.

L’établissement est alerté mais cela n’a aucune répercussion.

Pour ma part je me sens rabaissée, réduite toute entière à ce « terrible » qualificatif : juive.

Chirel n’existe plus. Je suis devenue « la Juive », « la sorcière », celle dont l'odeur déplaît et dont il faut absolument s'éloigner.

Et puis lors d'un cours d'anglais, un élève antillais me « chuchote » - distinctement - l’insulte de trop : sale juive. Comment décrire ce que je ressens ?

Une plainte pour harcèlement moral est immédiatement déposée au commissariat de Saint-Brice.

A partir de là, tout s'accélère : les meneurs de ma classe me « promettent » de ramener tout leur quartier pour me régler mon compte.

Ma famille se rend devant l'établissement afin d’évaluer leur dangerosité : mon père et mon frère se font insulter mais cela ne dépasse pas ce stade - pour le moment.

La situation prend alors une tournure inattendue : les harceleurs déposent une main courante contre mon frère, par crainte de ses « agissements » ! Il doit se rendre au commissariat où on lui adresse une mise en garde !

Autre conséquence de ma plainte : la convocation des élèves concernés ; je dois leur être confrontée… Je n'ai pas la force d'accepter.

Victime de ces actes, je suis censée me montrer non seulement courageuse, mais héroïque ! Ou kamikaze...

Désignée comme juive par un professeur

Les mois s’écoulent, un peu plus sereins. Je suis maintenant en 1ère L, avec les épreuves anticipées du bac qui se profilent ; je crois, la page « harcèlement », définitivement tournée…Je me trompe.

Tout semble jouer contre moi : l’actualité, la libération de la parole antisémite avec Dieudonné et Soral, le programme d’histoire, les œuvres littéraires…

Dès que, dans un cours, le mot juif est prononcé, on cherche à connaître ma réaction pour tenter de me déstabiliser. « Victimes parce qu’ils l’ont voulu, victimes parce que Juifs » : les phrases roulent dans ma tête.
Comment parvenir à se concentrer quand on est responsable de tous les maux du monde ?

Le pire est à venir. Nous étudions la pièce de Jean-Claude Grumberg: L’Atelier.

Le professeur explique que, dans notre classe, « il aurait pu y avoir des collabos, des résistants et bien entendu, UNE déportée » ; il me pointe du doigt.

Coup de tonnerre. Pourquoi un professeur se permet-il de me prendre à partie ?
A-t-on le droit d'évoquer ainsi la barbarie nazie ? Comment mon établissement peut-il tolérer une telle attitude ?

La réaction des autres élèves ne tarde pas : les « quenelles » et blagues antisémites fusent.
Un camarade me dit fièrement que son grand-père était nazi, d’autres tiennent des propos négationnistes ; sans oublier : « Merah avait raison, il a bien fait ».

Isolement et repli sur soi

C’en est trop pour moi. Je ne vais plus en cours tout en essayant de travailler au maximum ; je veux rompre tout contact avec les élèves de ma classe.

J'ai peur de dire la vérité, d’expliquer pourquoi je ne veux plus remettre les pieds au lycée, pourquoi chaque matin je prétexte des douleurs au ventre ou des problèmes familiaux pour aller à l’infirmerie. Jusqu'au jour où ma mère vient me récupérer : l’infirmière lui parle des « soucis » que j’invoque régulièrement.

Ma mère explose : « Non, ma fille n'a pas de difficultés familiales, elle vit dans un environnement équilibré. Vous savez pertinemment qu'il y a des problèmes avec certains élèves de votre établissement ! Alors aujourd’hui c'est quoi : une quenelle, « Shoananas », Dieudonné, Soral ? Ma fille est victime d'antisémitisme au sein même de votre lycée ! Elle n’y remettra plus les pieds ».

Le vivre-ensemble existe encore

Le cauchemar est derrière moi. Mais très peu d’établissements préparent au bac littéraire avec l’italien en LV2. Parmi les écoles juives, le groupe Georges Leven est le seul : l’élan de solidarité que l’on aurait pu espérer, n’est malheureusement pas au rendez-vous.

Je me retrouve donc dans un lycée privé, laïque, où tout se passe relativement bien : la haine du Juif n'est pas omniprésente…

Je me fais une nouvelle copine, une jeune fille d'origine maghrébine : on nous surnomme très vite « les jumelles » ! Apprendre ce que j’ai vécu, la choque terriblement. Comme quoi le dialogue est possible, y compris sur le conflit israélo-palestinien : ce qui compte c’est l’ouverture d'esprit.

Juive au « mauvais moment » ?

Alors pourquoi ai-je vécu l’enfer ? Ai-je été juive au mauvais endroit, au mauvais moment ?

Les attentats de Charlie et de l'HYPER CACHER de Vincennes ont ravivé la peur de chacun d’entre nous.

Ciblés une nouvelle fois pour ce que nous sommes, nous avons retiré nos "haï "et nos "maguen David" pour être le plus discrets possible, tout en ayant l’impression de combattre une force maléfique qui nous dépasse.

Quelques semaines après ces attaques sanglantes, des tags antisémites sont apparus au pied de mon établissement pourtant situé en plein quartier juif…

Aujourd’hui je ne le cache pas, je redoute un nouvel épisode d’agressions.

SOYEZ VIGILANTS OÙ QUE VOUS SOYEZ.

CHIREL, 17 ans avec le concours de Lydie LEVINE.

3 - La Salle Saint-Rosaire est un établissement catholique congréganiste sous tutelle des Frères des Ecoles Chrétiennes ; il appartient au réseau La Salle, présent dans 79 pays [ndlr].


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